La réduction de plus de 35 % du financement public des radios associatives apparait comme une attaque sans précédent à la liberté d’informer et à la démocratie. À l’aune de cette coupe budgétaire aveugle, ces médias, véritables vecteurs de pluralité, sont gravement menacés et montent aux créneaux.


 

La coupe drastique du financement public des radios associatives qui figure dans le projet de loi de finance 2025 est une très mauvaise nouvelle pour les radios concernées qui peinent déjà à boucler leur budget, mais aussi pour la vitalité démocratique et culturelle de notre pays, notamment en région.

Les radios locales sont présentes sur l’ensemble du territoire, dans l’hexagone comme en Outre-mer en particulier dans les quartiers de la politique de la ville (QPV) et dans les zones rurales. Elles remplissent une mission indispensable de communication de proximité et valorisent l’information locale. Là où la presse quotidienne régionale cède à la surenchère et à la course aux clics pour rivaliser à grand renfort de fait divers avec les réseaux sociaux, les radios locales demeurent des points de fiabilité pour les auditeurs. Elles produisent des ressources pour la vie pratique des gens sur leur territoire dans les domaines comme la santé, l’éducation, le développement local, ou la culture, et permettent aux acteurs qui font la vie locale de s’exprimer.

Le financement public dont bénéficient les radios locales est attribué par le ministère de la Culture en fonction de critères précis qui sont évalués chaque année dans les domaines comme : les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l’expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local, la protection de l’environnement, ou la lutte contre l’exclusion. Autant de champs dont l’État reconnait une utilité publique de première importance. Chaque année, près de 700 radios associatives bénéficient des aides du Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER), créé en 1982, qui représente en moyenne 40 % de leurs ressources.

L’origine de cet arbitrage budgétaire pose d’autant plus question que dans son rapport estival sur le “Printemps de la ruralité”, Rachida Dati avait souligné l’importance de mieux valoriser économiquement le travail des radios associatives rurales, proposant même une augmentation de 10 000 euros par radio rurale au titre du FSER.

Le revirement opéré par le gouvernement Barnier a-t-il été perméable aux propositions idéologiques du RN qui entend privatiser les médias public pour faire des économies ? Le ministère de la Culture s’est dit « très sensible […] aux difficultés que soulèvent ces perspectives budgétaires ». Dans le contexte de crise que connaissent les radios associatives qui représentent 15 % des fréquences FM, si la réduction de 35 % du FSER est mise en application, elle va entrainer des conséquences désastreuses pour de nombreuses radios associatives et porter atteinte à leur mission essentielle.

« Par ses choix budgétaires et la baisse annoncée des subventions destinées au Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER), le gouvernement compromet non seulement l’avenir de ces radios, mais aussi celui de milliers d’emplois, dénoncent La SNRT-CGT Audiovisuel (Société nationale de radiodiffusion et de télévision) et le SNJ-CGT (Syndicat national des journalistes) dans un communiqué, Les radios associatives emploient 2 600 personnes, dont 300 journalistes. Cette décision irresponsable remet en cause l’écosystème très fragile de ces médias, mettant en péril leur mission essentielle de communication sociale de proximité. Ancrés dans les territoires, les travailleuses et travailleurs des radios associatives et libres jouent un rôle crucial dans l’éducation populaire, la cohésion sociale et la promotion de la culture sous toutes ses formes. Ils permettent à ceux qui sont peu ou pas représentés dans les médias nationaux de s’exprimer, tout en garantissant un accès à une information indépendante et de proximité ».

« Nous appelons le gouvernement à revoir sa position et à rétablir un soutien digne de l’importance des radios associatives pour notre société », ont plaidé le SNRL (Syndicat national des radios libres), la CNRA (Confédération Nationale des Radios Associatives) et l’association Les Locales dans un communiqué en date du 11 octobre. Les radios associatives s’insurgent contre une baisse des crédits alloués au Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER), qui passent de 35,7 millions d’euros en 2024 à 25,3 millions dans le projet de loi de finances (PLF) 2025. Elles soulignent que cette baisse constitue l’essentiel des « 12 millions d’euros d’économies demandées » dans le programme Presse et Médias du PLF. Or, les radios locales associatives « ne représentent que 4 % de l’enveloppe budgétaire globale dédiée à la Mission Médias, Livre et Industries Culturelles », font-elles valoir.

À Paris, les initiateurs du projet de loi de finances établi dans la précipitation n’ont sans doute pas mesuré en quoi cette réduction budgétaire constitue une véritable perte pour la démocratie locale. De nombreuses voix d’élu.e.s de tous bords, de syndicats et de citoyen.ne.s appellent le gouvernement à revenir sur cette décision injuste et à garantir un financement pérenne pour les radios associatives. Il en va de la pluralité de l’information et de la vitalité démocratique et culturelle de notre pays.

Jean-Marie Dinh

 

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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.