Depuis le 20 novembre dernier, nous accueillons sur notre site les contributions d’Abu Amir Mutasem Eleïwa, personnalité indépendante très respectée dans la bande de Gaza, animateur des Projets paysans et interlocuteur privilégié de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP), et celles de Marsel Alledawi, responsable du Centre Ibn Sina pour l’enfance, l’une des rares structures strictement laïques du territoire vouée au suivi éducatif et psychologique. Rendre publique la matière de ces récits reçus depuis Gaza traduit ce que vivent les Gazaouis dans l’enfer de l’occupation.
En choisissant d’ouvrir largement les colonnes d’altermidi à la société civile et d’élargir le périmètre de l’information régionale à sa dimension méditerranéenne, nous ignorions que cela nous conduirait à entrer de la sorte en relation avec les habitant.e.s de cette petite bande de terre au sud de la côte de la Méditerranée orientale.
Comment gérer l’ouverture spatiale et le décloisonnement de l’information régionale ? À bien des égards, ce que propose notre bimédia n’est pas d’apporter des réponses, mais de se trouver sur un chemin de rencontres nous autorisant à poser des questions inattendues. Dans cette perspective, nous tentons de démontrer que le terrain de réflexion et d’investigation des médias indépendants en région ne se borne pas exclusivement au schéma et aux rôles que l’intelligentsia politique et médiatique, souvent jacobine, lui attribue.
Ainsi notre équipe relève le défi démocratique de mettre en pratique une approche différente de l’information.
Le dossier de ce numéro pose la question « Qu’est-ce qu’être européen.ne en région ? »
Comme l’identité méditerranéenne, l’identité européenne, en dépit de son allure abstraite, est en réalité au cœur de toute aspiration à se situer par rapport aux affaires du monde. Les différents reportages et sujets traités à partir de nos territoires recoupent quelques-uns des grands défis que doit relever la communauté européenne, comme la division des Vingt-Sept autour du Pacte sur la migration, les effets politiques et économique de la politique communautaire régionale, la perception des jeunes de l’espace européen ou l’apport des mouvements féministes.
À l’heure où pointe le risque d’un détournement de l’intérieur des ressources et des institutions européennes par les forces politiques qui en combattent les valeurs, il est temps que les États et le Parlement européen prennent en compte les positionnements des mouvements de la société civile dans la dynamique d’élaboration des politiques publiques. Surtout lorsque ces mouvements remettent en question le statu quo comme c’est le cas pour la politique d’austérité ou celle de la transition écologique et sociale.
Une culture n’est pas un bastion fermé. La montée des populismes et du nationalisme porte en germe la déliquescence de l’idée européenne. Par delà les modes de légitimation et les frontières, le destin européen s’écarte de toute identité figée pour s’inscrire dans les tendances dynamiques des cultures qu’elle rassemble et qu’elle a pour mission de rendre compatibles. Ce constat vaut tout autant localement. Être à la fois sudiste, méditerranéen.ne, européen.ne, citoyen.ne du monde, et faire cohabiter tout cela sous le même crâne n’appelle-t-il pas à un peu de lecture ?
Jean-Marie Dinh
