Bien que les prix de gros de l’électricité soient retombés depuis quelques mois, les Français.e.s doivent se préparer à une hausse de leur facture au 1er février, de près de 10 %. Ce qu’a confirmé Bruno Le Maire après les propos du président de la République selon lesquels « il est légitime qu’il y ait des augmentations ». À bien y regarder, rien n’est moins vrai.
L’ampleur exacte de la hausse vient d’être annoncée par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. La facture d’électricité augmentera au 1er février entre 8,6 % et 9,8 % selon les contrats. Le principe avait été confirmé par Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse le 16 janvier. « La France a beaucoup protégé face à l’inflation ces dernières années, avait-il rappelé, donc, au moment où les prix [de l’électricité] reviennent dans la norme, il est légitime qu’il y ait en effet des augmentations. »
Les prix de gros de l’électricité, qui avaient brièvement dépassé les 1 000 euros le mégawattheure au pic de la crise de l’énergie, sont en effet redescendus et avoisinent aujourd’hui les 80 à 90 euros — un prix qui demeure près de deux fois plus élevé par rapport à l’avant-crise. « La hausse pour les consommateurs au 1er février est uniquement une décision de politique fiscale, explique Nicolas Goldberg, analyste spécialiste de l’électricité au sein du cabinet de conseil Columbus Consulting. Elle est donc à la main du gouvernement qui peut décider de moduler la taxe ».
Le dernier rapport de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), qui évalue les coûts de l’électricité pour les particuliers et les professionnels hors taxe, préconise une hausse de 0,01 du tarif pour les ménages et une baisse de 3,67 % pour les professionnels. Malgré une baisse des prix sur les marchés de gros, les consommateurs français devront donc faire face à une forte hausse, exclusivement due aux taxes.
Pourquoi ? Bercy a prévu, dans le budget 2024, le retour d’une taxe sur la facture des consommateurs — la taxe intérieure de consommation finale sur l’électricité — qu’il avait quasiment suspendue depuis deux ans pour compenser la flambée des prix de l’énergie pour les ménages. Le nouveau gouvernement dirigé par Gabriel Attal a donc pris la décision d’une augmentation pour renflouer les caisses de l’État plutôt que de préserver le pouvoir d’achat des Français.e.s.
Une augmentation injustifiée
Le tarif réglementé de vente de l’électricité a déjà subi en 2 ans une augmentation de plus de 30 % qui grève fortement le pouvoir d’achat des ménages. L’UFC-Que Choisir dénonce aujourd’hui cette nouvelle hausse du prix de l’électricité sans lien avec les coûts réels de production de l’électricité en France, et s’alarme des conséquences dramatiques qu’elle aurait sur les ménages. L’association avait demandé au nouveau Premier ministre de montrer sa volonté d’œuvrer pour la préservation du pouvoir d’achat des consommateurs, en gelant la hausse du tarif réglementé de vente de l’électricité, ou a minima en la limitant afin qu’elle n’excède pas 2,5 %, c’est-à-dire l’inflation attendue en 2024.
Alors que de nombreux ménages renoncent à se chauffer en raison du prix de l’électricité ou doivent arbitrer entre se chauffer et se nourrir, la perspective d’une telle hausse (bien supérieure à l’estimation faite par la Banque de France) de inflation de 2,5 % en 2024 est particulièrement alarmante.
Cette augmentation de la fiscalité est injustifiée à au moins trois titres, estime L’UFC-Que Choisir. « Tout d’abord elle est particulièrement mal venue dans un contexte général d’inflation et met en évidence que le pouvoir d’achat des Français n’est pas au cœur de la politique budgétaire du Gouvernement. Ensuite elle s’explique d’autant moins que le chiffrage du TRVE ( tarifs réglementés de vente d’électricité) par la CRE permet déjà au Gouvernement de réaliser d’importantes économies. En effet, le chiffrage du TRVE hors taxe pour 2024 par la CRE va induire la fin des compensations publiques aux fournisseurs d’électricité dans le cadre du bouclier tarifaire, qui, selon nos calculs1, va permettre à l’État d’économiser cette année pas moins de 13,1 milliards d’euros par rapport à l’année dernière. Enfin, elle marquerait le retour d’une fiscalité extrêmement élevée (taxes et contributions diverses, TVA à 20 % qui s’applique également sur les autres taxes) sur la consommation d’électricité, bien de première nécessité. Enfin, cette augmentation serait d’autant plus malvenue que la politique énergétique du Gouvernement vise une électrification massive des usages. »
Le prix de vente réglementé de l’électricité reste artificiellement élevé
Cette forte hausse de la fiscalité marque la volonté du Gouvernement de ne plus agir pour réduire les prix de l’électricité et traduit donc le fait qu’il considère que les consommateurs payent aujourd’hui le juste prix de l’électricité. Ce n’est pourtant pas le cas. L’UFC-Que Choisir a régulièrement documenté2 le fait que le TRVE n’est pas une offre reflétant les coûts de production en France, mais plutôt les prix de l’électricité sur les marchés internationaux, eux-mêmes largement liés aux prix (élevés) du gaz. Un comble lorsque l’on sait que le mix électrique français est quasi-intégralement décarboné ! Les tarifs de l’électricité payés par les ménages étant actuellement artificiellement élevés fait dire à l’association de consommateur que « cette nouvelle hausse est plus que jamais intolérable ».
Il importe par ailleurs de distinguer cette nouvelle augmentation des tarifs de l’électricité des efforts qui pourrait être consentis au titre de la transition écologique, puisque dans le même temps le gouvernement vient de supprimer purement et simplement le titre 1er du projet de loi sur la souveraineté énergétique. Un nouveau rebondissement dans l’élaboration chaotique de la stratégie française sur l’énergie et le climat pour 2030 : la suppression par l’exécutif du volet programmatique du projet de la loi sur la souveraineté énergétique. C’était le titre le plus important, celui qui portait sur la définition des objectifs de baisse d’émissions de gaz à effet de serre et de production d’énergie décarbonée.
Jean-Marie Dinh