ÉDITO
Le temps de la jeunesse… C’est autour d’une période décisive de la vie que nous vous proposons de vous arrêter un instant sur ce numéro. La jeunesse, dont il est beaucoup question dans le discours public, culturel ou politique, apparaît souvent aux âges plus avancés comme une reconstruction idéalisée de l’après-coup.
En préparant ce numéro, nous nous sommes interrogé·e·s sur la définition même de la jeunesse, la limite temporelle, la manière de l’envisager, arrivant même à nous questionner sur le sens de notre démarche. Parlée plus qu’elle ne parle, objet plus que sujet, la jeunesse est souvent instrumentalisée. Notre approche s’est finalement placée sous le signe de l’écoute. Nous avons pris le temps nécessaire pour donner à lire ce qui relève généralement du non-dit et/ou du non-exprimable, sans que cette parole soit objectivée par la médiation d’institutions sociales, politiques ou médiatiques. Retenir l’intitulé Vivre sa jeunesse s’entend aussi bien comme une affirmation qu’une interrogation portée sur les conditions mêmes de possibilité de la jeunesse.
Nos colonnes s’ouvrent sur un corpus d’auteur·e·s inconnu·e·s et de témoignages recueillis ici et ailleurs. Au fin fond du désert du sud-ouest algérien, Brahim, 24 ans, rêve d’horizons et de liberté. « Nous ne sommes pas des bêtes qui se laissent dominer », dit-il dans le reportage que nous avons réalisé au Sahara Occidental. Plus proche de nous, Ils et elles racontent par petites touches, tout en nuances, évoquant le rapport aux autres, l’apprentissage, le déroulement de leur journées et de leur nuits, leurs expériences professionnelles, sociales, politiques, amoureuses, corporelles, éducatives… On peut lire dans la somme de ces expériences subjectives un changement profond, dans une société de la longévité qui fait aujourd’hui cohabiter jusqu’à cinq générations simultanément.
Dans cette société où les jeunes peinent à trouver leur propre espace, la cadence productiviste imposée à une pluralité de la jeunesse est souvent vécue comme intenable et absurde. À travers le statut transitoire et précaire de la jeunesse s’affirme paradoxalement une conscience qui touche de plain-pied au politique. Un engagement en clair-obscur car, dans le midi comme ailleurs, la précarisation et l’absence de perspective, qui se généralisent dans une part conséquente de la jeunesse, est habilement mis à profit par des groupuscules d’extrême droite libérant les monstres qui sommeillent en chaque groupe humain ; nous consacrons un sujet à l’émergence de la jeunesse brune en Europe.
Notre approche varie selon les personnes et le contexte des rencontres. La restitution revêt des formes différentes, passant du témoignage direct au dialogue, en transitant par des podcasts à retrouver sur le site altermidi.org ou des réflexions plus posées. Tom, Rachel, Mia, Arthur… ils sont une quinzaine entre 12 et 29 ans a avoir accepté de contribuer à la proposition que nous leur avons faite, d’évoquer à la fois les joies et les difficultés de vivre.
Nous les remercions pour la confiance qu’elles·ils nous ont accordée.
Bonne lecture.
Jean-Marie Dinh
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