Le dernier projet de texte de compromis du Conseil de l’UE sur l’Acte européen sur la liberté des médias (EMFA) présente de sérieux risques pour les principes démocratiques et les droits fondamentaux de l’Union européenne. L’introduction par la France d’un ajout à l’article 4 justifie le déploiement de logiciels espions contre les journalistes et leurs sources.


 

La Fédération européenne des journalistes (FEJ) réitère son appel aux États membres de l’UE pour qu’ils renforcent l’article 4 sur les droits des fournisseurs de services de médias. Le texte devrait être adopté le 21 juin.

Dans son dernier appel le 2 mai, la FEJ, avec l’ensemble des grandes organisations européennes de radiodiffusion et d’édition, avait exhorté les États membres à faire preuve de plus d’ambition sur l’article 4 concernant la protection des sources et les technologies de surveillance — pierre angulaire de la liberté des médias — de plus en plus attaquées. La protection des médias, y compris des journalistes et de leurs sources, contre toute menace à leur indépendance et à leur sécurité est une condition non négociable pour un journalisme efficace et la liberté éditoriale.

Cependant, le dernier projet de compromis, daté du 7 juin, édulcore la proposition de la Commission en prévoyant une exception « sécurité nationale » à l’interdiction générale de déployer des logiciels espions contre les journalistes, sans garantie pour la protection des sources.

L’introduction par la France d’un ajout au paragraphe 4, qui stipule que « le présent article est sans préjudice de la responsabilité des États membres en matière de sauvegarde de la sécurité nationale », transforme en effet les protections initialement prévues en coquilles vides. Une telle exemption de « sécurité nationale » sans garantie des droits fondamentaux néglige l’importante jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). La Cour a clairement indiqué que le simple objectif de préserver la sécurité nationale ne peut pas rendre le droit communautaire inapplicable et ne dispense pas les États membres de leur obligation de se conformer à l’État de droit.

« Il est en effet choquant, et c’est un nouveau coup dur pour la liberté des médias, que les États membres de l’UE affaiblissent encore des dispositions importantes sur la protection des sources des journalistes et la protection contre les technologies de surveillance », a déclaré Maja Sever, présidente de la FEJ. « Alors que nous n’étions déjà pas satisfaits de la proposition de la Commission, nous déplorons la nouvelle exemption pour la protection de la sécurité nationale au détriment de la liberté des médias », a-t-elle ajouté. Le projet du Conseil supprime en outre la liste exhaustive des crimes établie par la Commission pour la remplacer par la liste établie dans la décision-cadre relative au mandat d’arrêt européen, qui élargit massivement le champ d’application pour justifier le déploiement de logiciels espions contre les journalistes et les sources journalistiques.

La proposition actuelle du Conseil n’inclut pas non plus de garanties pour les droits fondamentaux, comme l’exigent le Traité sur l’Union européenne et la Charte des droits fondamentaux. La FEJ a insisté, dans sa position sur l’Acte européen pour la liberté des médias et tout au long de son plaidoyer, sur la nécessité d’avoir un champ de protection plus large, une référence aux principes de proportionnalité et de subsidiarité, et un système d’autorisation judiciaire ex ante des mesures de surveillance.

La FEJ, en collaboration avec des organisations de défense des droits numériques, de la société civile et de la liberté des médias enverra une lettre à tous les acteurs impliqués dans les négociations en cours concernant l’utilisation de logiciels espions contre les journalistes et l’importance de la protection des sources des journalistes.