L’OPA de Vivendi a fini par être validée ce vendredi par la Commission européenne. Le groupe du milliardaire Vincent Bolloré a été autorisé à absorber son ancien rival Lagardère, à condition de céder sa filiale édition et le magazine Gala. Vivendi met la main sur Paris Match, Le Journal du dimanche, Europe 1 et le géant de l’édition Hachette.
Avec l’OPA de Vivendi sur Lagardère, le milliardaire breton Vincent Bolloré est en mesure d’élargir son emprise sur l’industrie culturelle. Si l’alignement sur le modèle de CNews est déjà effectif à Europe 1 et s’amorce au Journal du Dimanche et à Paris Match, la prise de contrôle des médias d’Arnaud Lagardère et d’Hachette restait soumise au feu vert de la Commission européenne. À cette fin, Vivendi cherchait un repreneur pour son géant de l’édition Editis, suscitant notamment les convoitises des milliardaires Daniel Kretinsky, Stéphane Courbit et Pierre-Édouard Stérin.
Le feu vert de la Commission européenne, annoncé par communiqué, est arrivé vendredi assorti d’une petite condition justifiée pour des questions de concurrence : l’ogre insatiable dévoreur d’entreprises devra céder sa filiale édition. Lagardère détient en effet le troisième éditeur mondial Hachette Livre et la fusion risquait de limiter drastiquement la concurrence sur le marché des livres en France.
Vivendi s’est donc engagé à céder Editis, numéro 2 français de l’édition acquis en 2019, qui regroupe une cinquantaine de maisons dont Robert Laffont, Nathan, Le Robert ou Pocket. Vivendi « a conclu une promesse d’achat avec International Media Invest a.s. le 23 avril », a rappelé le groupe dans un communiqué. Derrière l’acquéreur se trouve un autre milliardaire, le Tchèque Daniel Kretinsky.
L’autre promesse est de céder l’hebdomadaire d’actualité des célébrités Gala. Ce titre « fait d’ores et déjà l’objet de nombreuses marques d’intérêt », a souligné Vivendi sans autre précision. La Commission craignait que le Paris Match de Lagardère ajouté aux Voici et Gala de Prisma Media, propriété de Vivendi, ne fasse un peu beaucoup.
Plus de problème pour la Commission
Mais ces derniers engagements « répondent intégralement aux problèmes de concurrence relevés par la Commission » dans son enquête, a jugé l’exécutif européen. Bruxelles redoutait que l’opération, telle que prévue initialement, « ne nuise à la concurrence » dans l’édition tout au long de la chaîne de valeur du livre, où Editis et Hachette se partagent presque à eux seuls certains segments, ainsi que dans la presse magazine, où Lagardère est bien implanté avec l’hebdomadaire Paris Match.
Vincent Bolloré et ses enfants, qui contrôlent Vivendi et sa cascade de holdings, avaient accepté dès l’été 2022 de se délester d’Editis. Une occasion qu’a saisie Daniel Kretinsky, de plus en plus présent dans les médias (Le Monde, Elle, France Dimanche, Ici Paris, Marianne, entre autres) et la distribution (Fnac Darty, Casino). D’après Yannick Bolloré en avril, l’acquéreur a négocié un prix « voisin » de l’estimation des analystes financiers, entre 500 et 600 millions d’euros. C’est une décote importante par rapport aux 829 millions d’euros payés en 2019.
La Commission a estimé dans un communiqué que les actifs cédés « constituent une activité viable qui permettrait à un acheteur potentiel de concurrencer de manière effective » Vivendi fusionné avec Lagardère. « La décision de la Commission est subordonnée au respect intégral des engagements contractés », et la mise en œuvre des cessions sera contrôlée « par un mandataire indépendant sous la supervision de la Commission ». Il évaluera « l’adéquation des acheteurs » dans le cadre d’une procédure d’approbation distincte.
Acquéreur « ami »
Dans un entretien au Figaro en ligne vendredi, Yannick Bolloré, président du conseil de surveillance de Vivendi, estime que, grâce à ce rapprochement, « le groupe Lagardère sera consolidé globalement dans les comptes de Vivendi, dont le chiffre d’affaires passera de 9,6 milliards d’euros à 16,5 milliards d’euros et (les) effectifs de 38 315 collaborateurs à 65 698 », pour atteindre un « poids de l’international à 63 % » du chiffre d’affaires, « versus 54 % précédemment ».
La conquête de Lagardère est une étape clé du recentrage de la famille Bolloré sur les médias et l’édition. Avec Hachette Livre, qui détient des maisons comme Grasset, Fayard, Stock ou Calmann-Lévy, Vivendi pourra rivaliser avec l’allemand Bertelsmann, un groupe familial mêlant livre et audiovisuel.
Vivendi avait lancé son assaut début 2020, lorsque l’ex-empire industriel et médiatique Lagardère était au plus mal. Fragilisé par la pandémie de Covid-19, il avait un patron et héritier, Arnaud Lagardère aux abois, lourdement endetté et poursuivi par un fonds activiste1, Amber Capital. Dans un message à ses salariés consulté par l’AFP, M. Lagardère s’est félicité de travailler dorénavant avec un « ami, Vincent Bolloré, si injustement pris à partie ces derniers temps ».
Ce dernier est régulièrement critiqué pour ses opinions politiques droitières. Ses contempteurs estiment qu’il va les imposer aux maisons d’édition de Hachette Livre et aux médias de Lagardère. Auditionné début 2022 par des sénateurs inquiets de son influence grandissante, M. Bolloré avait rejeté toute accusation d’interventionnisme. « Notre intérêt n’est pas politique, n’est pas idéologique, c’est un intérêt uniquement économique », clamait-il en janvier 2022 face à la commission d’enquête du Sénat. Nous voilà rassurés.
Avec AFP