Dans un dernier vote au Sénat, le Parlement doit valider mercredi le texte préparé par le gouvernement en vue des JO de Paris 2024, dont l’important volet « protection » convainc la droite majoritaire, au contraire de la gauche qui craint un cheval de Troie sécuritaire.
Après quatre haies passées sans encombre (un vote en première lecture au Sénat, deux à l’Assemblée et un accord en commission mixte), c’est la dernière ligne droite pour la copie de l’exécutif et sa mesure phare, la vidéosurveillance algorithmique. Le but : que des algorithmes se nourrissent d’images de caméras et de drones pour repérer plus rapidement des « événements » potentiellement dangereux, comme le début d’un mouvement de foule ou l’abandon d’un bagage, et les signaler aux équipes de sécurité qui scrutent les rassemblements derrière leurs écrans. Mais la liste des « événements » à détecter sera fixée ultérieurement, ce qui ne rassure pas les opposants au texte qui se demandent quels seront les comportements scrutés.
Expérimentation ou engrenage ?
L’expérimentation, qui pourrait débuter dès la promulgation, et concerner la prochaine Coupe du monde de rugby par exemple (8 septembre-28 octobre) doit se terminer théoriquement le 31 mars 2025. Les images, qui pourront être analysées au moyen d’algorithmes de sociétés privées, pourront être conservées pendant une durée maximale de 12 mois. L’exécutif et le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin invoquent le besoin de sécuriser les millions de visiteurs, insiste sur les garde-fous, et l’absence de reconnaissance faciale au programme. Mais des élus de gauche, des associations comme Amnesty et la Quadrature du net, ou encore le Conseil national des barreaux sont contre.
Certains estiment que les Jeux olympiques (26 juillet-11 août) et paralympiques (28 août-8 septembre) ne serviront que de vitrine pour pérenniser ces « caméras augmentées », et généraliser leur utilisation à la surveillance de toute la population. « Nous aurons une France sous cloche », avait tancé en première lecture le sénateur écologiste Guy Benarroche. « On ne balaie pas ainsi les droits fondamentaux », avait accusé la communiste Éliane Assassi.
Insuffisant pour faire obstacle au texte, le Sénat l’avait adopté en première lecture avec 245 voix pour (28 contre). Et l’histoire devrait se répéter mercredi. L’Assemblée a largement approuvé le texte dans un dernier vote côté chambre basse mardi (244 voix contre 57). En cas de nouveau succès au Sénat il sera considéré comme définitivement adopté. Mais des députés de gauche ont déjà prévenu qu’ils saisiraient le Conseil constitutionnel.
Stade de France, un an après
D’autres mesures du projet de loi sont d’ores et déjà censées perdurer après les Jeux, comme l’extension du champ des « criblages », ces conduites d’enquêtes administratives sur des personnes. Les participants et les personnes accréditées sur les sites de compétition et les fan-zones pourront être visés, mais pas les fans. Le texte entrerait en vigueur environ un an après le fiasco de la finale de Ligue des champions au Stade de France. Files d’attentes interminables, spectateurs munis de billets bloqués pendant que d’autres sans tickets escaladaient les grilles, familles et supporters visés par des tirs de gaz… le maintien de l’ordre à la française était sorti humilié de la séquence.
Le projet du gouvernement prévoit la création de deux délits : l’un réprimant l’entrée illicite, en situation de récidive, dans une enceinte sportive. L’autre réprimant le fait de pénétrer sur l’aire ou le terrain de compétition. Les écologistes craignent notamment que la mesure soit utilisée contre des militants pour le climat. Une peine d’interdiction de stade obligatoire en cas d’atteinte grave à la sécurité serait également créée.
Avec AFP
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