Une intervention qui n’a rien apaisé : les syndicats organisent jeudi une neuvième journée de grèves et de manifestations contre la réforme des retraites, convaincus que « l’entêtement » du président de la République va renforcer la détermination des opposants.
Cette journée est la première organisée au niveau national après l’adoption de la loi via l’arme constitutionnelle du 49.3, le 15 mars. La RATP et la SNCF ont annoncé un trafic fortement perturbé : le syndicat FO-RATP, premier chez les conducteurs de métro, a appelé, après l’activation du 49.3, à faire de jeudi « une journée noire » dans les transports. À la SNCF, seule la moitié des TGV InOui et Ouigo et le tiers des TER roulent.
« Aujourd’hui, ils veulent repousser à 64 ans, mais après ils vont faire quoi ? Repousser à 65, 66, 67 ans ? J’ai 57 ans et ça fait peur de vieillir dans ces conditions, déjà que la retraite, quand on l’a, ce n’est pas assez pour vivre », ajoute-t-il, à la station RER Nanterre préfecture. La veille, des déambulations spontanées de quelques centaines de personnes se sont déroulées dans plusieurs villes, comme tous les soirs depuis bientôt une semaine, mais les incidents ont été limités. Selon les autorités, les manifestants étaient 300 au plus fort de la soirée à Paris, 600 à Lyon, près d’un millier à Lille où une source policière a fait état de deux interpellations pour des dégradations et de deux policiers légèrement blessés.
« Attiser la colère »
À la mi-journée mercredi, sur TF1 et France 2, le président de la République n’avait pas dévié de son cap, réaffirmant que la réforme était « nécessaire », égratignant au passage les syndicats, et particulièrement la CFDT, accusés de ne pas avoir su « propose(r) un compromis ». Alors que depuis une semaine les manifestations sont quotidiennes à travers le pays, et parfois émaillées de tensions, le chef de l’État a dit ne pouvoir accepter « ni les factieux ni les factions » et risqué une comparaison avec les événements du Capitole lors de l’élection de Joe Biden aux États-Unis.
Les syndicats ont dénoncé à l’unisson le « mépris » et le « déni » du chef de l’État, attendu jeudi en début d’après-midi à Bruxelles pour un conseil européen. « Cette intervention va attiser la colère », a affirmé sur RTL le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, qui quittera la semaine prochaine la direction de la Confédération, lors du 53e Congrès de l’organisation. « La provocation vient de la part du pouvoir », a-t-il dit, dénonçant une comparaison « scandaleuse » avec les émeutes du Capitole et la volonté de l’exécutif de « casser la grève » en envoyant la police sur les piquets de grève. Les responsables politiques de gauche ont fait écho aux syndicats, le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon dénonçant les « traditionnelles marques de mépris » d’Emmanuel Macron, et appelant les Français à « déferler par millions dans les rues ».
Baroud d’honneur
Sans avancer de chiffre de manifestant.e.s, les responsables syndicaux appellent de nouveau à une mobilisation « massive ». La police prévoit « entre 600 et 800 000 personnes sur environ 320 actions », dont 40 à 70 000 à Paris, où le cortège s’élancera à 14h00 de la place de la Bastille en direction de la place de l’Opéra. Environ 500 gilets jaunes et 500 éléments radicaux sont attendus à Paris, et « en province plus d’une dizaine de villes verront des démonstrations de l’ultra gauche », selon la police. Entre 40 et 50 % de grévistes sont attendus dans les écoles maternelles et élémentaires, selon le Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire. Les grévistes pourraient aussi être nombreux parmi les raffineurs, les électriciens et les gaziers, en pointe dans la contestation. Le syndicat lycéen FIDL a appelé à des « blocus massifs partout sur le territoire » jeudi et vendredi.
La mobilisation de jeudi sera-t-elle un baroud d’honneur, ou un bouquet final avant que la contestation ne s’éteigne ? Selon une source proche du gouvernement, l’exécutif espère que la mobilisation « s’étiole » après la manifestation de jeudi, et que tout rentre dans l’ordre « ce week-end ».
Mais l’intersyndicale ne désarme pas : elle se retrouvera jeudi soir au siège de la CFDT à Paris.
Avec AFP