Le gouvernement dévoile aux partenaires sociaux, ce lundi, ses décisions sur sa nouvelle réforme de l’assurance chômage qui devrait faire varier la durée d’indemnisation en fonction du taux de chômage.
Avec sa réforme, le gouvernement veut adapter la durée des indemnisations au contexte économique. Le projet de loi qui porte ces changements a obtenu jeudi dernier un ultime feu vert du Sénat, et est donc définitivement adopté. Quelles seront les conséquences pour les chômeurs ? Lorsque l’économie va mal, avec un taux de chômage au-dessus de 8 % par exemple, la durée ne bouge pas : elle reste de 24 mois. Lorsque l’économie va mieux, elle pourrait diminuer : 21 mois par exemple, voire 18 mois lorsque les voyants passent au vert.
Lors d’une réunion au ministère du Travail, dans la matinée, le ministre Olivier Dussopt fera connaître aux organisations patronales et syndicales « les arbitrages retenus » après une concertation débutée en octobre. Le leitmotiv de l’exécutif est que l’assurance chômage soit « plus stricte quand trop d’emplois sont non pourvus, plus généreuse quand le chômage est élevé », une idée soutenue par le Medef et la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) mais à laquelle s’opposent tous les syndicats.
Le gouvernement a exclu de toucher au niveau de l’indemnisation et a renoncé à une variation des règles en fonction de la situation locale de l’emploi, trop complexe à mettre en œuvre. « Nous n’allons pas moins indemniser, nous allons travailler sur la durée d’indemnisation », en conservant « un plancher », a confirmé M. Dussopt dimanche.
Les conditions d’accès à l’indemnisation, soit le fait d’avoir travaillé six mois sur une période de référence de 24 mois, ne seront pas non plus modifiées. Le gouvernement « ne diminuera pas le nombre de personnes éligibles à l’ouverture de droits à l’assurance chômage », a assuré le ministre. En revanche, selon des négociateurs syndicaux et patronaux, le ministre annoncera qu’au-delà d’un plancher de 6 mois, la durée d’indemnisation variera en fonction du taux de chômage pour les demandeurs d’emploi ouvrant des droits à partir du 1er février 2023. Les premiers impacts sont donc attendus à partir du 1er août.
Aujourd’hui, la durée d’indemnisation est appliquée selon le principe “un jour travaillé, un jour indemnisé”, avec un maximum de 24 mois pour les moins de 53 ans, 30 mois pour les 53-54 ans et 36 mois pour les 55 ans ou plus. Lorsque la situation du marché du travail sera considérée comme bonne, la durée d’indemnisation sera minorée d’un coefficient qui sera annoncé lundi. Si le coefficient retenu est de 0,8 par exemple, cela voudrait dire qu’un demandeur d’emploi qui aurait droit à dix mois d’allocation dans le système actuel n’aura plus droit qu’à 8 mois. Les intermittents du spectacle ou l’outre-mer ne seront pas concernés.
La réforme s’inspire de ce qui se fait déjà au Canada, où les indemnités varient en fonction de la conjoncture depuis plus de 20 ans. Tout est modulable, la durée des allocations et leur montant. « C’est complètement idiot, on cotise pour une assurance et après on nous réduit les droits à l’assurance », estime un demandeur d’emploi. « Après avoir raboté le montant de l’indemnisation (des personnes alternant chômage et emploi) lors de la réforme de 2019, maintenant ils réduisent la durée », critique Marylise Léon (CFDT).
« Pipeau »
Le critère d’appréciation de la situation du marché du travail devrait être l’évolution du taux de chômage au sens du BIT (Bureau international du travail). La manière de l’apprécier — seuil, dynamique — sera précisée lundi mais elle devrait permettre d’appliquer la réforme si le chômage reste comme depuis le début de l’année autour de 7,3 – 7,4 %.
L’exécutif martèle qu’il y a urgence face aux difficultés de recrutement des entreprises, et fait de cette réforme une première pierre de sa stratégie pour atteindre le plein emploi en 2027, soit un taux de chômage d’environ 5 %. Le gouvernement met en avant des études selon lesquelles les chômeurs intensifieraient leur recherche d’emploi dans les mois précédant la fin de leur indemnisation, et donc qu’en réduisant cette durée, les gens sortiraient plus tôt du chômage.
« Pipeau », répond Éric Courpotin (CFTC). « Ce n’est pas en réduisant la durée qu’on trouvera de la main d’œuvre. Il aurait fallu travailler sur les frais liés au travail : déplacement, garde d’enfants, logement… » « Le but est de faire des économies », renchérit Michel Beaugas (FO).
Le gouvernement prendra ensuite un décret. Cela a été rendu possible par le projet de loi « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi », adopté jeudi par le Parlement, qui donne la main au gouvernement pour décider des règles jusque fin 2023 à la place des partenaires sociaux. Mais le ministre a déjà assuré que cette modulation serait présente dans la « lettre de cadrage » qui sera transmise aux partenaires sociaux courant 2023 afin de négocier de nouvelles règles pour le 1er janvier 2024.
Le gouvernement souhaite aussi que patronat et syndicats, qui gèrent l’Unédic1, planchent début 2023 sur une nouvelle gouvernance du régime. Mais ceux-ci souhaitent que gouvernance et indemnisation soient négociées en même temps et ne veulent pas officialiser la présence de l’État dans la gestion de l’assurance chômage.
Avec AFP