Le député RN Grégoire de Fournas a l’interdiction de paraître au Palais-Bourbon pendant quinze jours de séance, après ses propos racistes. Il était pressenti par Jordan Bardella, qui vient d’accéder à la tête du Rassemblement national, pour être le porte-parole du parti.
Par un vote « assis-debout », vendredi 4 novembre, l’Assemblée nationale a entériné à une écrasante majorité la décision de son bureau, qui préconisait l’exclusion temporaire de l’élu RN de Gironde, Grégoire de Fournas. La sanction est immédiate pour le député d’extrême droite, forcé de quitter l’enceinte du Palais-Bourbon avec l’interdiction d’y paraître pendant quinze jours de séance. Il est également privé de la moitié de son indemnité parlementaire pour deux mois. Cette « censure temporaire » est la sanction la plus lourde prévue par le règlement de l’Assemblée nationale pour un député accusé « de manifestations troublant l’ordre ou qui provoque une scène tumultueuse ».
« Le libre débat démocratique ne saurait tout permettre. Certainement pas l’invective, l’insulte. Certainement pas le racisme », a déclaré depuis le perchoir la présidente (Renaissance) de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, dans une allocution solennelle. Le député d’extrême droite est mis en cause pour avoir lancé, jeudi 3 novembre, au cours de la séance de questions au gouvernement, l’expression « Qu’il retourne en Afrique ! », au moment où le député « insoumis » du Val-d’Oise, Carlos Martens Bilongo, évoquait la situation du bateau de l’ONG SOS Méditerranée transportant 234 migrants secourus au large de la Libye.
Sur son compte Twitter, Grégoire de Fournas s’est dit une nouvelle fois « totalement innocent des faits » qui lui sont reprochés.
La stratégie de normalisation du groupe d’extrême droite fragilisée
Le RN semblait rattrapé par ses vieux démons lorsque ses députés, Marine Le Pen comprise, ont été les seuls vendredi à rester assis au moment du vote dans l’hémicycle de l’exclusion temporaire de Grégoire de Fournas, élu de Gironde, après la vague d’indignation suscitée par ses propos jugés racistes.
La stratégie de banalisation du parti, qu’a promis de poursuivre Jordan Bardella1, s’en trouve ébranlée. D’autant que le député sanctionné a régulièrement affiché son soutien au candidat.
Initialement pourtant, ce week-end devait être l’opportunité d’orchestrer une transition tranquille dans un parti à l’histoire mouvementée. Le résultat du vote des adhérents, révélé samedi matin à la Mutualité à Paris, a mis fin à un faux suspense : après trois mois de campagne, nul n’imaginait que le président par intérim Jordan Bardella échoue face à son rival, le maire de Perpignan Louis Aliot seul édile RN d’une ville de plus de 100.000 habitants. Jordan Bardella a été élu président du Rassemblement national avec près de 85 % des voix.
Dans la foulée, il a exclu du bureau national du parti le maire de Hénin-Beaumont, Steeve Briois et le député du Pas-de-Calais, Bruno Bilde. Deux purs marinistes canal historique qui n’entendent pas manger leur chapeau en silence.2 La « créature » de Marine, comme le surnomme certains cadre du RN, fait déjà face à des critiques virulentes de piliers du parti s’inquiétant d’une « re-radicalisation » du mouvement.
Avec AFP
article mis à jour le 6 novembre
Notes:
- Jordan Bardella a connu une fulgurante ascension, entamée en 2019 lorsqu’il avait pris la tête de la liste RN aux Européennes, avant de rafler la présidence par intérim du parti l’année dernière. « Créature » originaire de Seine-Saint-Denis, celui qui a fêté mi-septembre ses 27 ans s’est surtout révélé lors de la campagne présidentielle au gré de débats télévisés où son aisance et son habileté ont parfois mis en difficulté des contradicteurs chevronnés. Populaire auprès de la base militante, M. Bardella loue sa « relation singulière d’une confiance inestimable » avec Marine Le Pen, à qui il jure régulièrement fidélité et loyauté. Mais il est présenté par certains cadres comme « la créature » de la patronne de l’extrême droite française. Au-delà de ses propres ambitions, c’est sa ligne, voire ses amitiés politiques que mettent en exergue ses détracteurs, l’eurodéputé étant soupçonné d’accointances avec les « identitaires » et d’une trop grande mansuétude envers ceux qui étaient partis chez Éric Zemmour.
- Steeve Briois s’est immédiatement fendu d’un communiqué au vitriol. « Alors que depuis de nombreux mois je tire la sonnette d’alarme sur une potentielle re-radicalisation, je ne peux voir dans mon éviction qu’une sanction pour avoir voulu sensibiliser sur un phénomène que les faits confirment. Depuis les ronds de jambe faits à certains intégristes, jusqu’à l’adoption de positions droitardes, contraires à mon sens au “ni droite, ni gauche” qui a prévalu pendant des décennies au Front national, cingle le maire de Hénin-Beaumont. Certaines outrances me donnent encore raison ». Une allusion transparente à la sortie xénophobe, jeudi dans l’hémicycle, du député de Gironde Grégoire de Fournas, qui aurait dû être nommé porte-parole du parti par Jordan Bardella.