Tant que le soleil frappe 1 de Philippe Petit. Compétition longs métrages. Cinemed 2022.
Max est un jeune paysagiste, beau, charismatique et enthousiaste mais il n’a pas toujours les codes. Mieux, il revendique de ne pas les avoir. Il a des rêves là où il faut des projets. Un projet répond à des critères, ceux-ci se traduisent en financements. Le projet passe par les trous d’une moulinette institutionnelle qui a sa propre logique, le politique et la politique. « Les gens » y sont chosifiés, ils ont parfois une fonction, parfois même on peut les oublier.
Max côtoie les habitants, les connaît, les écoute, les aime. Il veut leur offrir un espace de vie et de respiration dans ce quartier où la vie est devenue moche. Pour cela il se sent prêt à jouer le jeu, à enfiler la tenue conforme pour aller argumenter au risque de s’enflammer. Et si, dans un élan lyrique, il assène qu’« on peut être sobre et généreux », lui si généreux n’est pas sobre.
Max court, Max donne, Max rêve, Max fume. Beaucoup, tout le temps. Il veut tenir de front un boulot très physique et un rôle de père exalté, au risque de blesser, de se blesser. La mise en danger est permanente. Pas facile de revendiquer le droit à la pause quand il faut tant courir, se contorsionner, jouer le professionnel sérieux mais modeste. Quand on est un grand adolescent fougueux, pétri d’utopies face aux acteurs de la gentrification.
Dans ce Marseille-là, les hôtels pleins d’étoiles se parent de murs végétalisés, bien plus policés que le jardin sauvage de Max. Une illusion citadine sur le béton miteux, chez des humains défoncés par la précarité et l’exil, où des moins abîmés viendront de la capitale jouir de la verdure maîtrisée en dissertant sur la Nature. Un peu plus loin, sur les hauteurs, La villa de Guédiguian a laissé place aux concepts lounge des Vrais Imposteurs Prétentieux. Chez ceux-là, on existe, on réussit même, quand on sait maîtriser le vocabulaire, ménager les ego et flatter le goût en toc avec un sérieux de pape.
Ici, presque plus personne ne parle marseillais. Même les minots du quartier n’ont pas l’accent. On peut pourtant imaginer que leurs maîtresses d’école et leurs entraîneurs de foot parlaient local… Est-ce une volonté d’universalisation ? Dans ce cas, pourquoi Marseille ? Une ville précaire du centre de la France aurait fait l’affaire. Ou simplement la difficulté pour le réalisateur de faire jouer juste des acteurs dans une langue à l’accent inconnu ?
L’identité de Marseille s’estompe mais comme partout, les centres-villes sont de grands ronds-points qui agrègent les déclassés. Ils partagent leur misère, leurs peines, et encore de l’enthousiasme, galvanisé par celui de Max.
Un ange est mort et un premier arbre est planté, arrosé de fumigènes, dans une ambiance festive de résistance.
Rien n’est perdu Max, les codes sont à réinventer !
Élise Estela