Ce samedi 4 juin, Daniel Villanova jouera à 17h 30 au Salon des Livres et des Arts de Claret. L’occasion de faire une belle rencontre avec un acteur comique et engagé qui se définit lui-même comme étant un humoriste anarchiste et dont le lourd passé de comédien attise l’intelligence.
Né à Pézenas en 1953 (maternité oblige), il est en fait originaire de Bessan, 13 kilomètres plus loin. Après une formation universitaire en lettres modernes et en espagnol, il se consacre au théâtre et foule les scènes parisiennes durant plusieurs années, interprétant de grandes œuvres classiques. C’est ensuite qu’il va produire ses propres spectacles en solo, ses fameux one-man-shows, ce qui ne l’empêchera pas de s’associer parfois, comme avec le célèbre imitateur nîmois Christian Ortuno en 1988 pour Les Dieux sont tombés sur la tête, ou à partir de 1990 avec les artistes Doux-Douille et Daniel Gros. Il devient ainsi à partir de 1996, notamment avec la Corde folle, un des humoristes les plus populaires de la région, mais pas seulement, car il se produit aussi ailleurs en France et à l’étranger.
Et, durant sa carrière, les spectacles se suivent : les Quatre-saisons, l’Hommage à Lucette, Jean-Charles président, la Croisade des rabat-joie, À l’abordage… Certains de ces textes sont édités aux Éditions Un jour/Une nuit, éditions qui seront d’ailleurs présentes le 4 juin à Claret. Le « comique de résistance » développé par Daniel Villanova a certes pour but de nous amuser, mais aussi de nous aider à résister à la pensée unique, au conformisme ambiant. Ainsi, à Claret, arrivé à une grande maîtrise de son art, l’auteur nous gâte avec sa dernière création : Bourougnan speaks Molière, où l’on va découvrir qu’un vaccin obligatoire — tiens donc ? — a pour effet secondaire de contraindre tout un chacun à s’exprimer en alexandrins. Un texte écrit au cordeau qui mélange un grand art poétique à une formidable rigolade. Que demander de plus ? Entretien.
Daniel Villanova, où se trouve exactement Bourougnan ?
Bourougnan est un village que j’aime beaucoup et que j’ai conçu petit à petit. La terminaison de ce nom rime avec celui de bien des villages de la région et il est peuplé de bourougnes, des gens à l’esprit arrêté et qu’on ne peut pas beaucoup faire changer d’avis. C’est un mot d’ici, qu’on emploie de temps en temps. Depuis 1987, dans mes histoires, tout se passe là. J’y mélange un peu le français, l’occitan, l’espagnol. J’ai pas mal d’amis à Bessan qui m’ont inspiré dans leurs styles, leurs façon de parler, de penser. Ainsi, on retrouve dans mes spectacles l’esprit de moquerie, d’insoumission qui règne dans nos villages et que j’ai exacerbés.
Quelle importance ont pour vous, personnellement, tous vos personnages ?
Je les aime tous beaucoup, Lucette, Robert, Gagou, Mr Navarro, son épouse Paquita, Émile, Marcel, Jean-Charles, Pierrot, Suzanne, Calendula, Darrigade, et j’en passe, mais Lucette est vraiment quelqu’un de très important parce qu’elle révèle par son côté terre à terre des réalités sociales et psychologiques profondes. Au début c’est juste une commère, mais ensuite, de temps en temps, elle sort de ce rôle et a des pensées vraiment beaucoup plus philosophiques. Elle cite souvent un personnage qui compte dans sa vie : Papa. Je me suis aperçu que cet homme, son père, était un ouvrier cultivé, fin connaisseur en politique et en littérature, avec un attrait pour la culture ouvrière. C’était un anarcho-syndicaliste, elle avait hérité de toute sa culture et dépassait alors largement son premier rôle de commère. Elle est devenue un personnage à qui j’ai pu faire dire beaucoup de choses qui étaient importantes pour moi.
Comment réagissent les gens ?
Certes, la partie de mon public qui en reste à une lecture que je qualifierais de “pacouline”, superficielle, ne comprend pas tout. Mes propos ne pouvaient pas dépasser une certaine limite, et pour passer à la vitesse supérieure j’ai dû inventer Jean-Charles qui est un électron libre, détaché de tout, dont la culture est très libertarienne. Avec Lucette, ils se passent le relais. Je vous disais et j’insiste, mes personnages, je les aime tous et il faut savoir que l’on ne peut pas les interpréter avec force si on n’a pas d’amour pour eux. Maintenant, devant les lectures jouées, je m’aperçois que tout mon public adhère. Mon texte a certes des petites touches XVIIe, mais l’action est là. Le public écoute deux histoires : une fiction et, sous-jacente, autre chose. L’obligation vaccinale est ici un sujet sur la liberté. Mes mots ajoutent un charme dans leur mouvement versifié. Tout ce qui est dit l’est directement, sans détour. On a toujours envie de savoir ce qui va arriver et ce jusqu’à la scène finale.
Vous avez proposé bénévolement vos services aux organisateurs du Salon des Livres et des Arts de Claret. Pour quelle raison ?
Parce que ma pièce est un texte que je veux faire connaître au plus grand nombre de gens possible. À Claret, le cadre me convient parfaitement. J’ai trouvé l’initiative très intéressante, tout pouvait alors coïncider. Un public effectivement intéressé, de lecteurs, entre autres, à l’écoute, car Bourougnan speaks Molière est un livre avant d’être un spectacle. De plus, j’aime beaucoup ce côté foire populaire proposé à Claret, ouvert et sans barrières, car il en est dressé de plus en plus entre nous. Nous avons traversé une longue période de séparation et aujourd’hui rencontrer le public dans ces conditions m’a vraiment plu. Cela correspond bien à ma riposte à ce contexte si contraignant que l’on veut délibérément nous faire vivre. Je me dirige maintenant de plus en plus vers ce style de représentation. Je ferai passer un chapeau en fin de spectacle pour ceux qui voudront bien, ou qui pourront, me faire une obole.
Voir : Le programme du Salon des Livres et des Arts de Claret
En savoir plus : www.danielvillanova.fr