« J’ai eu une vie merveilleuse, j’ai voyagé partout dans le monde grâce à la musique, j’ai joui de la vie. Je prends ce bonheur avec moi. Merci la vie ! Mais maintenant, dans mon état… » Avec ces fâcheuses élections on n’aura peut-être pas vu l’étoile s’éteindre.
Cette voix belge cassée à la Tom Wait reste gravée dans les vinyles comme dans les mémoires des types de ma génération. Arno est parti. On lui avait diagnostiqué un cancer du pancréas fin 2019, il a continué à tourner tant qu’il a pu. Il devait bien se douter que ce n’était pas bon pour sa santé, mais il a continué à raconter la magie de ses rêves. Il avait arrêté de suivre son traitement contre le cancer au début de l’année 2022. À raison, je ne l’imagine pas un instant attendre que l’heure arrive dans une chambre morbide.
Oh la la la, c’est fou comme ce type incarne la liberté de la vie. Samedi, quand j’ai appris la nouvelle, j’étais dans ma bagnole et je n’ai pas cru tout de suite la belle voix de la fille de FIP qui l’annonçait. J’ai regardé dans le vague d’une manière étrange et lointaine, et j’ai repensé à cette drôle de soirée sans gloire où nos chemins se sont croisés. Rencontre d’un soir qu’on a passé à se mettre minable au bar du Rockstore à Montpellier après son concert. Je n’avais pas réussi à lui faire dire un mot de son dernier album. Au bout d’une paire d’heures il m’a dit : « Maintenant à toi de dire ce que tu voudrais. » Et je lui ai répondu que ce serait merveilleux s’il y avait une révolution ou une big catastrophe et qu’on arrivait à sortir de ce désastre. Il m’a regardé fixement et m’a déclaré que lui non plus ne rêvait ni d’amour, ni d’argent.
Ça manque un peu à notre époque des types comme ça, pas beau, pas grand et pas gentil, qui offre du réconfort. Une autre image me reste, celle où on le voit dans le film J’ai toujours rêvé d’être un gangster se tirer en loucedé après avoir braqué la sacoche de Bashung, pour reprendre son bus. Putain, putain… ouais, Nous Sommes Tous Des Européens.
JMD