La conférence de presse présentant, mercredi 24 mars, le 75e Festival d’Avignon, une édition sous contraintes sanitaires, a ouvert une tribune aux militants de l’Association des Intermittents et Précaires venus dire la situation des artistes et techniciens empêchés de travailler depuis des mois et menacés par la réforme de l’assurance chômage, comme par l’absence de revenus.
À l’issue de la conférence de presse, les militants ont pris possession du lieu de répétition du festival, La FabricA, pour une occupation active1.
Intermittents et intermittentes de l’emploi, travailleurs et travailleuses de la culture, du tourisme et de l’évènementiel, chômeurs et chômeuses, saisonniers et saisonnières, élèves, étudiants et étudiantes, mais aussi personnes retraitées ou en CDI, solidaires du mouvement, ont assuré « prendre au mot monsieur Jean Vilar qui disait que le théâtre doit être populaire et ouvert à tous.
À partir de ce soir, et au moins jusqu’au retrait total de la réforme de l’assurance chômage et la prolongation de « l’année blanche » et son élargissement à toutes les personnes indemnisées par l’assurance chômage, nous occupons la FabricA ».
Revendications partagées
Dans la continuité des revendications portées par les occupants et occupantes de 84 lieux en France, ils ont fait connaître leurs exigences : « un retrait pur et simple de la réforme de l’assurance chômage qui plonge 840 000 intermittent.es de l’emploi qui perdront, en moyenne, 24 % de leurs revenus. Une prolongation de »l’année blanche » et son élargissement à tous les travailleurs et toutes les travailleuses précaires. Nous travaillons tous et toutes de la même façon : des périodes d’activité intense et d’autres, sans être employé·es, de chômage ou de préparation. Pourquoi n’avons-nous pas les mêmes droits ?
Un plan massif de soutien à l’emploi, en concertation avec les organisations représentatives et les salarié.es. y compris dans le secteur de la culture, du tourisme et de l’évènementiel.
Une baisse du seuil d’accès à l’indemnisation chômage pour les primo-entrant.es ou pour les intermittents et intermittentes en rupture de droits. Aujourd’hui, certaines personnes qui devaient ouvrir des droits à l’indemnisation, et vivre décemment, mangent grâce aux Restos du cœur.
Des mesures d’urgence, dès aujourd’hui, pour garantir l’accès aux congés maternité et maladie pour tous les travailleurs et toutes les travailleuses en emploi discontinu ainsi que pour les artistes-autrices et artistes-auteurs. Car quoi qu’en dise madame la ministre Roselyne Bachelot, aujourd’hui, rien n’est réglé. L’immense majorité des intermittents et intermittentes de l’emploi ne seront pas protégé·es s’ils ou elles sont malades ou si elles sont enceintes dans les prochains jours.
Des moyens pour garantir tous les droits sociaux : retraite, formation, médecine du travail, congés payés… Nous n’avons pas pu payer nos cotisations par notre travail, nous ne devons pas pour autant perdre nos droits !
Un plan d’accompagnement des élèves, étudiants et étudiantes en cours d’études et en sortie d’études, pour leur permettre d’accéder à l’emploi. Une prise en charge totale de leur soutien psychologique. Leur détresse est immense. À la grande incertitude de leur avenir professionnel, s’ajoutent le manque d’interactions sociales et les problèmes financiers.
L’ouverture de la protection sociale à toute personne de moins de 25 ans privée d’emploi. Aujourd’hui, sans possibilité de travailler, à moins de 25 ans, sans parents pouvant financièrement les soutenir (parfois eux-mêmes sont précarisés par la crise), des personnes plongent dans la pauvreté.
Enfin, la ré-ouverture des lieux accueillant du public dans des conditions définies en concertation avec les professionnel.les concernés. Pour autant, l’ouverture n’est pas suffisante. Nous savons que malgré l’ouverture, nos activités ne pourront pas reprendre pleinement, dans l’immédiat.
Nous exigeons donc la protection de tous et toutes et ce jusqu’à une reprise TOTALE de l’activité. »
Et de préciser, « Ce sont aussi les bars et les restaurants qui emploient des extras et accueillent des évènements artistiques, les festivals de rue et les concerts avec un public debout qui emploient des milliers de personnes à la technique ou dans l’hôtellerie-restauration, les palais des congrès, les galeries d’art, les salons du livre, les lieux de tournage et les cinémas, les musées et les lieux patrimoniaux, ce sont tous ces lieux qui doivent rouvrir pour que nous puissions vraiment travailler ! Pas seulement les théâtres publics ! ».
Vers une rencontre avec tous les collectifs en lutte
L’occupation avec ces militants aguerris à l’éducation populaire ne peut rester passive. Des actions sont prévues, à l’image d’une manifestation avec parcours artistico-revendicatif qui a eu lieu à Avignon le samedi 27 mars. Dans la semaine précédente, des animations, débats sous forme d’agoras se sont tenus, avec des participants venus d’un peu partout.
Le programme reste dense, l’idée est de partager. Le 30 mars, l’AG des occupant.es de la FabricA a validé la proposition d’organiser très rapidement une rencontre avec tous les collectifs en lutte au niveau local et avec les organisations syndicales (ou autres) œuvrant pour une véritable transformation sociale.
En effet, les occupant.es de la FabricA « ont tout à fait conscience que sans un élargissement du mouvement d’occupations des lieux de culture au-delà du seul secteur culturel, il y a peu de chances d’arriver à faire reculer le gouvernement et le Medef notamment par rapport à la contre-réforme de l’Assurance Chômage qui risque de plonger dans une précarité aggravée plus de 800 000 chômeurs et chômeuses ».
Aprés une deuxième AG, ils ont décidé d’une action spectaculaire, les vendredis de la colère, avec collage massif d’affiches en ville. Le samedi 3 avril, à 11h – Atelier Goguette à la Fabrica, pour détourner et dépoussiérer des vieux tubes populaires, et en faire des chants militants. A 14h, Agora – Nous, les précaires. Animé par Florian,appel à témoignages de précaires (restauration, guides, auto-entrepreneur, jeunes, étudiants…) Dimanche 4 avril, On continue les entretiens filmés de 14h à 16h avec Arnaud.
Rendez vous de convergence
Ils invitent tous ceux qui se sentent concernés à la FabricA à Avignon, à l’Agora du samedi 10 Avril à 14h, afin de débattre et échanger ensemble sur la nécessaire convergence des luttes et « sur les possibles actions que nous pourrions construire et imaginer ensemble ».
Christophe Coffinier
