À Toulouse, les Sahraoui.es ont célébré hier le 45e anniversaire de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), née le 27 février 1976. Ils et elles exigent la libération de tous les prisonniers politiques incarcérés dans les geôles marocaines.
Qui a entendu parler du peuple sahraoui et de l’occupation de sa terre par le Maroc depuis quatre décennies ? Qui a entendu parler des prisonniers politiques sahraouis, arrêtés, torturés, violés, en grève de la faim dans les prisons marocaines ? Qui a entendu parler des camps de réfugiés à Tindouf dans le Sud algérien où des familles vivent dans des habitations précaires depuis trop longtemps ? Qui se souvient des courbettes, à l’époque des années de plomb, de journalistes devant « Sa Majesté le Roi » Hassan II, un roi sanguinaire dont la France était amie et complice hier et qui aujourd’hui voue la même fidélité à son fils Mohamed VI ?
Et pour cause, la majorité des Français.es ne connaissent pas le Sahara occidental, ni sa population, car la plupart des médias taisent la politique coloniale de la royauté marocaine et le rôle de l’État français et de l’Union européenne dans la poursuite de l’occupation et du pillage d’un territoire qui est loin d’être un désert économique. Exception faite, récemment, lors de la violation du cessez-le-feu par le Maroc, en novembre 2020.
Pour la deuxième fois en trois mois, une manifestation a lieu à Toulouse pour faire connaître cette histoire coloniale1 du dernier pays africain qui n’a pas encore accédé à son indépendance malgré le référendum qui devait se tenir en 1991, sous l’égide des Nations Unies, et qui n’a jamais eu lieu.
Une cinquantaine de personnes se sont rassemblées cet après-midi à Toulouse, aux monuments aux morts, à l’appel de l’association Amitié avec le Sahara occidental en Midi-Pyrénées (ASOMP).
Les Sahraoui.es célébraient le 45e anniversaire de la République arabe sahraouie démocratique, née le 27 février 1976, et exigeaient la libération de tous les prisonniers politiques incarcérés dans les geôles marocaines, et plus particulièrement celle de la militante Sultana Khaya, brutalisée et assignée à résidence avec toute sa famille depuis plus de trois mois.
Néé à Smara, en zone occupée par le Maroc, Salaa raconte qu’à travers l’oppression que vit la jeune sahraouie, interdite de circuler librement dans son pays et de sortir de chez elle à Boujdour (ville occupée), c’est la répression de tout un peuple qui est dénoncée. « Réprimée depuis le 19 novembre pour avoir déployé le drapeau, pour avoir dit qu’elle n’était pas marocaine, pour avoir revendiqué le référendum et le droit à l’autodétermination, à la liberté, ajoute Mojtar Sidi Iacob, président de l’ASOMP. La guerre menée par les autorités marocaines continue, tout le long du mur de 2 700 km construit par le Maroc pour se protéger du Front Polisario2, poursuit le représentant associatif. Le 13 novembre dernier, ils ont violé le cessez-le-feu en vigueur depuis 1991, en traversant le mur où des citoyens sahraouis protestaient en bloquant la route illégale vers la Mauritanie. Notre mouvement armé riposte régulièrement en bombardant les positions militaires marocaines ».
À El Guerguerat, les manifestant.e.s exigeaient la fermeture de la route, considérée comme une « brèche illégale », par laquelle le Maroc exporte les richesses3 exploitées illégalement au Sahara occidental4. Le tout sans que la communauté internationale ne prenne des sanctions pour faire respecter le droit international.
Sahraouis et Palestiniens mènent le même combat pour la liberté
Nombreux et nombreuses sont les jeunes sur l’esplanade du monument aux morts, petits et grands brandissent les beaux drapeaux sahraouis avec leurs trois bandes horizontales : noire, blanche et verte, rouge côté gauche et au milieu le croissant avec l’étoile rouge. Un drapeau, interdit par le pouvoir marocain, symbolisant la lutte pour la libération du Sahara occidental, aux côtés du drapeau palestinien flottant au gré du vent tiède sous le soleil toulousain, parce que les militant.es du Collectif Palestine Vaincra sont également solidaires du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Un même combat, deux peuples, palestinien et sahraoui, qui luttent pour la libération de leur terre respective, contre l’occupation, la colonisation par deux États, le Maroc et Israël, impunis et intouchables au niveau international malgré la violation du droit international.
Des enfants n’ont plus revu leurs parents à cause de la guerre
Sans les femmes, la lutte ne serait même pas à demi réalisée et elles donnent de la voix et du youyou en lançant des slogans : « Toute la patrie ou le martyr » ou encore « Sahraoui.es main dans la main pour la liberté » et « Pas de solution sans l’autodétermination ». L’Algérie est acclamée « One, two, three, Viva l’Algérie ! », car nation indépendante depuis juillet 1962, donc soutien indéfectible à la lutte du peuple sahraoui pour sa libération.
Les Sahraoui.es sont drapées dans leur Malhfa (robe traditionnelle) aux mille couleurs, un homme porte la Darâa, une tunique bleue large et ouverte des deux côtés. Sur une table trône la théière et les petits verres pour boire le bon thé parfumé à la menthe odorante. Lamina, 32 ans, est née à Tindouf, dans l’un des campements de réfugié.es du Sud algérien. « 80 % des familles ont été séparées à cause de la guerre de 1975, témoigne-t-elle. Des enfants qui jouaient dans la rue ont suivi nos compatriotes qui fuyaient les bombardements de l’armée marocaine. À 8 ans, ma meilleure amie jouait dehors quand elle a couru, pieds nus, derrière les gens qui s’enfuyaient. Ses parents étaient restés à la maison. Une dame, en fuite aussi, l’a prise sous son aile et l’a élevée durant 22 ans, comme si elle était sa propre fille. Grâce à l’ONU, sa famille, comme beaucoup d’autres, s’est retrouvée au cours de voyages de solidarité au début des années 2000 ».
Une vie d’exilé.es dans des campements où les conditions d’existence sont dures
À 38 et 37 ans, Kaira et May n’ont jamais connu leur pays puisqu’elles sont nées à Tindouf, un camp qui devait être provisoire et qui depuis la colonisation dure. Iahia vient d’El Aïoun (capitale occupée du Sahara occidental), il a vécu dans le même camp de réfugié.es, sous une tente où les conditions climatiques sont extrêmes dans une zone désertique, sans faune ni flore, où les exilé.es survivent avec l’aide humanitaire venue de l’extérieur.
Les manifestant.es portent des pancartes avec les portraits d’un prisonnier, Mohamed Lamine Haddi, de Gdeim Izik5, en grève de la faim depuis le 13 janvier dernier et de Ghali Hamdi Al-Bou, enlevé avec un autre jeune à El Aïoun. La répression est brutale. Les disparitions forcées ont été nombreuses. Beaucoup de familles vivent sans avoir revu leurs proches. Sous le règne de Hassan II, des opposant.es politiques sahraoui.es et marocain.es ont été détenu.es dans plusieurs centres de détention secrets comme le bagne-mouroir de Tazmamart.
Réuni.es à Toulouse, en ce jour du 45e anniversaire de la proclamation de leur République, et ailleurs en France et dans le monde, les Sahraoui.es continuent leur longue lutte pour la récupération de leur terre et le droit d’exister.
Piedad Belmonte
Voir aussi : Le Front Polisario dénonce la position de Donald Trump sur le Sahara occidental – La collaboration israélo-marocaine au sein du « Safari Club » –
Notes:
- Une histoire faite de spoliations et de vols des ressources naturelles contraires à la justice et au droit international.
- Le Front Polisario est le représentant politique et armé du peuple sahraoui
- Son territoire regorge de ressources halieutiques, de minerais tels le phosphate, le pétrole, dispose d’un potentiel énergétique avec la force de ses vents et du soleil ; son sol et ses immenses étendues constituent un terrain propice pour l’agriculture.
- Le Sahara occidental est un territoire de 266 000 km2 du Nord-Ouest de l’Afrique. Bordé au nord par le Maroc, l’Algérie au nord-est, la Mauritanie au sud et à l’est, l’Océan Atlantique à l’ouest.
- Gdeim Izik est connu pour son camp, créé en octobre 2010, et détruit en novembre de la même année par la police marocaine. Situé à 12 km d’El Aïoun, ville occupée par le Maroc depuis 1975, le camp avait été installé dans le désert pour protester contre les mauvaises conditions de vie. Onze policiers et deux civils avaient été tués. Le procès qui s’ensuivit aboutit à de très lourdes peines pour plus de 20 Sahraouis allant de la perpétuité à 30 ans de prison avec des aveux obtenus sous la torture et la coercition. Un procès qui n’a pas respecté le droit de la défense, selon les avocats défenseurs.