La fermeture totale des bars et restaurants a débuté aujourd’hui à Marseille malgré la mobilisation de l’ensemble des collectivités territoriales. Le recours du président de la Région, Renaud Muselier (LR) contre la décision gouvernementale sera examiné ce mardi par le Tribunal administratif de Marseille.


La fermeture totale des bars et restaurants fut initialement annoncée sur le (vaste) territoire de la métropole Aix-Marseille-Provence, placée en « situation d’alerte maximale ». 92 communes étaient potentiellement concernées. Finalement, cette mesure ne concernera que les deux grandes villes d’ Aix-en-Provence et Marseille, comme l’a précisé la présidente de la métropole, Martine Vassal (LR).

Un  « sursis » jusqu’ au dimanche 27 septembre au soir a été concédé aux établissements, mais l’incompréhension, voire la colère, domine chez les professionnels. Elle s’est exprimée une première fois le vendredi 25 septembre devant l’Hôpital de la Timone à Marseille, à l’occasion de la venue du ministre de la santé Olivier Véran, mais également à Aix, à Martigues…

Une approche plus fine, tenant compte des spécificités des communes et du degré d’atteinte par le virus semble l’avoir emporté…au moins provisoirement. En effet, le 16 septembre, l’Agence régionale de santé (ARS) avait réduit de 27 à 17 le nombre de communes des Bouches-du-Rhône (hors métropole et dans la métropole) classées « rouge ». La levée de boucliers de nombreux élus, toutes tendances confondues, n’y est certainement pas étrangère non plus : déclaration commune signée par des maires, sénateur ou député, la présidente de la métropole, le président de la Région, Renaud Muselier…

À cela s’ajoutent les déclarations de maires comme celui de Miramas, Frédéric Vigouroux (PS), remerciant le préfet d’avoir pris finalement en compte la situation de sa commune… qui avait obtenu auparavant un label Afnor pour sa gestion de l’épidémie ! Le maire d’Istres, François Bernardin, soutien de la candidature d’Emmanuel Macron en 2017, dénonçait « des annonces qui manquaient de discernement ». Celui de Martigues, Gaby Charroux (PCF) évoquait « un coup de massue » asséné aux cafetiers et restaurateurs et une décision « prise sans concertation ». Il a demandé au gouvernement une exonération pour un an de la cotisation foncière des entreprises (la CFE qui remplace l’ancienne taxe professionnelle supprimée par Nicolas Sarkozy) pour les commerçants, avec en contrepartie une compensation accordée par l’État aux collectivités.

Depuis quelque temps, Marseille  était dans l’œil du cyclone médiatique, avec la multiplication de reportages sur la progression du virus, sans toujours prendre en compte le fait que la ville est probablement la plus testée de France. « L’opinion », comme ils disent, avait été préparée à ce type de décision. Mais le gouvernement semble avoir sous-estimé ce que représentent les bars et restaurants en termes de besoin de convivialité, de bonheurs modestes, de sensations de liberté, surtout après les deux mois de confinement. À moins qu’il ne vise sciemment les espaces où s’expriment les liens sociaux, dans une gestion de crise qui pourrait servir plus tard ?

« Réponse sanitaire » et problème de « légitimation »

« Nous étions occupés massivement à nous conformer aux indispensables gestes barrières à chaque moment de la journée (…) et le ministre de la santé annonça soudain la fermeture totale des bars et restaurants. Voilà plusieurs semaines qu’il mettait la pression sur le Préfet et les élus pour prendre des mesures choc. Pour faire un exemple, brandissant sans cesse la menace à l’encontre des supposés irresponsables. Le voici enfin dans un rôle  revendiqué de Père la vertu », soulignait pour sa part le député Pierre Dharréville (PCF) dans un communiqué daté du 24 septembre. Pour l’élu de la 13e circonscription des Bouches-du-Rhône, « les annonces ont provoqué une vive émotion, une incompréhension parce qu’elles donnent le sentiment d’une punition collective. depuis le début de cette crise, le gouvernement s’enferme dans une réponse autoritaire qui infantilise et culpabilise ».

La culpabilisation, c’est le registre sur lequel joue notamment le dernier « clip » gouvernemental sur le/la Covid-19 diffusé à longueur de journée sur les chaînes de télévision. On y voit des jeunes et des collègues de travail se faire amicalement la bise, des familles irresponsables fêter des anniversaires. Et savez-vous comment tout cela se termine ? Tragiquement à l’hôpital, évidemment…

Que nous n’en ayons pas fini avec ce satané virus, tout le monde en convient et les habitants des Bouches-du-Rhône respectent massivement les consignes de port du masque. Dans les rues de Marseille comme ailleurs. Mais l’attitude du gouvernement soulève de nombreuses questions. Craint-il que l’hôpital public et les soignant-e-s, mis à mal par des « réformes » ineptes, ne soient pas en mesure de faire face à la conjonction du Covid et d’une éventuelle épidémie de grippe ?

Pour un autre député des Bouches-du-Rhône, Jean-Luc Mélenchon (France insoumise), « la révolte marseillaise contre les nouvelles consignes sanitaires du gouvernement doit faire réfléchir. Nous avons encore de nombreux mois d’épidémie chronique devant nous. Par conséquent, sachons bien qu’il n’ y a pas de discipline sanitaire sans consentement de la population. En démocratie, d’une manière générale, aucune autorité ne peut espérer être obéie sans légitimation de ses ordres ».

« Des indicateurs préoccupants » selon l’ARS

La courbe des cas de Covid progresse depuis le mois d’août et, dans son état des lieux du 24 septembre, l’Agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d’Azur pointe « plusieurs indicateurs préoccupants » sur « les hospitalisations, particulièrement en réanimation, le nombre d’établissements médico-sociaux signalant des cas et les décès en hôpital comme en établissement médico-social » 1. Le nombre d’entrées en hospitalisation Covid pour 100 000 habitants (1,82 en moyenne sur sept jours) est plus élevé dans la région que dans l’ensemble du pays, mais le taux de positivité (soit la proportion de tests positifs) ne révèle pas d’explosion du nombre de cas. Pour la semaine 38, on note même une légère baisse sur la région PACA : 7 % contre 7,4 % pour la semaine précédente. Pour le département des Bouches-du-Rhône, le taux est de 8,1 %. Les disparités sont fortes entre les deux départements alpins (Alpes-de Haute-Provence et Hautes-Alpes) et les quatre autres départements de la région.

Le dimanche 27 septembre, 177 « patients Covid » étaient hospitalisés à Marseille, dont 44 en réanimation. Le nombre de lits de réanimation pour adultes est de 90. Un rassemblement s’est tenu le lundi 28 septembre, devant les locaux de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (APHM) pour réclamer davantage de moyens pour faire face à l’épidémie, notamment des lits supplémentaires et des embauches.

Cette même matinée de lundi, ce n’était pas seulement le personnel des hôpitaux qui se faisait entendre mais les restaurateurs et cafetiers qui bloquaient le tunnel Prado-Carénage à Marseille. La fermeture totale des établissements à Aix et Marseille est prévue initialement pour une période de 15 jours. Un point sera fait à l’issue de cette première semaine. Sur le Vieux-Port quasi désert, un passant interrogé par France Télévisions s’interrogeait : « si un jour nos libertés c’est juste d’aller au boulot, qu’est-ce que ça va devenir ? »…

Le recours du président de la Région, Renaud Muselier (LR) contre la décision gouvernementale sera examiné ce mardi par le Tribunal administratif de Marseille.

Morgan G.

 

 

 

 

Notes:

  1. www.paca.ars.sante.fr
JF-Arnichand Aka Morgan
"Journaliste durant 25 ans dans la Presse Quotidienne Régionale et sociologue de formation. Se pose tous les matins la question "Où va-t-on ?". S'intéresse particulièrement aux questions sociales, culturelles, au travail et à l'éducation. A part ça, amateur de musiques, de cinéma, de football (personne n'est parfait)...et toujours émerveillé par la lumière méditerranéenne"