C’est un mouvement massif et transfrontalier de contestation. Des centaines de milliers de personnes ont défilé, ce week-end, en hommage à George Floyd, lors de rassemblements largement pacifiques en hommage aux victimes des violences policières. Contrairement à un grand nombre de chefs d’État étrangers, Le président de la République Emmanuel Macron ne s’exprime pas sur le sujet.
Les manifestations en hommage à George Floyd et au nom du mouvement “Black Lives Matter” [les vies noires comptent] se sont succédé partout en Europe ce week-end, de Madrid à Copenhague. Les cortèges ont rassemblé beaucoup de jeunes Noirs et tout autant de Blancs dans le cadre d’une mobilisation qui associe lutte contre le racisme et lutte contre les violences policières.
En France, dans le sillage du mouvement de contestation parti des États-Unis, le cas Adama Traoré fait écho à l’affaire George Floyd. Si la justice française vient de confirmer vouloir auditionner deux témoins clés dans cette affaire, le Président de la République reste muet. « Un silence qui en dit long sur la fébrilité d’un pouvoir qui a renié ses promesses initiales, en sombrant dans le déni », souligne Médiapart.
Comment expliquer ce phénomène qui traduit un embarras profond de la gouvernance politique ? Les enquêtes sur les bavures policières restent dans la plupart des cas sans suite. D’un strict point de vue juridique, le parquet est le maître des poursuites, il est également l’autorité de tutelle des officiers de police judiciaire, ce qui, dans le cas d’affaires mettant en cause des policiers, amène à s’interroger sur l’égalité de traitement entre un citoyen lambda et un citoyen exerçant le métier de policier.
Manque de moyens pour la justice et occupation du terrain par la police
Sur le terrain, les capacités de suivi des opérations policières par les magistrats sont très restreintes. Chaque juge d’instruction doit en effet suivre plusieurs dizaines de dossiers simultanément, leur laissant peu le loisir de tous les suivre de près. De ce fait, la plupart de leurs demandes à l’égard des policiers laisse toute marge d’appréciation à ces derniers.
La technicité des policiers et leurs habitudes de fonctionnement autonome laissent peu de prise au juge. Lorsqu’il cherche à réaffirmer son autorité, ce dernier risque fort de se discréditer aux yeux des policiers, menaçant les coopérations ultérieures.
Une situation assez semblable se retrouve lorsque les enquêtes sont gérées par le parquet. En théorie, un Bureau d’Enquêtes devrait, dans chaque parquet, jouer un rôle de suivi et de contrôle des dossiers les plus complexes. Mais ici encore les capacités d’investissement en nombre de substituts dans les enquêtes manquent.
Les critiques se concentrent contre la justice et épargnent la police
Dans la revue Après-demain (2014/2 (N ° 30, NF)) le sociologue Christian Mouhanna souligne qu’il est malaisé pour le parquet d’imposer son autorité sur les activités quotidienne de la police.
« Celle-ci, à travers notamment ses syndicats, est parfaitement capable d’en appeler à l’opinion publique en cas de désaccord, ce qui place les magistrats dans une position inconfortable d’accusé. D’une manière générale, les parquets sont considérés comme compréhensifs par les policiers qui expriment davantage de désaccords avec des juges — toujours considérés laxistes — alors même que les condamnations sont de plus en plus longues et de plus en plus sévères. Les critiques à l’égard de la lutte insuffisante contre l’insécurité se concentrent désormais sur la justice et épargnent la police. La vox populi est ainsi passée du refrain “Que fait la Police ?” à une focalisation contre l’inefficacité judiciaire, renforçant alors l’autonomie des policiers ».
L’idéologie d’extrême droite s’accentue dans la police
À l’occasion de l’élection présidentielle de 2017, l’IFOP avait réalisé un sondage qui rapportait que 51% des gendarmes allaient voter pour Marine le Pen. Ce qui confirme que l’idéologie d’extrême droite est une tendance qui s’accentue davantage dans la police que dans le reste de la société. La violence politique d’Emmanuel Macron, son inflexibilité, son obstination à poursuivre les réformes coûte que coûte se sont traduites sur le terrain par une violence physique à l’encontre des manifestants et notamment des “gilets Jaunes”. Violence excercée, en dépit des condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme, par la police ; le bras armé de l’État.
La question de la police et du racisme se retrouve au cœur du débat public. À l’heure où les tendances de plus en plus réactionnaires au sein des forces de l’ordre 1 sont rendues publiques, se révèle parallèlement la problématique du Président et du gouvernement pris dans la spirale d’une violence à la fois morale, économique, physique et politique qui menace notre démocratie.
JMD
Notes:
- écouter le reportage d’Arte radio