Le 21 novembre dernier, mandaté à ce titre, le Conseil d’orientation des retraites* remettait au premier ministre un rapport sur le déficit des régimes de retraites en 2025-2030. Très contesté, ce rapport met en exergue un déficit des régimes de retraites allant de 0,3 % à 0,7 % du PIB.
Pour les associations Les économistes atterrés, Attac, les syndicats CGT, Solidaires, FSU, Unef, la fondation Copernic et le collectif citoyen Nos retraites, qui dénoncent à l’unanimité, via le réseau retraites : « Les chiffres de ce document sont en réalité similaires à ceux contenus dans le rapport de juin 2019. Ce rapport n’apporte aucun élément nouveau susceptible de justifier de nouvelles mesures régressives. Il apparaît comme une stricte opération de communication », .
Version « Cor »
Le COR qui l’a réalisé, justifie lui le déficit des retraites, par la conjonction de deux effets. Côté dépenses, la part des retraites dans le PIB resterait stable à 13,8 % d’ici 2025. Ceci grâce à une diminution des pensions par rapport aux salaires, de l’ordre de 3 %.
Le déficit proviendrait donc de la baisse des ressources affectées aux retraites. Celles-ci passeraient, selon les projections du COR, de 13,7 % du PIB à 13,2 % en 2025.
Ainsi, le COR fait l’hypothèse d’une baisse forcée des effectifs de la fonction publique et d’une hausse plus faible des salaires du public par rapport à ceux du privé, en particulier la non-revalorisation du point d’indice de la fonction publique. Les cotisations versées par le secteur public baisseraient alors de 0,3 point du PIB.
En somme, relève de son côté le réseau de défense des retraites : « La quasi-totalité du déficit provient de l’austérité salariale et de la baisse des effectifs publics ». Unis dans une démarche de décryptage en vue d’une information réelle, le collectif d’associations et de syndicats dévoile plutôt ici « un déficit organisé pour justifier une dégradation des retraites pour toutes et tous ».
Un déficit organisé de toutes pièces
Et d’évoquer : « Le COR lui-même souligne que « le solde financier du système de retraite […] dépend de manière cruciale de la convention [comptable] retenue ». Il acte ainsi que « la part des ressources consacrées au système de retraite dans le PIB diminue sur la période de projection ».
Un déficit « mis en scène pour présenter des scénarios permettant, par divers moyens, d’augmenter l’âge effectif de départ en retraite et/ou de baisser le niveau des pensions», poursuit le collectif en éclaireur, fustigeant : « Alors que le gouvernement prétendait épargner les générations antérieures à 1963, il apparaît désormais qu’elles seront touchées, au même titre que les autres, par des baisses du niveau des pensions présentées dans le rapport du COR à la demande du Premier ministre. Quel que soit notre régime ou notre âge, nous serons bien toutes et tous concerné·e·s par cette réforme des retraites ».
En outre, le COR noterait que les réserves du système de retraite sont évaluées à 5,6 % du PIB. Ce qui selon syndicats, associations, fondation et collectif est : « largement suffisant pour passer le cap de 2025 ».
Et d’ajouter : « De plus, le COR est bien obligé de reconnaître que l’équilibre financier pourrait facilement être atteint par une hausse modeste des cotisations. En moyenne, 1 point de cotisation supplémentaire à l’horizon 2025. Même en se basant sur les évaluations de déficit du rapport, la situation, on le voit, n’a rien de dramatique ».
Baisse des pensions, programmée
Pointant un choix politique du gouvernement, « ce plafonnement des dépenses-retraites, imposé (maximum 13,8% du PIB), entraîne une baisse généralisée et inédite du niveau des pensions », fait remarquer le réseau de défense des retraites.
A travers ce programme gouvernemental, l’augmentation du taux de retraité·e·s en France, accroitrait d’autant leur appauvrissement incitant à la capitalisation des plus jeunes. « A condition d’en avoir les moyens », ajoute le même collectif.
Amorcée par les réformes passées, cette chute des pensions de retraites, serait de plus : « encore aggravée si le projet de système par points était mis en oeuvre. Il diminuerait en effet automatiquement le taux de remplacement (pension/salaire) pour toute augmentation de l’espérance de vie. Les retraites et les retraité·e·s des générations à venir deviendraient ainsi une variable d’ajustement des finances publiques ».
Dette des Marchés financiers et exonérations stériles
Syndicats, associations, fondation et collectif soumettent : « Remettre en cause ce dogme du plafonnement des dépenses de retraites est donc une nécessité pour éviter la dégradation de nos retraites. Les solutions de financement ne manquent pas ».
Parmi les solutions avancées : « En 2025, la dette sociale serait remboursée, ce sont donc 16 milliards, utilisés actuellement pour rembourser les marchés financiers, qui seront disponibles. D’autres pistes existent pour résoudre les déficits à court terme. Il faudrait que l’État respecte son engagement à compenser les exonérations de cotisations sociales, puis mette fin à ces exonérations. Elles représentent globalement une perte 5,2 milliards par an pour la Sécurité sociale et n’ont, de plus, jamais fait la preuve d’effets positifs sur l’emploi ».
Augmenter les salaires permet la viabilité du réseau de retraites
D’autre part, ajoute le collectif : « À moyen terme, les projections du COR sont claires : une augmentation modérée des cotisations sociales (de l’ordre de 0,2 point par an) permettrait d’enrayer la baisse des pensions tout en maintenant la progression des salaires nets. Au-delà, il serait possible d’élargir l’assiette des cotisations sociales aux revenus financiers en soumettant à cotisation, tous les revenus distribués. Rappelons que la France est championne d’Europe quant aux dividendes versés aux actionnaires. Une augmentation générale des salaires serait non seulement bénéfique en termes de recettes de cotisations sociales mais aurait aussi un effet vertueux sur la demande effective et donc sur l’investissement des entreprises. La question de l’emploi, et particulièrement de l’emploi des femmes, est décisive alors que les hypothèses du COR sont très conservatrices sur ce paramètre. De même, aller vers l’égalité de salaires entre les femmes et les hommes serait un puissant facteur de dynamisation de l’économie et de rentrée de cotisations ».
Le choix d’une société solidaire
Derrière la question des retraites il y a « un choix de société », selon le collectif.
Et de conclure : « Nous voulons une société où la notion de solidarité intergénérationnelle ne soit pas un vain mot, une société où nous ne serons pas obligé·e·s de travailler jusqu’à n’en plus pouvoir pour le plus grand bénéfice des actionnaires, une société qui en finisse avec le chômage et la précarité. C’est aussi cela qui se joue dans ce combat pour des retraites dignes. Le fatalisme n’est pas de mise, des solutions existent à condition de construire les rapports de forces nécessaires pour les imposer. C’est pourquoi l’appel à la grève et aux manifestations à partir du 5 décembre est décisif, et nous appelons à le suivre massivement ».
HB
* Conseil d’orientation des retraites : COR
CF: Le réseau retraites