Jules Panetier sera à nouveau devant le tribunal le 22 novembre prochain. Cette fois à son initiative, après qu’il ait interjeté appel d’un précédent jugement qui l’avait condamné à deux mois ferme sans mandat de dépôt, pour « outrage sur policier », à l’occasion d’une manifestation contre la loi travail en 2017.


 

Jules Panetier appelle à ce qu’on le soutienne, au nom de la liberté de la presse, puisqu’il est l’une des plumes les plus en vue du Poing, lui-même le plus confirmé des nouveaux medias indépendants d’infos sur les luttes sociales à Montpellier. Il est à noter que Jules Panetier passera à nouveau en jugement le 8 janvier prochain, cette fois pour « dissimulation du visage » (alors que les policiers se jetant sur lui très violents dans le cadre de leur répression infernale de l’Acte 52 des GJ s’exclamaient « c’est le gars du Poing », fort reconnaissable donc).

 

Arrestation de Jules Panetier, journaliste au Poing, le 9 novembre 2019 lors de l’acte 52 des gilets jaunes

 

Certains confrères journalistes éprouvent des réticences devant cet appel à soutien, considérant que les faits reprochés à Jules Panetier le ciblent en tant que manifestant principalement, et que la limite serait trop floue dans son cas entre cette qualité simplement civique et celle, statutairement cadrée, de « journaliste ». Ce raisonnement me semble erroné. Je vais tenter de m’en expliquer, non sans avoir précisé que je suis moi-même collaborateur régulier du Poing.

Je suis donc moi-même un journaliste engagé, militant, comme on l’est me semble-t-il à La Marseillaise en commun, et je me rends pour couvrir nombre d’événements et situations avec la claire conscience que c’est dans l’optique d’un soutien. Jules Panetier de même. Mais il serait temps que nombre de journalistes qui se pensent neutres et objectifs mesurent à quel point toute relation de faits, a fortiori leur analyse, participe d’un point de vue orienté – cela particulièrement sur des matières affectées d’un fort coefficient de conflictualité.

Le Poing est un media, dont la version papier s’écoule à 5.000 exemplaires sur Montpellier, dont la page Facebook est suivie par près de 20.000 internautes. Il assure un suivi événementiel en bref, quasi quotidien (quand ce n’est plusieurs fois par jour) sur son fil Facebook. Et chaque semaine il publie sur son site internet plusieurs reportages et enquêtes plus développés, au format d’articles véritables. Ces derniers mois, il a été cité pour source par Libération, Mediapart, LCI, Cnews, 20 minutes, France-info.

Soutien à Julien Panetier

Il est donc temps de prendre en compte cette donnée : des medias « sans carte de presse » (puisque leurs équipes sont intégralement bénévoles, Jules Panetier compris, alors que la définition de la carte de presse reste arc-boutée sur l’existence de revenus tirés de l’activité de journaliste comme définition principale du métier, en définitive – à réfléchir dans le cadre de la précarisation accélérée destructurant ce domaine…), ces nouveaux medias, donc, remplissent de manière dynamique et aiguisée une fonction sociale d’information indépendante correspondant à une attente démocratique.

 

Du reste Jules Panetier (qui n’en est pas à ses premiers harcèlements judiciaires) n’est pas le seul dans le viseur des forces de police et leurs alliés en toge. Lors de l’acte 48, des journalistes respectivement de La Mule du Pape, et de Tintin au pays des Gilets jaunes, se faisaient interpeler. Un autre journaliste du Poing, repéré, est constamment l’objet de pressions, contrôles d’identité injustifiés, et menaces pures et simples (on se retrouve bientôt au tribunal). Benjamin Téoule, de D’oc info – qui lui rémunère ses contributeurs, si décidément cet argument devait être le seul qui compte – s’est entendu mettre en doute sa position de journaliste dans l’enfer de la nasse de l’Acte 52, puisqu’il portait des équipements de protection (seule façon de pouvoir y tenir).

Ce ne sont que quelques exemples montpelliérains, d’une politique constatée sur tout le territoire, que la profession a eu plusieurs fois l’occasion de déplorer et dénoncer dans les mois passés. Comme il en va des observateurs de la Ligue des Droits de l’Homme sur le terrain, c’est cette fonction d’observateurs, qui est aussi celle des journalistes, qui est directement visée par l’appareil répressif. Au reste, l’observatrice « Camille », de la LDH montpelliéraine, a été citée à comparaître à plusieurs reprises pour de supposées « infractions », analogues à celles exploitées à l’encontre de Jules Panetier.

Une fois prises en compte toutes ces données d’analyse globale, il serait fort mal venu de couper les cheveux en quatre lorsqu’un journaliste engagé, sur un événement d’extrême tension, peut aussi avoir des réflexes militants (et propos ou agissements correspondants, dont le caractère délictueux en eux-mêmes mériterait d’ailleurs un débat serré). On n’a pas encore vu un seul policier jugé dans le cadre de la boucherie répressive anti GJ, d’un niveau inégalé depuis un demi-siècle dans ce pays.

Aujourd’hui Jules Panetier… Demain, à qui le tour ?

 

Gérard Mayen

 

Arrestation de Jules Panetier, journaliste au Poing, le 9 novembre 2019 à Montpellier lors de l’acte 52 des gilets jaunes. Photo Dr Giaco Itln

Avatar photo
Gérard Mayen (né en1956) est journaliste, critique de danse, auteur. Il est titulaire d'un master 2 du département d'études en danse de l'université Paris 8 Saint-Denis-Vincennes. Il est praticien diplômé de la méthode Feldenkrais. Outre des chroniques de presse très régulières, la participation à divers ouvrages collectifs, la conduite de mission d'études, la préparation et la tenue de conférences et séminaires, Gérard Mayen a publié : De marche en danse dans la pièce Déroutes de Mathilde Monnier (L'Harmattan, 2004), Danseurs contemporains du Burkina Faso (L'Harmattan, 2005), Un pas de deux France-Amérique – 30 années d'invention du danseur contemporain au CNDC d'Angers(L'Entretemps, 2014) G. Mayen a longtemps contribué à Midi Libre et publie maintenant de nombreux articles pour"Le Poing", Lokko.fr ... et Altermidi.