LMEC s’associe à cette lettre ouverte.
Ce matin même, M. Cedric O, secrétaire d’Etat au numérique, vient inaugurer le méga-entrepôt Amazon surgit de terre à Brétigny sur Orge. Cette cérémonie est à l’image de ce qu’a été l’ensemble de la démarche de la multinationale sur notre territoire: opacité, absence totale de démocratie, mépris envers les citoyen.ne.s et les élu.e.s locaux. Retrouvez ici notre lettre ouverte au secrétaire d’Etat.
Morsang sur Orge, le lundi 21 octobre 2019
Monsieur Cédric O, secrétaire d’Etat au numérique,
Aujourd’hui, vous venez à Brétigny sur Orge inaugurer le premier de trois nouveaux méga-entrepôts Amazon, qui viendront doubler d’ici à l’année prochaine la capacité de livraison de cette multinationale.
Nous, citoyennes et citoyens du 91, militantes et militants écologistes, gilets jaunes, jeunes mobilisés pour le climat, vous écrivons la présente lettre afin de vous faire part de notre profonde colère face à l’implantation de cet entrepôt sur notre territoire, que vous venez célébrer comme une victoire, là où nous y voyons une décision à contre histoire, anti-écologiste, anti-sociale, anti-démocratique.
Vous n’êtes pas sans ignorer les crises multiples et complexes que traverse notre société -l’urgence est triple : écologiste, sociale, démocratique. Le modèle d’Amazon, s’implantant en toute opacité sur des territoires en faisant miroiter la promesse de créations d’emplois -tout en maintenant le flou sur leur nombre et leur qualité- est une fausse réponse, trop rapide et facile, là où face à ces crises il nous faut avoir collectivement le courage de réinventer profondément notre économie et notre modèle d’aménagement du territoire.
L’inauguration à laquelle vous assistez ce matin est à l’image de ce qu’aura été le processus par lequel nous, citoyennes et citoyens du 91, nous sommes retrouvés à assister impuissants à la construction de ce méga-entrepôt sur notre territoire, sans avoir jamais eu notre mot à dire, ni directement, ni même par le biais de nos représentant.e.s élu.e.s. Vous constaterez par vous-mêmes qu’aujourd’hui, seul·e·s certain·e·s élu·e·s communautaires ont été invité·e·s à la fête. La grande majorité des élu·e·s communautaires, les élu.e.s municipaux, représentant·e·s directes des citoyen.ne.s sont mis·e·s à l’écart. Pour mémoire, ce projet ayant un impact très direct sur le territoire, a vu le jour sans jamais que la parole citoyenne ne puisse s’exprimer : les avis des conseils municipaux des villes avoisinantes comme les résultats de l’enquête public n’avaient qu’une valeur consultative pour la validation du projet. Qui plus est, Amazon persiste à ne divulguer aucune information fiable et précise sur ses projets d’avenir pour ce site, le nombre réel de d’emplois créés, et leur qualité. Or les engagements financiers de la Communauté d’Agglomération Cœur d’Essonne et de l’Etat se chiffrent en millions d’euros pour faciliter l’installation d’AFT (la prise en charge de la démolition des bâtiments, de la dépollution des sols, de la création de la voirie…). Il s’agit donc d’un engagement d’argent public important pour une implantation qui ne donne aucune garantie réelle. Il n’y a d’ailleurs pas non plus d’engagement sur la durée de son implantation sur le site. Vous comprendrez donc notre colère, et notre inquiétude quant au devenir de ce site et de notre territoire.
En plus de ce court-circuitage de la démocratie qui est une pratique systématique d’Amazon, le modèle de cette multinationale est nuisible sur le plan économique et social : la promesse de créations d’emplois est un leurre et un effet d’optique ; Amazon est responsable de la destruction de plus de 400 000 emplois aux Etats-Unis, soit 2,5 fois plus d’emplois détruits que ceux qui ont été créé sur la même période. La France est la suivante, aujourd’hui, le chiffre des emplois détruits par Amazon est encore difficile à quantifier puisque le développement des activités de cette multinationale touche de nombreux secteurs (réparations, petits commerces, etc.), mais il est reconnu comme bien supérieur à ceux créé par ce type d’entrepôts. Tout cela dans des conditions de travails inacceptables : licenciements abusifs, cadences exacerbées, surveillance et délations…
Si ça n’était pas assez, l’extension d’Amazon est un non-sens écologique tout à fait contraire aux objectifs que la France prétend se donner sur le plan de la lutte contre le dérèglement climatique : la vente des produits textiles et électroniques est responsable d’un quart des émissions de gaz à effet de serre de la France. Il est reconnu qu’Amazon est le premier vendeur de ces produits avec plus de 10 milliards de produits vendus par an, ce qui fait de lui le leader d’un secteur responsable d’un quart des émissions de GES. La France a été interpellée il y a quelques mois par son propre organe, le Haut Conseil pour le Climat, car elle ne met pas en place les moyens suffisants pour lutter contre le dérèglement climatique, notamment en termes d’importations. D’ici l’année prochaine Amazon va doubler sa capacité de livraison en France notamment grâce à l’entrepôt où nous sommes. Tant que des multinationales comme celles-ci seront soutenues en France, vous reconnaîtrez que nous n’avons aucune raison d’aller manifester en Pologne plutôt qu’ici…
Vous n’êtes pas non plus sans savoir que les pratiques d’Amazon sur le plan fiscal sont également hautement problématiques : Amazon a recours à des sociétés écrans, et pratique activement l’évasion fiscale. Amazon ne contribue aujourd’hui à l’impôt qu’à hauteur de 0.5% de son chiffre d’affaire. Il n’y aura de justice sociale sans justice fiscale, et la force publique doit reprendre la main pour en créer les conditions et agir pour faire respecter les règles fiscales.
Nous venons à vous avec les critiques que nous venons d’exposer, mais aussi avec des propositions, que le gouvernement peut mettre en place dès le mois prochain dans le cadre de la loi économie circulaire et ainsi témoigner d’un peu plus de cohérence entre ses actes législatifs et son discours qui se veut « écologiste » : vous pouvez dès aujourd’hui en tant que majorité agir pour la mise en place d’un moratoire, visant à stopper l’expansion et la construction de nouvelles zones commerciales et entrepôts d’Amazon.
Pour le climat, l’emploi et la démocratie, nous exigeons ce moratoire et une position claire et définitive du gouvernement et des députés contre Amazon et le modèle qu’il porte. Nous restons à votre disposition pour toute discussion, et vous signifions par la présente lettre notre profonde détermination à rester mobilisés. Beaucoup des signataires de cette lettre ont une vingtaine d’années, notre avenir est entre les mains des dirigeant.e.s politiques et économiques actuellement au pouvoir. L’extension du modèle Amazon est l’exemple même de ce qu’il ne faut plus faire si nous voulons garantir un avenir viable et enviable aux générations présentes et futures.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le secrétaire d’Etat, l’expression de nos salutations distinguées.
Le collectif Ma Zone, EELV Cœur d’Essonne Agglomération, les Jeunes Ecologistes, des gilets jaunes du rond-point de la Croix Blanche (Sainte Geneviève des Bois), les Amis de la Terre, ANV COP21, ATTAC, La France Insoumise Ste Geneviève des Bois, Place au peuple Ste Geneviève des Bois, Apérécolo Ste Geneviève des Bois, .
Contact collectifmazone@protonmail.com
Voir aussi : Reprendre le pouvoir confisqué par les multinationales