Face au déni de la chancellerie, qui s’obstine à faire comme si notre système judiciaire pouvait fonctionner de manière satisfaisante avec des effectifs et des moyens qui font de la France la honte de l’Europe, le Syndicat de la magistrature a lancé au mois de février 2019 une grande enquête sur la charge de travail, avec un questionnaire adressé à l’ensemble des magistrats.
L’édition 2018 du rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) décrit encore une fois le système judiciaire français comme l’un des plus mal dotés parmi les États du Conseil de l’Europe. Ainsi, en 2016, la France allouait 0,18 % de son PIB aux juridictions et comptait 13 magistrats et 47 fonctionnaires pour 100 000 habitants contre 0,29 % du PIB pour 31 magistrats et 105 fonctionnaires selon la médiane européenne. L’évolution des effectifs de magistrats entre 2012 et 2016 a été de + 0,2 %, alors que la médiane européenne était de + 1,8 %. Pour l’année 2019, au-delà des éléments de langage, le budget des services judiciaires augmente de 1,72 % quand l’inflation était de 1,80 % en 2018, ce qui dissimule une baisse en euros constants. Sauf à ce que les magistrats français soient d’une productivité hors norme, ces choix budgétaires ont des répercussions sur la qualité du service public de la justice, mais aussi sur les conditions de travail et le bien-être des agents.
Or, comme l’a rappelé la Cour des comptes dans un rapport de décembre 2018, le ministère de la Justice ne sait toujours pas objectiver les besoins des juridictions et n’a jusqu’ici jamais jugé utile de convertir les référentiels établis depuis 25 ans par divers groupes de travail en un outil officiel pouvant être utilisé sur l’ensemble du territoire.
La direction des services judiciaires se contente ces dernières années de ne surtout plus augmenter le nombre de postes localisés, dans le seul but d’afficher artificiellement mais bruyamment une résorption du taux de vacance de postes, sans corrélation aucune avec les besoins réels des juridictions. Avec la loi de programmation et de réforme pour la justice, le gouvernement va encore plus loin dans le mirage du « mieux avec moins », en imaginant que dématérialisation et réorganisation suffiront à faire disparaître toutes les difficultés, voire permettront de supprimer des postes, notamment de personnels de greffe.
C’est dans ce contexte, face aux carences de la chancellerie, que Le Syndicat de la Magistrature a pris l’initiative d’une enquête auprès des magistrats afin de tenter d’objectiver la réalité de la charge de travail au quotidien et ses conséquences. L’idée n’est pas de créer des outils – qui existent et sont simplement négligés par le ministère – mais de dresser un constat.