Deux économistes, Alexandra Roulet et Bruno Coquet, avancent des pistes pour réformer l’assurance chômage et divergent sur la durée d’indemnisation des chômeurs
Alors que le gouvernement doit bientôt annoncer le contenu du futur décret sur l’assurance chômage, les règles de l’indemnisation des demandeurs d’emploi ont-elles besoin d’être revues en profondeur ? Et si oui, comment ? Nous avons posé la question à deux économistes, Alexandra Roulet, professeure à l’Insead, et Bruno Coquet, chercheur affilié à l’OFCE. Si tous deux convergent sur la nécessité d’une forme de bonus-malus sur les cotisations des employeurs qui abusent des contrats courts, ils divergent sur la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi.
1/ Alexandra Roulet : « Il faut jouer sur les durées maximales »
La négociation de la convention d’assurance chômage par les partenaires sociaux, qui intervient tous les deux ou trois ans, a échoué en grande partie sur la taxation des contrats courts, dont le patronat ne veut pas entendre parler. Espérons que le gouvernement va la mettre tout de même en place. Les employeurs qui font un usage immodéré des contrats courts imposent un coût à la collectivité avec l’indemnisation des périodes de chômage que traversent leurs salariés. Moduler les cotisations des employeurs en fonction de leur comportement rétablirait une certaine équité, selon la logique du pollueur-payeur. D’autant qu’un système de bonus-malus peut tenir compte du secteur ou de la taille des entreprises.
2/ Bruno Coquet : « Plus le taux de chômage est élevé, plus la durée d’indemnisation doit être longue »
Une assurance chômage est d’autant plus efficiente qu’elle est universelle. Aujourd’hui, un quart de l’emploi salarié reste à l’écart de cette solidarité, parce que les employeurs publics peuvent décider de s’auto-assurer au motif qu’ils prémunissent leurs salariés du risque de chômage. C’est une vue de l’esprit, car le chômage n’est pas plus faible pour autant, mais simplement reporté ailleurs. L’universalité est une évolution systémique souhaitable, équitable, et qui créerait d’importantes marges de manœuvre financières.
Chaque euro prélevé pour financer l’assurance doit financer l’assurance. C’est une évidence dont l’Unédic s’éloigne un peu plus chaque année : environ 15 % de ses dépenses ne sont pas des allocations, mais des charges assimilables à des dépenses publiques, que la théorie économique commande de financer par l’impôt, et non en taxant le travail marchand. Si le service public de l’emploi était tarifé à son coût marginal et la politique culturelle inscrite au budget de l’Etat, les dépenses de l’Unedic seraient allégées de 4,5 milliards d’euros par an 4 et l’assurance chômage n’aurait jamais eu de dette.
Source Alternative Economique 01/04/2019