La possibilité offerte aux entreprises de détricoter les 35 H en modulant le temps de travail sur période pouvant atteindre trois ans est jugée contraire à la charte sociale européenne, estime le Conseil de l’Europe dans décision rendue publique vendredi.
La loi El Khomri portant sur la réforme du travail qui a fait le choix de s’attaquer au chômage par des mesures d’inspiration libérale, connaît des fortunes diverses. De la mise en place d’un barème des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif aux mesures augmentant le pouvoir des employeurs, la contestation a été massive, donnant lieu à d’importantes manifestations.
La loi El Khomri s’attaque en autre au temps de travail et à sa flexibilisation. Cette loi permet d’aménager le temps de travail sur une période de référence de trois ans si un accord de branche l’autorise. Sur le terrain juridique, la CGT avait saisi le Conseil de l’Europe le 28 juillet 2017 contre la possibilité, introduite dans le code du travail par la loi El Khomri, de moduler le temps de travail sur trois ans. Ce recours avait été déposé devant le Comité européen des droits sociaux, juridiction du Conseil de l’Europe chargée de contrôler le respect de la charte sociale européenne.
Selon la CGT, il s’agit d’une « mesure de flexibilité du travail » qui « prive les salariés concernés de la maîtrise de leur temps et de la majoration de leur rémunération pour heures supplémentaires ». La centrale estime que la loi El Khomri « a poussé très loin la dégradation des conditions de travail et de rémunération des salariés, au mépris des engagements internationaux de la France ».
Charte sociale européenne : décision dans la réclamation CGT c. France concernant la Loi Travail
Une réclamation déposée en 2017, par la Confédération générale du travail (CGT) alléguait que la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi « Travail », permettant des aménagements du temps de travail pour une durée supérieure à une semaine et pouvant aller jusqu’à trois ans est contraire à l’article 4§2 de la Charte sociale européenne (droit à une rémunération équitable) en ce qu’elle prive les travailleurs de leurs droits à une rémunération équitable et, en particulier, à un taux majoré de rémunération pour les heures supplémentaires.
Dans la décision rendue publique hier, le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe, chargé de vérifier l’application de la Charte sociale européenne, conclut qu’il n’y a pas violation de l’article 4§2 de la Charte en ce qui concerne le droit des travailleurs d’être informés de tout changement d’horaires de travail, mais estime qu’il y a violation de ce même article en ce qui concerne le caractère raisonnable de la période de référence.
La décision du Conseil de l’Europe est non contraignante mais elle permettra à l’avenir aux juges de s’y référer. C’est une victoire pour pour la CGT qui est à l’origine de la saisine et un coup dur pour le gouvernement Philippe. Pour la CGT , cette « condamnation du Comité européen des droits sociaux constitue un désaveu des politiques antisociales menées par les gouvernements français successifs ».
JMDH
Note :
La réclamation n°154/2017 déposée par la CGT a été enregistrée le 28 juillet 2017. Le Comité a déclaré la réclamation recevable le 23 janvier 2018. La décision sur le bien-fondé a été adoptée le 18 octobre 2018, et est rendue publique aujourd’hui, quatre mois après sa transmission au Comité des Ministres, en application de l’article 8§2 du Protocole prévoyant un système de réclamations collectives.
La Charte sociale européenne, complément naturel de la Convention européenne des droits de l’homme dans le domaine des droits sociaux et économiques, est un texte international juridiquement contraignant que les Etats s’engagent à respecter lorsqu’ils le ratifient. La France a signé la Charte sociale européenne révisée en 1996 et l’a ratifiée en 1999.