Elle n’a « peur » de personne, ni des « grands patrons », ni des « députés européens » ni des « lobbies ».
Sa vie pourrait se résumer en une succession de « bagarres » : pour améliorer les conditions de travail dans son ancienne usine de costumes haut de gamme, lutter contre les délocalisations, défendre les territoires « abandonnés »…
Née au Quesnoy, petite ville de l’Avesnois, elle perd son père à 16 ans, quitte l’école et entre comme presseuse à l’usine Bidermann, à Poix-du-Nord, tout près. Très vite elle adhère à la CGT, puis au PCF. Qu’elle ne quittera plus. « J’ai appris qu’il fallait toujours se battre pour obtenir quelque chose », ne serait-ce qu’installer la climatisation dans les ateliers, poursuit l’ancienne déléguée syndicale, 61 ans, élue en 1980 pour son « punch » – et mise à pied de nombreuses semaines pendant ces années « d’entraide », de « fierté de leur savoir-faire » en dépit des « conditions très dures ».
Mais l’industrie du textile périclite rapidement, les délocalisations s’enchaînent. L’usine devenue Ecce, sous-traitant de LVMH, perd dès les années 1990 les griffes Pierre Cardin, Yves-Saint-Laurent, Kenzo. « Elle a participé aux négociations, pour que les salariés aient une compensation de la perte de leur travail, et renégocier les mutations », raconte Guy Facq, ancien adjoint PCF de Poix-du Nord. « Elle savait entraîner ses troupes », même si « son franc parler ne plaît pas à tout le monde ».
Celle que beaucoup décrivent comme « joviale », « sincère », « spontanée », négocie directement avec le directeur général, qui se rappelle une déléguée « très dévouée aux autres et ne se battait pas pour son cas personnel ». « Elle n’était pas dans la haine ni dans l’outrance », assure Jean-Damien Waquet.
« Peur » de personne
Un certain François Ruffin s’intéresse alors à ces ouvrières et sympathise avec cette femme « hyper ouverte » et « entraînante ». « Elle constitue une sorte de passerelle entre l’univers médiatique, culturel, intellectuel, et anciennement son usine », estime le député France insoumise, dont elle est restée proche. Sur ses conseils, elle achète une action et prend la parole face à Bernard Arnault en 2007 en assemblée générale des actionnaires de LVMH à Paris, pour son documentaire « Merci patron ! », César en 2017.
L’usine fermera définitivement peu après. Celle qui n’a « peur » de personne, ni des « grands patrons », ni des « députés européens » ni des « lobbys », se reconvertit, devenant ambulancière pour une entreprise familiale locale, jusqu’à sa retraite en 2017.
Depuis, elle fait du bénévolat aux Restos du Coeur et manifeste chaque samedi avec les « gilets jaunes », dont elle connaît tous les prénoms. « On a les mêmes revendications, la hausse du pouvoir d’achat, ils n’y arrivent plus, c’est pas normal », s’emporte cette petite femme au léger accent du nord qui « représente toute la dignité de la classe ouvrière » selon Fabien Roussel, secrétaire national du PCF.
« Quand on n’est pas sectaire, on ne peut que l’apprécier », juge la maire LR du Quesnoy, Marie-Sophie Lesne. Et la maire centriste d’Orsinval (Nord), Elisabeth Debruille, où elle réside, d’ajouter : C’est une femme de convictions, qui défend toujours les gens et tout notre territoire.
Smic européen« Ian (Brossat) m’a contactée à la journée à la mer de Malo-les-Bains », cette sortie organisée chaque année par les communistes du Nord pour que les enfants puissent aller à la plage, racontait-elle à « l’Humanité » en novembre. « Il voulait quelqu’un qui vienne du terrain. »
Si elle est élue, cette fan de Martha Desrumaux, figure historique du mouvement ouvrier, se battra pour un « Smic européen », face aux « multinationales qui commandent, décident de l’austérité en France, mais s’en mettent plein les poches ».
« Ici il n’y a pas d’infrastructures, les gens doivent faire des km pour les services publics, les postes ferment, il n’y a plus de commerces dans les petits villages, on manque de médecins », déplore celle qui préfère « parler aux gens » plutôt que les réseaux sociaux. Quant à Emmanuel Macron…
« Il devrait sortir de temps en temps et voir la réalité. »
« Une réalité » qu’elle veut faire entendre à Bruxelles, à condition que la liste de Ian Brossat – sur laquelle elle devrait être 2e ou 4e, officialisée le 26 janvier – fasse au moins 5%.
Source AFP 19/01/2019