AFP / FRANCOIS GUILLOT

Après la présentation du « scénario de l’anticipation » par la ministre de la culture, Françoise Nyssen, les syndicats de journalistes craignent un affaiblissement de France Bleu et un manque de moyens.

La ministre de la culture, Françoise Nyssen, a présenté, lundi 4 juin, son projet de réforme de l’audiovisuel public, baptisé « scénario de l’anticipation ». Celui-ci prévoit notamment la fin de la diffusion de France 4 sur la TNT, le développement du numérique et le rapprochement de France Bleu et de France 3, afin de renforcer les programmes régionaux. « Une coopération ambitieuse entre France 3 et France Bleu doit déboucher sur ce média quotidien régional qui sera la voix des territoires », a-t-elle notamment expliqué au Monde et lors d’une conférence de presse.

Le flou inquiète les syndicats

C’est ce dernier point qui suscite la forte inquiétude du Syndicat national des journalistes (SNJ) de Radio France. Celui-ci estime que le rapprochement sur le numérique entre une rédaction de radio et une autre de télévision pour créer un site, expérimenté avec Franceinfo, est loin d’avoir montré son efficacité. Il craint surtout que les rédactions de France Bleu soient absorbées par les locales de France 3.

« S’il y a bien un enseignement à tirer de la création de Franceinfo, c’est que la rédaction de la radio n’a, en réalité, aucun contrôle sur le site. France Télévisions prend toutes les décisions », regrette le SNJ Radio France dans un communiqué. « Les journalistes de France Bleu n’accepteront pas de s’épuiser à fournir «un nouveau média de la vie quotidienne» qui effacerait la présence numérique de leur radio », ajoute le syndicat.

Du côté de France TV, c’est le flou concernant le financement de la réforme, guère abordé par la ministre, et les économies demandées au service public de l’audiovisuel qui inquiètent la CGT. Le syndicat s’alarme de « la dimension nationale de France 3 que l’on sent de plus en plus menacée ». Si la CGT se félicite de l’existence d’un effort d’investissement dans le numérique, à hauteur de 150 millions d’euros supplémentaires par an, elle l’estime « insuffisant ». « Faire beaucoup plus avec beaucoup moins n’est pas une perspective raisonnable », estime le syndicat.

 

Les auteurs préoccupés par les économies

S’ils saluent la volonté de moderniser l’offre de service public sur le numérique, les auteurs, représentés par la Société civile des auteurs multimédia (SCAM) et la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), sont préoccupés par certains aspects de la réforme annoncée, la suppression de France 4 notamment. «La réduction du nombre de chaines linéaires n’est pas nécessairement un signe positif pour la création», affirme la SCAM dans un communiqué. Pour la SACD, «la suppression de France 4 est un signal aussi inquiétant qu’inédit», «car aucune garantie n’est apportée à ce stade sur la pérennité du partenariat qu’a noué France Télévisions avec un secteur de l’animation dont chacun loue l’excellence et la créativité». L’organisme évoque également les réformes menées par les voisins européens qui n’ont «jamais abouti à ce que les programmes pour la jeunesse disparaissent totalement de l’offre linéaire».

Les auteurs s’inquiètent aussi des coupes budgétaires que présagent les déclarations de Françoise Nyssen. Ils soulignent la contradiction entre la volonté d’innover dans la création, de tripler les programmes sur les antennes régionales, et le fait de faire des économies. «La décorrélation entre la réflexion sur les missions et leur financement interroge», estime ainsi la Scam, tandis que la SACD, qui rappelle, sans citer Netflix, Amazon ou Apple, que des «acteurs mondiaux annoncent des investissements sans précédents dans la création et notamment la fiction», estime que l’engagement gouvernemental «risque d’être malheureusement insuffisant.»

 

Confusion sur l’avenir de France Ô

Réagissant à l’annonce de Mme Nyssen d’une réflexion à venir sur l’avenir de France Ô, la ministre des outre-mer, Annick Girardin, a déclaré que la chaîne devait « être préservée ». Elle s’est dite favorable « peut-être » à des quotas outre-mer sur les chaînes nationales :

« Dans les outre-mer, on a, avec les chaînes Premières [les chaînes locales d’outre-mer] de l’excellence sur l’ensemble des océans. Ce sont des fenêtres sur le monde qu’on n’utilise pas suffisamment. »

Pour la ministre des outre-mer, qui regrette que « France Télévisions, avec France Ô, a[it] trouvé l’alibi pour ne jamais diffuser l’outre-mer sur les autres chaînes », « les productions des chaînes Premières, qui doivent être renforcées, doivent pouvoir être vues sur France Ô mais aussi sur d’autres chaînes ».

L’annonce de Mme Nyssen concernant un changement éventuel de numérotation de la chaîne Franceinfo suscite l’indignation de BFMTV, qui juge cette mesure « inacceptable et inquiétante ».

La chaîne privée dénonce un projet de « tripatouiller la numérotation des chaînes », évoquant une « vocation à occuper le canal 14 au lieu du canal 27 en remplacement de France 4, vouée à disparaître de la TNT ». BFMTV, qui occupe le canal 15, dénonce une mesure qui se fait « au profit de l’audiovisuel public », évoquant un projet allant à l’encontre du « pluralisme de l’information ».

Source Le  Monde

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