Demain : rencontres, sonorités, échanges, messages. La musique résonne et le passé inspire, non comme une histoire terminée mais comme un monde à recréer. On peut s’en laisser conter !
Pouchniok Le Petit Poucet version cosaque, Michel Arbatz et Philippe Archer, livre CD, Zigzags

Il y a des contes qui voyagent, et l’auteur et compositeur montpelliérain Michel Arbatz a inventé un nouveau Petit Poucet en Crocavie, pays imaginaire où le roi Rapiatchek laisse son peuple dans la famine. Le chanteur et comédien n’a pas fini d’étonner, et ce créateur de la Brigade d’Interventions Poétiques et de nombreux spectacles invite le petit héros de Charles Perrault dans de nouvelles aventures à travers ironie versifiée et musiques cosaques. Un CD de 18 titres accompagne un beau livre de 44 pages, magnifiquement illustré par Philippe Archer, qui se définit comme « dessineux » (mais pas que…), attaché au conte et au passé de la terre occitane. Cette histoire cosaque pleine d’humour et de musiques entraînantes – quelques extraits aussi du groupe Sondorgö – est née il y a quelques années et n’avait pas réussi à être éditée. Les enfants vont aimer les rencontres de ces épisodes surprises, et les grands aussi, tant le décalage est touchant et insolent. Dans ses huit chansons Michel Arbatz joue avec les mots, dès l’entrée des affamés. Pas que des miettes pour les piafs qui ont aussi leur chanson, et les « buveurs de sang » invitent Roland Dubillard. Pour ses « mauvais frères » le petit Pouchniok est « moch’, cloch’ », quand on mange c’est « mâch’, mâch’ », et l’ogre inspire une pyrotechnie de sons syllabiques. Vite, voici la « moto de sept lieues » : on craque ! Bienvenue en Crocavie.
Renaissance, Shani Diluka piano, Warner Classics

Renaître est une nouvelle vie. A travers mythes et mystères la pianiste Shani Diluka visite « La musique de la Renaissance et ses héritages », s’intéressant aux répertoires anglais et italiens, à travers des partitions qui disent « la transfiguration de l’Homme par l’Art ». Musique, peinture, poésie, philosophie et sciences sont en dialogue pour mettre l’humain au centre du monde, ainsi que l’illustre Léonard de Vinci, et il y a bien une résonance de la Nature qui côtoie le Divin. La musicienne, qui est aussi poète – le livret contient trois textes en reflet -, choisit d’interpréter cette « Renaissance » sur un piano moderne. Byrd, Dowland, Purcell, sont présents tout comme Frescobaldi, Palestrina et Monteverdi mais il n’y a pas que pavanes et toccatas. Le piano remplace le clavecin et le chant, célèbre les tourments de l’amour et la mort de Didon. Corelli est une douce transition vers un florilège de sonates de Scarlatti et de pièces tirées des suites de Haendel. L’adagio du concerto BWV 974 de Bach est une splendide conclusion. Shani Diluka, qui veut cette musique ouverte à tous et inspirée, publie un essai philosophique « Du spirituel dans l’Art, et dans la Musique en particulier » (Art3). Audacieuse, l’idée de faire entendre de façon « moderne » ce répertoire parfois oublié est une réussite. Rien de sacrilège, mais vraiment une approche différente, respectueuse mais inventive, vivante, libre.
Louis Couperin, the complete works, Jean Rondeau clavecin et orgue, Erato (10 Cd, 1 Dvd, livret de 150 p)

C’est unique : autant d’œuvres réunies, cela marque la reconnaissance d’un compositeur génial dont c’est le 400ème anniversaire de la naissance. Louis, à ne pas confondre avec le célèbre François Couperin, est mort à 25 ans, mais n’en a pas moins écrit plus de 130 pièces, musicien sorti du milieu « rustique » devenu rapidement connu dans l’entourage de Louis XIV. Le claveciniste Jean Rondeau s’est passionné très tôt pour son œuvre et a consacré huit mois à cette intégrale, dont le coffret contient dix Cds et un Dvd : « Je pense qu’il y a quelque chose dans la musique de Louis Couperin qui transcende l’instrument et s’avère inspirant d’une manière tout à fait unique ». Y contribuent des trésors instrumentaux comme l’orgue De Villers-Carouge de 1663 à Juvigny, celui de Bolbec, un Lesselier de 1631, l’extraordinaire clavecin Ruckers de 1624 à Colmar, et les factures contemporaines de Kennedy, Ley et Humeau. Sont invités des contemporains baroques, des membres de la famille Couperin, et une douzaine de célébrités, comme Marin Marais, Nivers, De Visée, d’Anglebert, Froberger… et participent à l’enregistrement 18 musiciens et chanteurs. Dans cette diversité d’inspiration c’est un double plaisir d’entendre des pièces ignorées et de retrouver des suites, des thèmes plus familiers. Jean Rondeau est somptueux, lumineux, sait se faire grandiose ou intime, éloquent dans tous les contrastes. Souvenir : un Prélude de Louis Couperin « non mesuré » – notation particulière laissant une libre inspiration – a été le premier morceau qu’il a joué vers l’âge de six ans : « Cela m’a littéralement ouvert les portes du monde de la musique ».
Le meilleur de Balavoine, 2 Cd, Universal Music

Le 14 janvier cela fera 40 ans que Daniel Balavoine est décédé dans un accident d’hélicoptère pendant le Paris-Dakar, et ces jours-ci on fêtait aussi les 40 ans de la création des Restos du Cœur par Coluche… et Balavoine. « Je ne suis pas un héros » est un titre emblématique, tout comme « Le chanteur », parmi les 34 publiés dans la compil anniversaire « Le meilleur de Balavoine ». Tout ce qu’il avait à nous dire. L’artiste songeait plutôt à une carrière politique que musicale, et il est mort en allant au Sahel lutter contre la famine, et installer des pompes à eau au Niger. En 1980, il affrontait François Mitterand, lui disant : « La jeunesse se désespère ». Il s’agit bien d’aujourd’hui. « Tous les cris les S.O.S. » fait écho au « S.O.S. d’un terrien en détresse » (un Michel Berger actuel magnifiquement repris par Dimash), et si l’amour est aussi en première ligne, les engagements contre le racisme, contre les guerres, contre la torture, pour les causes des femmes, font partie de ses batailles. On entend ce que dit « L’Aziza », « Frappe avec ta tête », « Pour la femme veuve qui s’éveille », « Revolución ». Tous ses mots sont des combats, et une tournée « Balavoine : sa bataille » démarre en janvier et passera dans le Sud, à Toulouse, Aix, Nice, Toulon. « Un autre monde » disait l’espoir de partager en 1980, comme « Un enfant assis attend la pluie », et son dernier album avait pour titre « Sauver l’amour ».
Michèle Fizaine
Photo 1 La pianiste Shani Diluka
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