Rentrée virtuose à l’Opéra Comédie de Montpellier les 12 et 13 septembre. Challenge, création, retrouvailles, mise en valeur des solistes – avec une superstar du violon !
Le premier concert à Montpellier de la saison 2025-2026 met en lumière le violoniste Nemanja Radulović… à moins que ce ne soit lui qui illumine ce début de programme ! C’est un invité de marque, et un ami de l’orchestre, car depuis une bonne dizaine d’années il vient ajouter ses concerts à la liste des souvenirs musicaux mémorables.
Demandez le programme, il est connu !
A la baguette, ce sera Anna Rakitina, qui, à 36 ans poursuit une carrière déjà émaillée de plusieurs prix, demi-finaliste du concours Svetlanov en 2018, chef assistante de l’Orchestre de Boston de 2019 à 2023, et Prix européen de la Culture 2025. Elle va diriger les « Variations Enigma » d’Elgar, ces quatorze portraits mystérieux, son humour, ses surprises. On ne s’en lasse pas, on n’a pas oublié le moment, en 2000, à Montpellier, où Temirkanov avait offert le célèbre « Nimrod » ! Et il y a deux ans, la jeune cheffe Stéphanie Childress a partagé cette œuvre « énigmatique » avec l’orchestre de Montpellier, très motivée pour mener ces « Solistes en lumière », notamment Cyrille Tricoire, Andrea Fallico et Benjamin Fontaine. Les instruments sont plusieurs à être mis en valeur, y compris les timbales, et c’était un plaisir.
Pour cette inauguration de saison, une création est au programme : « Magic Simon », œuvre composée par la finlandaise Johanna Ruotsalainen, qui a remporté dans la catégorie musique de chambre le Prix « Unanimes ! » 2024, concours qui vise à valoriser les compositrices. Un challenge dont la « magie » est à découvrir !
Nemanja Radulović est donc de retour, en vedette, et va jouer à nouveau le « Concerto en ré mineur » de Khatchatourian, dont il avait donné une formidable interprétation en 2019. Depuis sa Victoire de la Musique en 2014, il devient montpelliérain, un des invités réguliers de l’orchestre, et fait partie de son histoire. Souvent c’est son côté « Rock Star », qui est mis en avant, on se souvient de son look des Victoires de la Musique, en 2014, et il portait aussi au Corum sa jaquette noire et rouge, asymétrique, son legging cuir, ses boots. Il commentait : « On est tous différents, il faut l’affirmer. L’important pour moi, c’est de me reconnaître dans mon miroir. Je ne suis plus un gamin, donc je change. Et surtout maintenant il y a trop de codes, et on y perd de soi ».

Pour Nemanja, Montpellier est une étape vers l’Est
Avant tout Nemanja voyage. Toujours vers Bach, puisque c’est son dernier CD*, le premier est de 2016. Une destination incontournable. Mais ses « Carnets de voyage » menaient vers l’Est, son domaine intime, ses expériences, ses « déménagements ». Il a d’abord dirigé sa quête au cœur des classiques : Brahms, Tchaïkovski, Khachatourian, Chosta et Prokofiev, mais il y a aussi des musiques de film, des csárdás, des airs traditionnels. Il a rendu hommage à sa famille, et à sa Serbie natale, qu’il a quittée à l’âge de 14 ans.
« L’esprit de l’Est » est revenu en 2018. Avec son programme « Baïka » on plonge dans l’univers du « conte », qui réunit plusieurs cultures, Une légende personnelle. Et les enregistrements récents de « Roots » (son douzième album) permettent de retrouver ses « racines ». Il a voulu « Chercher plus loin. Toujours vers l’Est ». Il pense bien sûr à l’actualité, mais aussi à la modernité. Ce qu’il veut c’est « présenter et représenter », expliquait-il lors de sa dernière venue, car pour lui chaque œuvre doit avoir son interprétation d’aujourd’hui. « Mon travail technique, ce n’est pas ce que j’offre au public, explique-t-il. C’est plutôt ce qui m’inspire, mon imaginaire ».
Flamme noire, crinière libre et grand sourire. Il a monté ses groupes, « Les Trilles du diable » et le récent « Double sens » dont le concert en 2022, à l’Opéra Comédie, a été fabuleux. Tout autant que l’échange aussi exigeant que décoiffant avec les musiciens de l’Ensemble « The I – Culture Orchestra », qui réunissait des jeunes artistes d’Europe de l’Est au Festival de Radio France en 2018. Des ambiances terribles, un dialogue subtil avec les vents : autant de grands moments, qui mettaient en valeur ces débutants solistes menés par le maestro ukrainien Kirill Karabits. Il ouvrait un horizon de modernité sur le répertoire classique souvent vécu seulement comme un exploit.
Khatchatourian depuis toujours
Dans le « Concerto en ré mineur » de Khatchatourian, c’est Nemanja Radulović qui voyage. Il joue cette œuvre depuis l’âge de 17 ans, et elle fait partie de lui-même. En 2019, à Montpellier, il se fait poète. Il ouvre l’espace du Corum à l’Orient, ses couleurs, sa sensualité, le violon distillant de fins affects intimes, mais aussi une passion, une ivresse. La salle a le souffle coupé durant la grande cadence, porte ouverte sur le rêve. Le violoniste est très en phase avec les musiciens, tous les pupitres contribuent à cette magie, contrebasses et cuivres, harpe et basson, sans oublier les merveilleux échanges avec le clarinettiste Andréa Fallico – sonorités intenses et regards croisés… Tout cela mêle humour et audace, jusqu’au vertige. Après ces mille et une étoiles, retour à… Bach ! La « Chaconne », en bis, renoue avec l’émotion de l’Andante, et voyage vers un autre ciel sublime, un autre absolu.
Quelle émotion ! On a hâte de revivre des moments aussi exceptionnels. Autre souvenir : en 2022, le concert donné avec l’ensemble « Double Sens » n’avait pas été moins prodigieux. Le nom de ce groupe illustre la double nationalité franco-serbe, que revendique le violoniste. Sa virtuosité sidère, mais il revisite le classique : « On est tous différents, il faut l’affirmer ». Il expliquait en 2022 : « J’ai voulu plus de liberté, notamment dans Vivaldi, dans des arrangements, des rencontres. Un genre en inspire un autre, c’est plus frais, on va plus loin dans l’expression ».
Nemanja voyage aussi de l’Est à l’Ouest. « Je me sens bien partout », dit-il, heureux de rencontrer des cultures et des caractères différents, insistant sur l’importance des racines, des terres d’origines mais aussi des pays d’accueil pour se définir, « non pas avec une identité mais comme un être humain ».
Une « actu » en voyage, la suite du conte…
Tout récemment en tournée, en concert à Bucarest, Radulović était donc difficile à joindre, et il y jouait… ce fameux Concerto de Khatchatourian. Il a toujours des choses à dire, et à transmettre… S’il a un côté iconoclaste, il brise uniquement les interprétations lisses, polies et prudentes. Pour dire la passion, la vie, l’invention, et jamais au profit de son ego.
Aussi était-il impatient ces-jours-ci de rejoindre la France, car après les concerts à Montpellier il participe au lancement à Paris de la nouvelle saison de l’Académie Jaroussky, qui démocratise l’accès à la musique pour plus de 400 jeunes talents. Sa masterclass débute le 15 à la Seine Musicale, et suivent celles du contreténor et maestro Philippe Jaroussky – autre grande figure « montpelliéraine » -, de la violoncelliste Anne Gastinel, et du pianiste Cédric Tiberghien. Ce sera la découverte de la Promotion Schubert, et la remise des instruments aux jeunes apprentis. Espérons qu’ils seront bientôt invités à jouer à Montpellier avec Nemanja Radulović ! Leur voyage ne fait que commencer.
Michèle Fizaine
« Une rentrée avec Nemanja Radulović », vendredi 12 à 20 h et samedi 13 à 19 h, à l’Opéra Comédie de Montpellier. Tarifs 18 à 28 €. opera-orchestre-montpellier.fr
*Récent enregistrement en décembre (Warner Classics)