La Venise du Languedoc, appelée aussi « L’Île Singulière », est connue pour ses lieux emblématiques entre mer, étang et canaux, de la Pointe Courte au Mont Saint-Clair. Son identité, sa culture locale, ses créations populaires continuent de surprendre et de poser quelques questions « singulières » ! Une balade estivale à Sète à suivre cet été avec altermidi au fil de nos articles.

Autodidacte dans le domaine de la gravure, Antho a décidé de suivre sa passion, d’inscrire des images de Sète sur différents supports, et d’apporter du bien aux autres.


 

C’est une toute petite boutique qui s’est ouverte récemment dans la rue Pierre Sémard, non loin du Quai Rhin et Danube, mais c’est une vraie malle aux trésors, pleine de mini-objets aux motifs originaux et drôles, et d’éléments décoratifs qui attirent l’attention. On en a plein des yeux. Les porte-clés sont bien sûr de la fête en premier, mais à côté sont exposés des miroirs gravés, des portraits, des panneaux de porte, un mini jeu de dames, des verres superbes, des mugs, des dessous de verre, des couteaux.

Toute la vie de Sète et de ses symboles est représentée, les quais, le môle, Brassens bien sûr, et la faune locale : pouffre et figures tentaculaires, baleine, hippocampe, poissons, oiseaux, sirène et dragon. Il ne manque rien du monde des joutes : pavois, lances, jouteurs en pleine passe, petit combattant débutant. Un charmant hérisson est de la famille. C’est signé « Antho Gravure ».

 

Créer sur mesure, aider sans mesure

Devenir graveur a été un choix décisif. Anthony Stanzione a décidé de passer à la création, en mélangeant les choix artistiques. Il avait un BEP MSMA (Maintenance des Systèmes Mécaniques Automatisés) obtenu au Lycée Méditerranée, et rien ne le destinait à la gravure si ce n’est le hasard… et toujours « l’envie de faire mieux ». Ayant découvert une machine à graver, il se passionne « sur un coup de tête », et commence à se former, tout seul, en autodidacte. Comme un défi qu’il se lance, qu’il commente à mi-voix : « J’aime réussir les choses. Ne pas faire comme tout le monde. » Petit à petit, il inscrit ses idées dans le bois, le verre, l’ardoise, le miroir et le cuir — travail en cours —, et aussi par hasard les cailloux rencontrés sur la plage.

Il a été d’abord pizzaiolo et agent d’entretien, travaillant jour et nuit, « pour pouvoir manger ». Il s’est donné à fond. Il a travaillé dans l’humanitaire pendant 4 ans, d’abord à l’association « Don Fraternité Partage » de l’Hérault, bossant dans sa voiture. Puis pendant 2 ans, avec son chômage de pizzaiolo, il a aidé les nécessiteux, s’occupant directement des sans-abri, quelle que soit leur origine, et leur « vécu de galérien ». Il œuvre encore comme bénévole aux « Moissons du Cœur1 » de Sète, quand il a du temps libre, et sur les marchés.

Cela a tout de suite défini sa démarche créatrice et son choix du « pas cher » : « J’essaie de me surprendre moi-même, et de surprendre le public, je souhaite toucher du monde, mais aussi créer sur mesure, personnaliser les choix, donner aux personnes ce qu’elles attendent, écouter le délire des gens. »

 

Les joutes, incontournable sujet d’inspiration pour Antho, bois ou céramique. Crédit A.S.

 

La gravure ouvre des dialogues

Antho aime découvrir et il a ses coups de cœur, ses réussites : un beau cheval en bois dans un fer à cheval, des tielles dessous de verre, de nouveaux miroirs, notamment une image superbe de La Mecque. Il a su s’étonner lui-même avec sa chaussure de basket CProd, 30 x 30 pointure 45, qui représente trois heures de boulot. Il s’acharne avec passion, car si la machine découpe, il a aussi un sacré travail manuel pour retailler, vernir, soigner les finitions. Et auparavant pas mal à faire sur l’ordi’, et un boulot de graphiste important, formes, contours, télécouleur… Place à l’imagination, aux trouvailles, figurines, aux couleurs des feutres Posca, aux textiles en ce moment.

Parmi ses derniers projets un jeu de dames raffiné, des boucles d’oreille en bois, des pendentifs de pierres semi-précieuses, des plaques pour des événements ou des deuils, des stylos, des magnets et tout récemment d’étonnants miroirs, dont un « Mighty  Flamingo » (Flament rose puissant). Anthony est toujours en train de graver ses idées : « Je suis comme un illuminé, comme un enfant avec un caprice quand je me lève avec une idée en tête. Je fais des babioles pour tout le monde, mais c’est plutôt du partage. »

Il veut garder des tarifs très accessibles, des porte-clefs à 5 €, des couteaux à 15 €, des portraits à 30 €. Donc il travaille sans cesse, fait les marchés d’Agde, Balaruc, Frontignan, et actuellement les campings. Invité en juin par « Les Ailes de Jupiter » au Dancing, il sera au Demi Festival la semaine prochaine. Car il connaît bien le milieu du rap, Demi Portion, Oxmo Puccino, et Petitcopek, qui lui a inspiré ses porte-clefs « Côté Passager » et « Sète, pêche et capitaux ».

 

Antho Gravure Sète
Belle exposition des petits trésors d’Antho. Gravure. Crédit altermidi M.F.

 

Graver l’essentiel. Un idéal sétois

Pour l’artiste autodidacte, l’important ce sont les rencontres. Le coup de cœur, l’achat compulsif, se poursuit dans la personnalisation de l’objet, du cadeau : « Les gens pensent à l’argent, mais ce n’est pas ça la richesse. C’est convaincre une personne, qui va convaincre une autre personne, pour changer énormément de gens. On va devenir moins bête. » Il se réjouit qu’il y ait une bonne évolution de l’aide humanitaire dans la ville de Sète, et que les étudiants aident les sans-abri : « On se bat fort pour que cela porte ses fruits. J’ai envie de construire quelque chose de génial qui puisse apporter du bien aux autres, donc créer les petits cadeaux qui vont faire plaisir, c’est faire de l’humain ».

Michèle Fizaine

« Antho Gravure », 50 rue Pierre Sémard, Sète. 07 81 14 67 92

 

Photo 1. Anthony n’a pas fini de graver de nouvelles images de Sète, son port, ses joutes. Crédit altermidi M.F.

 

 

 

 

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Notes:

  1. Les Moissons du CŒUR créé en 2015 se veut d’être une vitrine pour tous les enfants atteints de leucémie ou d’un handicap ou victime de violence.
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J’ai enseigné pendant 44 ans, agrégée de Lettres Classiques, privilégiant la pédagogie du projet et l’évaluation formative. Je poursuis toujours ma démarche dans des ateliers d’alphabétisation (FLE). C’est mon sujet de thèse « Victor Hugo et L’Evénement : journalisme et littérature » (1994) qui m’a conduite à écrire dans La Marseillaise dès 1985 (tous sujets), puis à Midi Libre de 1993 à 2023 (Culture). J’ai aussi publié dans des actes de colloques, participé à l’édition des œuvres complètes de Victor Hugo en 1985 pour le tome « Politique » (Bouquins, Robert Laffont), ensuite dans des revues régionales, et pour une série de France 2 en 2017. Après des études classiques de piano et de chant, j’ai fait partie d’ensembles de musique baroque et médiévale, formée aux musiques trad occitanes et catalanes, au hautbois languedocien, au répertoire de joutes, au rap sétois. Mes passions et convictions me dirigent donc vers le domaine culturel et les questions sociales.