Lobbying, recrutement, financement: les géants américains du numérique ont tissé ces dernières années une « toile d’influence » en France, dénoncée dans un rapport d’une trentaine de pages publié mardi par l’Observatoire des multinationales, une association qui milite pour l’encadrement des activités de lobbying.
« Les filiales françaises des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) ont déclaré en 2021 la somme de 4,075 millions d’euros de dépenses de lobbying en France, contre 1,35 million en 2017, soit une multiplication par 3 », affirme l’association en se fondant sur les données de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). L’association se donne comme mission d’éclairer les relations entre grands acteurs économiques et pouvoir politique.
Google est la plus dépensière, avec plus d’1,6 million d’euros, devant Microsoft (1,1 million) et Amazon (850.000 euros).
Les cinq entreprises « ont également déclaré un total de 72 activités de lobbying (rendez-vous avec des décideurs publics, échanges téléphoniques…) en 2021, contre 15 en 2017 », un ordre de grandeur qui les situe « au même niveau que les plus actifs des groupes du CAC40 en matière de lobbying en France ».
Recruter des hauts fonctionnaires
Autre pratique signalée par l’Observatoire: les « portes tournantes », qui consistent pour les géants du numérique « à recruter du personnel passé par le secteur public ».
Parmi une foule de noms, l’association cite par exemple Yohann Bénard, directeur des affaires publiques Europe d’Amazon France passé par Bercy et Matignon, ou Sébastien Gros, directeur des affaires gouvernementales d’Apple et « proche collaborateur » de l’ancien Premier ministre Manuel Valls.
« Le cas le plus emblématique est cependant celui de Benoît Loutrel, directeur des relations institutionnelles et des politiques publiques chez Google France de 2018 à 2020, qui est l’ancien directeur général de l’autorité de régulation Arcep », regrette l’Observatoire.
L’influence des géants du numérique passe aussi par leurs liens financiers avec les médias ou les think tanks, pointe l’association, qui prend notamment l’exemple de l’Institut Montaigne, soutenu financièrement par Google, Amazon et Microsoft, ou des contrats conclus par Google avec la presse française (l’AFP a aussi un accord avec Google, NDLR).
« Dans ses prises de décision relatives au secteur numérique, l’État ne dispose souvent que d’une expertise limitée » et serait donc obligé de s’en remettre aux « industriels » du numérique, ce que l’Observatoire qualifie de « lobbyisme passif ».
En conclusion, l’association appelle les pouvoirs publics à « muscler leur expertise numérique, soutenir véritablement les alternatives aux Gafam et favoriser la montée en puissance de la société civile sur ces sujets ».
avec AFP