La FSU 13, syndicat majoritaire dans l’enseignement, fait un tour d’horizon sur la rentrée, une nouvelle fois soumise au régime Covid, et sur la politique du ministre Jean-Michel Blanquer. La visite d’Emmanuel Macron à Marseille n’a pas convaincu quant à l’engagement de l’État sur un plan de rénovation des écoles de la ville, souvent délabrées.


 

L’autosatisfaction du ministre de l’Éducation nationale : très peu pour elles et eux. Dans une conférence de presse organisée le 31 août, les représentant.es des différentes composantes de la FSU des Bouches-du-Rhône (syndicats du primaire, du secondaire et de l’enseignement professionnel) n’ont pas caché leur irritation face à certains propos de Jean-Michel Blanquer, en livrant une tout autre version des faits. Et ce à la veille d’une visite très médiatisée du président de la République, jugée décevante.

 

Covid et inquiétudes

 

Aux insuffisances presque classiques, dénoncées depuis des années par le syndicat majoritaire de l’Éducation nationale et d’autres, s’ajoutent, cette année encore, les contraintes liées au Covid-19. « Nous avons un sentiment de déjà vu, l’an dernier on pouvait comprendre une part d’improvisation, mais cette année on constate que peu de recommandations issues de notre expérience, notamment sur les décrochages des élèves, ont été retenues », déplore Nicolas Voisin du syndicat de l’enseignement professionnel. Un secteur où les problèmes liés à la pandémie ont été vécus avec une acuité particulière, l’enseignement professionnel qui concerne 31 000 lycéens et lycéennes dans l’académie d’Aix-Marseille réclamant encore plus de présentiel. Dans le cadre de leur formation (bac pro en trois ans), les élèves ont aussi des stages obligatoires à effectuer. « Nous avions demandé de réduire le nombre de semaines de stages car les élèves ont été en grande détresse pour trouver des stages, et cette année il y a le pass sanitaire en plus, on ne sait pas comment sera gérée cette exigence dans certaines entreprises », explique l’enseignant.

La FSU 13 est favorable à « une véritable campagne de vaccination, mais avec des dispositions pour entraîner l’adhésion de la population par l’explication et non pas par la contrainte et la répression », précise Caroline Chevé, responsable départementale. Une campagne qui ne reposerait pas sur les infirmières scolaires et les assistant.es d’éducation « pris par d’autres tâches ».

Selon la FSU, cette nouvelle année scolaire sous Covid s’annonce également délicate dans le primaire et dans l’enseignement général. Pour Marion Chopinet (Syndicat national de l’enseignement secondaire), « le protocole sanitaire présente peu de changements par rapport à l’année dernière, mais la question de l’éviction des élèves non vaccinés nous cause énormément de soucis, c’est une mesure discriminatoire qui d’ailleurs a été abandonnée à la Réunion ». Alors que la FSU réclame un plan d’urgence pour l’éducation, le recours à du personnel contractuel inquiète : « Des alternants étudiants en Master 2 qui n’ont pas encore leur concours vont devoir enseigner 6 heures par semaine », poursuit Marion Chopinet.

 

Pas de médaille pour Jean-Michel Blanquer

 

L’état des lieux établi par la FSU 13 est peu compatible avec ce que les syndicalistes enseignants nomment « la politique d’affichage et de posture » du ministre qui « cet été, s’est attribué les médailles des sports collectifs aux Jeux olympiques ». On aura noté qu’il n’a pas revendiqué les piètres résultats de l’athlétisme français… mais ceci est une autre histoire.

Le fait de se présenter aussi comme « le ministre de l’école restée ouverte » passe mal auprès des enseignant.es. « Depuis le début de la crise, notre organisation a exigé les moyens d’accueillir les élèves décemment, s’insurge Caroline Chevé, ce ne sont pas les enseignants qui ont refusé : pour l’accueil des enfants de soignants dans le département, il y a eu plus de volontaires que de besoins ».

« Pour l’enseignement à distance, Jean-Michel Blanquer a dit “on est prêts” ; ce n’est pas vrai, ajoute Marion Chopinet, les familles vont être leurrées comme sur la réforme du lycée où l’on a mis en avant le choix alors que cette réforme laisse de côté les plus fragiles ». Fleuron de cette réforme aux yeux du pouvoir, le bac nouvelle mouture “inauguré” en juin, avec la disparition des filières (littéraire, économique et sociale, scientifique) est vivement critiqué par l’organisation syndicale : « On dénonce le contrôle continu comme quelque chose d’extrêmement inégalitaire, en même temps on impose aux enseignants de mettre en place un système d’évaluation commun, ce qui est contraire à notre liberté pédagogique », souligne Marion Chopinet pour laquelle cette nouvelle formule du bac se traduit par « une pression hallucinante sur les élèves, la pression de l’évaluation permanente ».

 

Quelle rénovation pour les écoles de Marseille ?

 

La FSU 13 était par ailleurs dans l’attente des annonces gouvernementales sur le plan de rénovation des écoles primaires à Marseille où Emmanuel Macron vient d’effectuer une visite de trois jours. « Le SNUipp (syndicat des enseignant.es du premier degré) mène cette bataille depuis des années, il faut faire prendre conscience de l’ampleur de la tâche après plusieurs décennies d’abandon, rappelle Virginie Akliouat, certains élèves sont obligés de prendre le bus et de traverser plusieurs quartiers. Dans le 3e arrondissement [le plus pauvre de Marseille, Ndlr], à la Capelette, nous sommes en tension d’effectifs. Les écoles sont vieillissantes, avec des plafonds qui tombent, des infiltrations, parfois il ne fait que 8 degrés l’hiver dans certaines classes ».

La nouvelle municipalité élue en juin 2020 a proclamé la rénovation des écoles comme un objectif majeur, mais la FSU était aussi dans l’attente d’un engagement fort de l’État. « Il reste à voir quel sera le montant global de l’enveloppe, combien d’écoles sont à reconstruire, à rénover, quels sont les critères retenus. Il y a 470 écoles à Marseille, on attend le travail en commun avec la municipalité, les moyens et d’avoir le plan sous les yeux », relevait la représentante du SNUipp le 31 août.

L’attente a été déçue si l’on en croit la réaction de la FSU 13 après la visite d’Emmanuel Macron : « Alors que les enseignants et les familles attendaient avec espoir des moyens substantiels pour la rénovation des écoles délabrées de Marseille, le président de la République répond en faisant des élèves marseillais des cobayes pour le laboratoire de la déréglementation de l’Éducation nationale. » Emmanuel Macron s’est refusé à annoncer « un plan de financement de la rénovation au motif que ce n’est pas la compétence de l’État, tout en laissant miroiter des moyens de façon confuse, à rebours de l’exigence des personnels et des parents de moyens chiffrés et d’une programmation concertée. Pire, il laisse entendre que la situation est de la responsabilité des personnels municipaux ! » La FSU précise qu’elle « connaît les difficultés liées à la gestion des personnels de la ville et au clientélisme, mais ne voit pas le rapport en l’occurrence avec l’état du bâti des écoles, leur insalubrité et leur délabrement ».

Alors que la municipalité a chiffré à 1,2 milliard d’euros la somme nécessaire à ce plan de rénovation, la FSU considère que « l’État doit donner les moyens de financer la rénovation des 174 écoles délabrées et aider à la construction de la dizaine d’écoles manquantes dans le centre-ville ».

Dans la logique de stigmatisation à laquelle il n’échappe décidément pas, Emmanuel Macron a également pointé la responsabilité des « enseignants qui seraient absents des écoles difficiles », relève la fédération syndicale pour laquelle « ces propos sont insultants car ce sont les mêmes enseignants qui pendant les périodes de confinement organisent des collectes alimentaires pour les élèves dans le besoin et se démènent au quotidien pour faire réussir leurs élèves dans des conditions scandaleusement dégradées, non loin des trafiquants de drogue et de la violence ! ».

Quant aux écoles “laboratoires” dans lesquelles les enseignants seraient recrutés par les directeurs (le rêve de Jean-Michel Blanquer), la FSU considère que « dans une ville gangrénée par le clientélisme, créer du recrutement local est quand même une drôle de solution ».

À la veille de la rentrée des professeurs, Caroline Chevé jugeait qu’il était temps que le président, « qui a toujours défendu le ministre, enlève les œillères et écoute les professionnels de terrain ». Manifestement, ce n’est pas pour cette fois.

Jean-François Arnichand

 

JF-Arnichand Aka Morgan
"Journaliste durant 25 ans dans la Presse Quotidienne Régionale et sociologue de formation. Se pose tous les matins la question "Où va-t-on ?". S'intéresse particulièrement aux questions sociales, culturelles, au travail et à l'éducation. A part ça, amateur de musiques, de cinéma, de football (personne n'est parfait)...et toujours émerveillé par la lumière méditerranéenne"