La 24e édition du Festival de poésie méditerranéenne débute vendredi à Sète. 600 rendez-vous poétiques et musicaux pour tous publics vont s’enchaîner du 23 au 31 juillet. La manifestation gratuite irrigue l’île singulière durant 9 jours, une escale s’impose !
Voix Vives de Méditerranée en Méditerranée propose des lectures poétiques disséminées dans la cité maritime. Des poètes venus de l’ensemble du bassin méditerranéen viendront lire leurs textes, les faire lire par des comédiens, dans leur langue d’origine, traduits en direct quand ce n’est pas le français.
Entretien avec la directrice du festival Maïthé Vallès-Bled
Inviter les poètes des rives de la méditerranée dans le contexte actuel… comment faites-vous pour maintenir le Festival ?
Les conditions demeurent difficiles, comme l’année dernière beaucoup de pays maintiennent leur frontières fermées. Nous suivons l’évolution de la situation par rapport au Covid. Il a fallu évidemment attendre les autorisations de la préfecture, et de fait il est difficile de communiquer. Ce qui importait, c’était de réunir des poètes représentatifs de l’ensemble des rives méditerranéennes. Nous avons aussi contacté des poètes Algérien, Égyptien, Espagnol, Palestinien… en exil qui continuent pour beaucoup d’écrire dans leur langue.
Plus de 70 poètes entourés de conteurs, musiciens, comédiens… sont attendus à Sète durant ces 9 jours, comment s’opère la sélection ?
Le Festival n’est pas thématique. Le choix des poètes se fait sur la qualité à partir des publications. Un poète n’est jamais invité deux années de suite. Nous avons un comité international où chacun, selon sa spécialité, son pays, sa langue, découvre de nouveaux auteurs qui n’ont jamais été traduits en français. Les animateurs du festival qui sont poètes font des suggestions. Nous nous appuyons aussi sur les propositions des éditeurs.
Les éditeurs présents sur la Place du Livre sont parties prenantes du Festival…
Actuellement, le milieu de la culture et le celui de la poésie en particulier doit faire face à beaucoup de difficultés. Les éditeurs nous disent que Voix Vives est un rendez-vous qui compte ; Le Festival soutien de longue date la poésie contemporaine, l’année dernière nous étions les seuls à maintenir un marché du livre. Chaque année le festival donne lieu à un important travail de traduction et de publication avec l’édition d’une anthologie multilingue à partir des poèmes des invités. Plusieurs ouvrages en collaboration avec les éditeurs présents voient également le jour ici. À Sète, la relation avec le public est établie. Durant le Festival, les gens viennent en quelque sorte faire leur provision de poésie.
Quand ils existent en librairie, les rayons poésie sont souvent pauvres. Ce qui paraît étonnant lorsqu’on observe l’activité qui règne sur la Place du Livre1.
Dans le domaine de la poésie, les initiatives de qualité sont nombreuses mais elles manquent de visibilité. Les éditeurs réalisent un travail colossale, ce sont souvent les francs-tireurs qui ouvrent nos horizons. C’est un pan important de l’activité éditoriale qui offre au public l’occasion de découvertes plurielles dans beaucoup de domaines. Au fil du temps, la diversité, la gratuité, l’accessibilité à de grands poètes a eu un impact sur le public. À Voix Vives c’est un réflexe répandu d’acheter le livre du poète que l’on vient d’écouter.
Comment s’emparer d’un imaginaire poétique et littéraire attaché à une géographie, à des territoires, d’en découvrir et d’en partager les cultures ?
Chaque poète est porteur d’une culture, d’une identité propre. La démarche du Festival est de construire des passerelles entre chacune d’entre-elles. Nous avons aussi tissé des liens avec les poètes d’Occitanie, les poètes français, comme nous avons suivi les itinéraires improbables de la culture méditerranéenne dans le monde qui nous conduisent outre-Atlantique en Amérique du Sud et en Amérique Centrale, en Afrique de l’Ouest, et dans le monde francophone. À partir de mises en relations, une feuille de route se constitue qui favorise les passages de ce que nous partageons en commun.
Êtes-vous préparés face aux incertitudes liées à la crise sanitaire ?
Le Festival s’adapte pour pouvoir se tenir dans les meilleures conditions. Nous avons été attentifs à l’environnement où se tiennent les rencontres pour installer la poésie aussi bien dans les espaces publics que dans des lieux privés et institutionnels, comme le jardin du Musée Paul-Valéry, ou la cour du lycée, sans appauvrir l’expérience émotionnelle. Nous avons mesuré auprès du public, l’an dernier, le sens aigu de ces rencontres exceptionnelles. S’illustrant comme une nourriture, la poésie se partage avec toutes ces solitudes qu’a accrues la période de confinement.
Les concerts du soir seront-ils maintenus ?
Oui, avec une dimension préventive pour répondre à tout ce qui nous serait imposé. Les concerts participent de notre volonté de faire entendre la poésie de manière plurielle en associant des plasticiens, des comédiens, des musiciens… Il y aura des concerts chaque soir, à commencer par la soirée d’ouverture qui réunit tous les poètes invités et permet au public de faire un repérage.
La poésie a-t-elle un but ?
Le principe du Festival est que la poésie méditerranéenne nous conduit sur un chemin de paix plus que nécessaire aujourd’hui. La poésie appelle des questionnements communs à tous, à l’échelle personnelle ou sociétale. Certains la considèrent comme négligeable, alors que le choix, la concision des mots incarnent de manière synthétique les situations les plus fortes de nos vies quotidiennes.
Propos recueillis par Jean-Marie Dinh
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