Samedi 17 avril, un nouveau rassemblement aura lieu contre l’implantation de la Zac logistique des Aiguilles à Ensuès-la-Redonne (13), à l’appel de Stop Zac Ensuès, soutenue par Greenpeace, France Nature Environnement 13, Extinction Rébellion, Ecorelais Côte bleue et Alternatiba. Encore une fois, les associations de défense de l’environnement se mobilisent contre un projet qu’elles jugent comme « un scandale environnemental » et « liberticide pour le climat ».
C’est un projet « dans les tiroirs » depuis 25 ans, qui vient de ressurgir, au grand dam des associations de défense de l’environnement : le groupe Barjane a décidé d’implanter une nouvelle zone logistique à Ensuès-la-Redonne. À une vingtaine de kilomètres de Marseille, la petite commune de la Côte bleue, plus connue pour ses superbes calanques (qui ont d’ailleurs servi de décor au film « La Villa » de Robert Guédiguian) et sa tranquillité, est en train de vivre un changement radical.
Sur une superficie de 60 hectares (soit 87 terrains de foot, précise le communiqué de presse), la plateforme logistique devrait recevoir 170 000 m2 d’entrepôts, en site classé ICPE1, entraînant, entre autres, selon l’association, destruction de zones humides, expulsion de certains habitants et des maisons rasées, artificialisation des sols avec des risques élevés d’inondation. L’enquête publique annonce une circulation de 1 500 à 2 000 camions par jour, augmentant la pollution atmosphérique, dangereuse pour les populations mais nuisible également aux terres agricoles alentour, certaines classées en Bio.
Sur son site, le groupe Barjane se présente comme « investisseur & asset manager, aménageur, développeur, gestionnaire immobilier » et même « producteur d’énergie photovoltaïque ». Il met en avant des préoccupations environnementales : « parc intégré dans leur environnement », « bâtiment engagé dans une démarche HQE2 », « bâtiments qualitatifs au design harmonieux ». Il explique qu’il a créé en 2017 une fondation d’entreprise pour « porter, rassembler et développer des actions d’intérêt général » et annonce que tout récemment il a rejoint le Coq vert, « communauté d’entrepreneurs convaincus de la nécessité d’agir en faveur du climat ». Mais ce « greenwashing » ne convainc par vraiment les opposants au projet qui découvrent, au fur et à mesure, les dessous d’un appel d’offre remporté par l’entreprise en 2010.
La future implantation se ferait à l’emplacement d’un ancien incinérateur. Or, depuis plus de 20 ans, le site est devenu une véritable décharge à ciel ouvert, où s’entassent inlassablement des tonnes de déchets, par camions entiers. Bateaux, frigos et équipements électroménagers, gravats et ordures de toutes sortes, piles de pneus, avec leur corollaire, mercure, PCB3… Mais on relève aussi des déchets amiantés. « Le lieu n’est absolument pas protégé : pas de clôture, pas de barrières pour interdire l’entrée, pas même un arrêté municipal pour empêcher les déversements, alors que ça avait été demandé par les riverains. Résultat : depuis des années, c’est open-bar. C’est déjà une catastrophe écologique », se désole un adhérent de Stop Zac Ensuès. Outre le fait que cela a permis de vendre les terrains nettement moins cher, les associations craignent qu’en réalité cette plateforme logistique ne serve qu’à bétonner pour ensevelir les déchets, qui pollueront dangereusement et durablement les sols. « On nous dit que Barjane devrait débourser 10 millions d’euros pour nettoyer le site, mais en réalité on n’en sait rien. On n’aura aucune possibilité de vérifier. Leur seule obligation, c’est de rendre compatible le site avec une activité logistique ».
« Un projet XXL »
Mais les défenseurs de l’environnement ne sont pas les seuls à s’inquiéter. Les communes de Gignac-la-Nerthe et Châteauneuf-lès-Martigues ont tenté un recours en justice, qui n’a pas abouti. Car si le projet est bien situé à Ensuès, il l’est dans un « fond de commune », en bordure de l’autoroute A55, et impacte en réalité les deux villes riveraines. Le fait que le site soit classé EPCI alarme grandement. « Les entreprises pourront stocker toutes sortes de produits, y compris toxiques, sans qu’on puisse l’empêcher. Si un feu se déclenche, ça pourrait être dramatique », poursuit le militant associatif. Or, dans cette zone, il y a plusieurs exploitations agricoles, des habitations toutes proches et des établissements scolaires à moins de deux kilomètres, à Gignac comme à Châteauneuf. « Normalement, ils n’ont pas le droit de construire ces entrepôts, mais le groupe a obtenu des dérogations. » De son côté, Anticor a annoncé qu’elle sera vigilante sur la question de la dépollution du site, en vérifiant qu’elle n’est pas financée par des aides publiques, notamment par la Métropole ou la Région.
Ce qui pose aussi question, ce sont les circonstances de l’implantation. La décision de la Métropole Marseille-Provence de relancer ce projet est intervenue en pleine pandémie, avec une enquête publique qui n’a pas pu se tenir correctement du fait des restrictions sanitaires, sans concertation avec les associations et les habitants. Autour de Stop Zac, les soutiens grandissent. « Nous sommes devant le projet gigantesque d’un site logistique industriel classé ICPE sur la Côte bleue : le deuxième plus grand site de stockage logistique XXL des Bouches-du-Rhône », martèle l’association qui sera rejointe samedi par Greenpeace, France Nature Environnement, Extinction Rébellion, des associations locales comme Alternatiba Martigues Ouest Étang de Berre ou la LDH, qui s’indignent des intimidations et des pressions subies par les membres de Stop ZAC.
Samedi, le rassemblement « pacifique », précise le communiqué, aura pour objectif de se faire entendre par les élus locaux mais surtout par la Métropole Aix-Marseille Provence, porteuse du projet. « C’est probablement le projet le plus surréaliste de la décennie sur notre territoire. On va dénoncer médiatiquement cette Zac, et avec cette marche, affirmer notre volonté de défendre l’environnement ».
Nathalie Pioch
Le rendez-vous est fixé samedi 17 avril à 15h, Chemin du Stade – Boulodrome. Site FB : Stop Zac Ensuès
Notes:
- Les Installations Classées pour la Protection de l’Environnement (ICPE) sont des installations qui peuvent présenter des dangers pour les personnes, l’environnement et les biens. Elles sont confrontées au risque incendie avec des dégâts plus ou moins graves en fonction des activités du site. Ce risque étant destructeur, il convient de prendre des mesures de prévention efficaces selon l’établissement et l’activité qui y est menée tout en restant conforme à la réglementation. Source : Ministère du Travail
- HQE : Haute Qualité Environnementale
- Les polychlorobiphényles (PCB) sont toxiques, écotoxiques et reprotoxiques (y compris à faible dose en tant que perturbateurs endocriniens). Ce sont des polluants ubiquitaires et persistants (demi-vie de 94 jours à 2 700 ans selon les molécules). Ils sont classés comme « cancérogènes probables » (groupe 2A du CIRC) pour les cancers hépatobiliaires, et le PCB 126 a été classé cancérogène certain.