Jacques Bompard, président de la Ligue du Sud et maire d’Orange a été condamné à 5 ans d’inéligibilité le 25 mars, en appel, pour prise illégale d’intérêt. Il a annoncé se pourvoir en cassation et reste donc maire en attendant. Regard sur une affaire qui date de 15 ans.


 

Jacques Bompard est connu pour être le maire d’Orange, ville conquise par le FN en 1997. On sait aussi qu’en 2005, suite à un différend avec Jean-Marie Le Pen, il a quitté le navire frontiste, pour rejoindre dans un premier temps Debout la France de De Villiers, et finalement fonder la Ligue du Sud en 2010, alliance diverse incluant les identitaires, les royalistes et toute une frange de la droite que d’aucuns pensent disparue.

 

À droite, toute

Il faut dire que le gars Bompard, c’est une carrière toute à droite. Gaulliste jusque dans les années 60, c’est à cause de la guerre d’Algérie qu’il va passer à l’opposition de droite, fondant même une cellule de l’OAS à la faculté de Montpellier où il est étudiant. Membre d’Occident1, puis des comités Tixier-Vignancourt2, et enfin d’Ordre Nouveau3, c’est naturellement qu’il se retrouve parmi les fondateurs du Front national en 1972, organisation qu’il quittera donc, en 2005, préférant son propre autoritarisme au népotisme du patron du FN.

 

Maire depuis 1995

Maire d’Orange depuis 1995, il a depuis toujours été réélu dès le premier tour, sauf lors des municipales de 2020 où il a été mis en ballotage par son ancien chef de cabinet passé au RN, Xavier Magnin. Souvent cité en exemple à droite de la droite pour sa gestion « en bon père de famille », Bompard a beau jeu de faire des économies sur la rénovation des quartiers populaires, sur les subventions aux associations solidaires (il exige de détenir la liste des bénéficiaires des restos du cœur sur sa ville, ce que l’association refusera) et s’est récemment illustré en s’opposant à la prolongation d’un programme d’amélioration de l’habitat, de lutte contre l’habitat indigne et la précarité énergétique. Il a justifié cette décision par le risque de créer « un cercle vicieux » en menant une politique sociale susceptible d’attirer des « pauvres » dans la ville.

 

Prise illégale d’intérêt

Mais le chevalier blanc a un côté sombre aussi, et dès 2005 il est mis en cause pour prise illégale d’intérêt suite à la vente par la ville d’un bien immobilier à sa fille et à son gendre. Il était également mis en cause pour avoir acheté avec son épouse deux terrains à bâtir dans un lotissement d’Orange via une société civile immobilière (SCI). Or, ce lotissement bénéficiait d’une servitude technique (passage de réseaux d’assainissement, d’eau et d’électricité) accordée par la mairie lors d’un vote auquel le maire avait pris part.

En octobre 2013, le tribunal de grande instance d’Avignon renvoie Jacques Bompard en correctionnelle pour des soupçons de « deux prises illégales d’intérêts commises au cours des années 2004 et 2005 ». La ville d’Orange est soupçonnée d’avoir vendu des biens immobiliers à des membres de la famille de Jacques Bompard, réalisant ainsi d’importantes plus-values.

Il sera condamné le 16 mai 2019, par le tribunal correctionnel de Carpentras à six mois d’emprisonnement avec sursis et 50 000 euros d’amende, dont 25 000 avec sursis ; il n’interjette pas appel, contrairement au procureur de la République, qui souhaite sa condamnation à une peine d’inéligibilité.

 

Condamné à l’inéligibilité

Ce sera chose faite le 25 mars 2021, en appel ; il est condamné à un an de prison avec sursis, à 30 000 euros d’amende et à cinq ans d’inéligibilité pour prise illégale d’intérêts.

Mais le vieux renard de la politique ne veut pas en rester là et a fait savoir récemment lors d’une conférence de presse son intention de se pourvoir en cassation, prétendant notamment que s’il n’avait pas été jacques Bompard, il n’aurait pas été poursuivi.

Fabienne Haloui et Patrick Savignan, conseillers municipaux d’opposition à Orange, ont fait connaître leur satisfaction d’une condamnation à l’inéligibilité, indiquant voir dans son pourvoi en cassation « une façon de s’accrocher à son fauteuil de maire alors que la décence aurait voulu qu’il démissionne, d’autant que ce sont les Orangeois qui vont payer cher la cassation. Le contribuable appréciera. » Les deux opposants espèrent que «  la décision de la Cour de Cassation ne tarde pas, afin que soit définitivement confirmée cette condamnation qui mettra un coup d’arrêt à la carrière politique de Jacques Bompard ».

 

Christophe Coffinier


 

Notes:

  1. Occident, fondé en 1964, était un mouvement politique français d’étudiants d’extrême droite. Dissous le 31 octobre 1968, il fut remplacé par Ordre nouveau.
  2. L’Alliance républicaine pour les libertés et le progrès (ARLP) est un mouvement politique fondé par Jean-Louis Tixier-Vignancour en 1963 sous le nom de Comité pour l’élection du candidat de l’opposition nationale (CECON), puis devenu en 1964 les Comités Tixier-Vignancour. Ces derniers sont renommés en « Alliance républicaine pour les libertés et le progrès » en 1966.
  3. Ordre nouveau (forme courte du Centre de recherche et de documentation pour l’avènement d’un ordre nouveau dans les domaines social, économique et culturel) était un mouvement politique français, nationaliste et d’extrême droite, actif entre 1969 et 1973 ; habituellement classé dans le courant néofasciste, le mouvement a participé à la création en 1972 du Front national, qui devait à l’origine en constituer la vitrine électorale.
Avatar photo
Passionné depuis l’âge de 7 ans, de photo, prise de vue et tirage, c’est à la fin d’études de technicien agricole que j’entre en contact avec la presse, en devenant tireur noir et blanc à l’agence avignonnaise de la marseillaise. Lors d’un service national civil pour les foyers ruraux, au sein de l’association socio-culturelle des élèves, c’est avec deux d’entre eux que nous fondons un journal du lycée qui durera 3 ans et presque 20 numéros. Aprés 20 ans à la Marseillaise comme journaliste local, et toujours passionné de photo, notamment de procédés anciens, j’ai rejoint après notre licenciement, le groupe fondateur de l’association et suis un des rédacteurs d’Altermidi, toujours vu d’Avignon et alentours.