Le Parlement a adopté définitivement, par un ultime vote du Sénat le 16 février, la réforme attendue mais critiquée de la justice pénale des mineurs qui met en place une procédure de jugement en deux temps, entrecoupée d’une période de « mise à l’épreuve éducative ».
Le texte avait été voté par les députés. Comme à l’Assemblée nationale, il a été approuvé par la chambre haute, dominée par l’opposition de droite, sans les voix de la gauche.
Selon un rapport du député Jean Terlier (LREM), « la délinquance traitée par les parquets a concerné 233 000 mineurs en 2018, soit 3,5 % de la population âgée de 10 à 17 ans ». La moitié des mineurs délinquants avaient 16 ou 17 ans.
Députés et sénateurs sont tombés d’accord, en commission mixte paritaire, pour reporter l’entrée en vigueur de la réforme du 31 mars au 30 septembre, comme le souhaitait le Sénat, afin de laisser le temps aux différents acteurs de s’organiser.
C’est « une réforme attendue par l’ensemble des acteurs de la justice des mineurs (…) mais c’est aussi une transformation de leur pratique professionnelle qui est source de nombreuses craintes », a souligné la rapporteure pour le Sénat Agnès Canayer (LR).
« Soyez assurés que ce délai supplémentaire sera bien mis à profit pour préparer les acteurs de la justice des mineurs et faire en sorte qu’ils s’approprient ce texte », a affirmé le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, vantant un code qui « renforce la primauté de l’éducatif » et « une justice des mineurs claire et efficace ».
Le projet de loi consiste en la ratification d’une ordonnance de septembre 2019 que le gouvernement avait été habilité à appliquer par la loi de Programmation et de réforme pour la justice.
Les oppositions ont critiqué une méthode « peu respectueuse » du Parlement et déploré une « insuffisante concertation » avec les acteurs de la justice pénale des mineurs.
Le code de la justice pénale des mineurs qu’elle organise a vocation à remplacer l’ordonnance fondatrice de 1945 consacrée à la délinquance juvénile, un texte devenu « illisible » et qu’« il fallait moderniser », selon le ministre.
Il vise principalement à accélérer les jugements, via une procédure en deux temps, avec une période de « mise à l’épreuve éducative » entre le prononcé de la culpabilité et celui de la sanction.
« Carence budgétaire »
La première audience devra se tenir dans un délai de trois mois maximum à l’issue de l’enquête contre 18 mois actuellement en moyenne selon la Chancellerie, et la seconde, pour le prononcé de la sanction, dans un délai compris entre six et neuf mois après le premier jugement.
La césure sera mise à profit pour soumettre le mineur à une période de « mise à l’épreuve éducative ».
Une « audience unique » restera possible pour des faits graves et pour des mineurs qui ont déjà fait l’objet d’une procédure antérieure.
L’un des objectifs de la réforme est de réduire le recours à la détention provisoire qui concerne aujourd’hui 80 % des mineurs emprisonnés.
Mais pour la gauche, la réforme fait la part trop belle au « répressif », au détriment de « l’éducatif ». Dans un baroud d’honneur, les députés LFI ont défendu une ultime motion de rejet contre une réforme consacrant selon eux « une vision technocratique de la justice fondée sur la gestion des flux ».
Les syndicats de magistrats dénoncent aussi « une carence budgétaire criante » à laquelle « s’ajoutent des politiques sociales et judiciaires toujours plus répressives empêchant une prise en charge spécifique nécessaire des mineurs ».
« Oui on va plus vite (…) mais pas toujours dans l’intérêt de l’enfant mais plutôt dans celui d’une justice limitée dans ses moyens », a déclaré la sénatrice Cécile Cukierman (CRCE à majorité communiste).
Le code de la justice pénale des mineurs prévoit aussi une présomption d’irresponsabilité pénale avant 13 ans.
Concernant la notion de « discernement », les parlementaires ont retenu la définition proposée par le gouvernement selon laquelle le discernement suppose que le mineur « a compris et voulu son acte » et « est apte à comprendre le sens de la procédure pénale ».
AFP