Le tourisme est en tête de liste des activités touchées par la crise sanitaire du COVID-19. Le ralentissement du marché du tourisme a un impact direct sur l’activité économique et l’emploi étant donné le niveau élevé d’intensité du travail qui caractérise le secteur. Le problème est aigu en Grèce où l’industrie du tourisme contribue indirectement et directement à 25% du PIB, avec une part similaire dans l’emploi, et la particularité supplémentaire que le tourisme entrant représente 80% de l’activité totale.


 

Ces dernières années, la Grèce a vu une croissance touristique phénoménale. Plus précisément, en 2010, 15 millions de touristes ont visité le pays, en 2015 les arrivées ont atteint 23,6 millions et en 2019 les 31,3 millions (hors les croisières). Cela signifie qu’en seulement 9 ans il y a eu une augmentation de 109% alors qu’au niveau international l’augmentation au cours de la période correspondante était de 48%.

Aujourd’hui, en pleine crise sanitaire, la Grèce ayant réussi à contenir la pandémie et à maintenir un taux de cas très bas reste une des destinations favorables pour les touristes cette année, par rapport aux pays voisins plus touchés par le coronavirus comme l’Italie et l’Espagne. Le gouvernement grec a annoncé que la Grèce rouvrira ses frontières aux touristes le 1er juillet, tout en respectant les mesures et les protocoles sanitaires mis en place par la Commission Européenne.

Les hôteliers du pays sonnent l’alarme. Dans les 20 premiers jours après les premiers cas de coronavirus apparus dans le pays, les hôtels grecs ont enregistré des pertes dues à l’annulation de chambres et de conférences d’un montant de 522 millions d’euros.

Plus de 3000 hôtels n’ouvriront pas en 2020 afin de réduire les dommages causés par la pandémie. Ceux qui ne sont pas des hôteliers professionnels et ont une implication conjoncturelle dans le tourisme seront les premiers à quitter le marché, les grands groupes estiment qu’ils auront le réflexe de persévérer.

« Les habitants veulent que l’île soit ouverte, non seulement pour réduire les dommages économiques, mais aussi parce que le tourisme est notre vie », a déclaré le maire de Mykonos, Costas Koukas.

De son côté, Nikos Chalkiadakis, propriétaire d’hôtels en Crète, estime que même s’ils ouvrent en juillet, les revenus seront réduits de 70% par rapport à l’année dernière, tout en soulignant l’importance du tourisme pour l’île. « En Crète, 50% de l’économie est basée sur le tourisme, 125.000 personnes travaillent comme saisonniers. Nous avons besoin de l’aide du gouvernement et de l’Europe. Nous devons accepter que cette saison est perdue », a-t-il souligné.

Les experts du secteur estiment également une baisse du taux de réservations futures de 72% à 92% des hôtels à douze mois et de 58% dans 83% des hôtels saisonniers par rapport à 2019. Plus de 38.234 emplois sont directement à risque, ce qui représente 20,5% de l’emploi hôtelier total. En outre, les hôteliers ont appelé à une suspension temporaire des locations à court terme (Airbnb) pour chaque propriété pour des raisons de santé publique et à une réduction des locations à court terme pour les propriétés autorisées par le ministère de tourisme.

 

Les mesures du gouvernement grec

 

Cette semaine, le gouvernement grec présentera son plan détaillé pour la saison touristique 2020 mais selon le ministère du tourisme, quelques mesures envisagées comprennent des passeports sanitaires pour les touristes entrants, des contrats d’hôtel avec des médecins afin d’accélérer les procédures de diagnostic et un certain nombre d’autres dispositions sanitaires.

Plus spécifiquement :

– Les passagers à destination de la Grèce devront avoir été testés jusqu’à 72 heures avant l’embarquement, selon les normes des contrôles du pays de départ.

– Les touristes grecs qui voudront voyager à l’étranger, doivent avoir été testés 72 heures avant leur voyage.

 – La Grèce assure qu’il n’y aura pas de suppression de sièges de l’avion.

– Pour les vols d’une certaine durée (jusqu’à quatre heures, selon le ministre grec Haris Theocharis), il est recommandé de ne pas servir de repas aux passagers mais uniquement des snacks emballés.

– Il n’y aura pas de buffets dans les hôtels, à l’exception peut-être des petits hôtels.

– Les hôtels sont obligés de signer un contrat avec un médecin ayant suivi une formation spéciale pour les éventuels cas suspects. Les résultats du test seront disponibles dans 6 heures et s’ils sont positifs, le patient sera transféré dans des « hôtels de quarantaine ».

– Dans chaque destination touristique du pays, le ministère du tourisme louera un hébergement touristique qui fonctionnera comme un « hôtel de quarantaine » où seront transportés les touristes testés positifs au coronavirus, garantissant ainsi l’anonymat de la marque de l’hôtel. Dans le cas où le touriste souhaite ou a besoin de soins médicaux supplémentaires, il sera transféré dans des unités de soins centrales.

– Les touristes quitteront le pays sans contrôle, pour qu’il n’y ait aucun risque de piégeage et de quarantaine en Grèce.

Le ministère des Finances examine aussi la possibilité de la réduction de la TVA sur la restauration et le tourisme, la réduction ou la suspension temporaire des frais d’hébergement et la réduction temporaire du taux de TVA pour le transport par ferry. En même temps, le gouvernement grec est en train de conclure des accords avec la Bulgarie, l’Autriche, Israël, Chypre, le Danemark, la Norvège, la République tchèque et l’Australie.

 

La Grèce s’inquiète de l’impact de la pandémie sur le tourisme. Photo Acropole. DR

 

Les questions sur les mesures proposées par la Commission Européenne

 

L’Union des Organisations Européennes de Voyages ECTAA trouve insuffisantes les mesures annoncées par la Commission européenne pour l’ouverture du tourisme en Europe. Le président de la Fédération panhellénique des hôteliers, Grigoris Tassios, parle de « labyrinthe de protocoles » concernant la manière dont les hôtels sont appelés à rouvrir pendant la pandémie de coronavirus. ECTAA appelle à une modification de la législation existante afin d’introduire ces principes dans la loi et de les rendre obligatoires, garantissant ainsi un niveau élevé de protection des consommateurs vis-à-vis des vouchers.

La Commission stipule que la destination touristique doit disposer d’un hôpital capable de traiter les cas suspects de coronavirus. Est-ce que la Grèce peut recevoir des millions de touristes de plusieurs pays, y compris ceux avec des taux de cas de coronavirus très élevés ? Dans quelle mesure les zones touristiques et surtout le gouvernement local sont préparés et équipés contre la pandémie ?

 

Trois scenarios pour le tourisme grec

 

L’entreprise de consulting Deloitte Grèce a présenté trois scénarios alternatifs pour l’évolution de la saison touristique en 2020 et 2021, dans une étude intitulée « Présentation des dernières informations sur le secteur grec du tourisme et de l’hôtellerie-Scénarios sur l’impact de la pandémie de coronavirus (COVID-19) ».

Dans le premier et meilleur scénario, le système de santé et les politiques s’avèrent efficaces au troisième trimestre 2020, il n’y a pas de « deuxième vague » et les voyages internationaux recommencent grâce à des protocoles de santé mis en place. Les hôtels urbains et les stations estivales sont ouverts progressivement au cours du mois de juin ou début juillet. Le tourisme grec revient à son niveau de 2019 dans les 2-3 ans.

Dans le deuxième scénario « défavorable », la pandémie persiste alors que les tentatives de suppression des blocages dans divers pays entraînent des vagues consécutives de la maladie, même en été. En Grèce, la pandémie a été contenue mais elle est de retour à partir de septembre. L’économie et le marché des voyages internationaux commencent à rebondir fin 2020, poursuivant leur lente reprise jusqu’au second semestre 2021, alors que la confiance revient progressivement. Le tourisme grec retrouve son niveau de 2019 en 3-4 ans.

Dans le troisième scénario « grave », la pandémie se poursuit sans relâche jusqu’en 2021, date à laquelle un vaccin approprié et/ou une « immunité collective » sont trouvés. Les vagues de la maladie continuent de secouer le globe, l’économie et les marchés internationaux créant des troubles sociaux généralisés et conduisant à un isolationnisme accru. La reprise du marché des voyages économiques et internationaux commence en 2022 avec des changements structurels dans le secteur. Dans ce scénario, il faut plus de 5 ans au tourisme grec pour rebondir.

L’impact direct est quelque peu « atténué » par les mesures de soutien (subventions salariales, garanties de prêts, baisses d’impôts) mais l’ampleur des dégâts est à nouveau « beaucoup plus grave » que pendant la crise financière et la crise de la dette, a noté le Directeur Exécutif de la Commission Européenne du Tourisme (CET), Eduardo Santander, ajoutant que la crise apporterait des « changements fondamentaux » à l’industrie touristique.

Eve Tsirigotaki

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Masters en Littérature anglaise et américaine Fordham University (NY, 1996-98). Eve Tsirigotaki est journaliste de presse écrite & audiovisuelle, avec 20 ans d’expérience internationale (Athen News, Chaînes TV Ciné+, Radiotélévision Publique Grecque, ERT). Trilingue Grec, Anglais, Français et traductrice, Eve est spécialisée dans les domaines de la culture, de la science et la technologie. Passionnée par le digital, les histoires qui informent et inspirent. Elle contribue régulièrement aux sites lokko.fr et altermidi.org.