Le ministère de l’Intérieur allemand prépare un projet de loi qui autoriserait les services secrets à « hacker » les ordinateurs de rédactions et de journalistes.


 

Reporteurs sans frontières  tire la sonnette d’alarme. Selon un projet actuellement en préparation au ministère de l’Intérieur allemand, des services secrets allemands et étrangers pourraient être autorisés à « hacker » les ordinateurs de maisons d’édition, de rédactions de médias, de stations radios, de journalistes et de pigistes – ce qui constituerait une attaque gravissime sur la liberté de la presse et la protection des sources. Les plans du ministère ont été dévoilés par un rapport de « Reporteurs sans frontières ».

Le plan prévoit d’étendre le champ d’action des services secrets, en englobant la possibilité de « hacker » les serveurs, ordinateurs et smartphones de journalistes, d’y installer des bouts de logiciel qui tracent les activités du propriétaire, d’accéder à des communications cryptées, de scanner les appareils sur des données, de vérifier les historiques des navigateurs et même d’effectuer des écoutes de communications téléphoniques.

Si l’utilisation de ce genre de « logiciel espion » est déjà autorisée dans certains cas depuis 2017 en Allemagne, le texte en exclut explicitement l’utilisation lorsqu’il s’agit de journalistes et de rédactions. La réforme de ce texte prévoit que lorsque les services secrets estiment que l’intérêt d’obtenir des informations est considéré plus important que la liberté de la presse, la fouille numérique sera autorisée. Cette approche permet donc d’identifier les sources journalistiques – la fin du système des « lanceurs d’alerte » qui, si ce texte devrait être voté, ne pourront plus se sentir en sécurité en contactant un journaliste.

En cas d’une autorisation d’un juge, les prestataires de services de messageries seraient alors obligés de fournir aux autorités même les communications cryptées. Mais qui définirait alors à quel moment la curiosité des services secrets pèse plus lourd que la liberté de la presse ?

Les ONG s’insurgent et demandent au ministre de l’Intérieur d’arrêter immédiatement ce texte intitulé « Loi sur l’harmonisation du droit des services secrets » – mais est-ce qu’elles arriveront à arrêter cette attaque sur la liberté de la presse ? Le SPD et même plusieurs députés de la CDU s’opposent à ces plans – mais le moment est propice. Dans plusieurs pays, la liberté de la presse a déjà été gravement atteinte, comme en Hongrie et d’autres pays de l’Europe Centrale.

Force est de constater qu’une presse libre dérange – mettre les médias à la laisse et transformer le paysage médiatique en un grand cirque de « communication » semble être la nouvelle mode. Mais ceux qui coupent dans la liberté de la presse coupent également dans le cœur même de la démocratie. Dans une démocratie, les gouvernants doivent supporter une presse critique et arrêter les tentatives de forcer, par différentes mesures, de manipuler l’opinion publique par des médias qui déjà aujourd’hui, appartiennent aux grands groupes financiers, banques, assurances, etc. Espérons que les opposants à ce nouveau texte pourront se faire entendre, ce qui n’est pas évident à un moment où l’attention du public est totalement focalisée sur le coronavirus et le déconfinement, un moment « idéal » pour faire passer ce genre de mesure. Il convient d’être de plus en plus attentif et ce, pas seulement en Allemagne…

KL