Partenariat Altermidi. Initialement prévue le 14 janvier, la rencontre-débat avec Daniel Schneidermann autour de son dernier ouvrage « Le pouvoir de dire Stop » à la librairie Goulard d’Aix-en-Provence est reportée au 4 février à 17h30. Cette séance est organisée par le « Collectif aixois Référendum ADP », les Amis du Monde Diplomatique (AMD) et les Déconnomistes. Elle inaugure notre partenariat avec les rencontres AMD 2020 qui planifient plusieurs rendez-vous.
Plus qu’une ligne de conduite, « Le pouvoir de dire Stop », dernier ouvrage de Daniel Schneidermann entend informer et apporter des réponses à de nombreuses questions citoyennes et politiques. Pourquoi Emmanuel Macron veut-il vendre les aéroports de Paris ? Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de privatiser une entreprise qui est le numéro 1 mondial du secteur ?
Autant d’interrogations qui ont poussé le fondateur de l’émission puis du site web Arrêt sur images, à rencontrer des élus de tous bords, afin de se saisir de ce sujet qui « touche aux services publics, au réchauffement climatique et à la démocratie. D’ici mars 2020, si 10 % du corps électoral le décide, la privatisation d’Aéroports de Paris (Orly, Roissy Charles-de-Gaulle et une dizaine d’autres aéroports) sera soumise à référendum. Sinon la vente sera lancée », comme il l’évoque.
Et d’ajouter : « Encore faudrait-il que les électeurs soient au courant. Ces derniers mois, j’ai croisé des pelletées d’opposants à la privatisation d’ADP qui en avaient à peine entendu parler ».
RIP : Référendum D’initiative partagée
Pourtant très nombreuses et nombreux sont les député.e.s et sénatrices ou sénateurs, de Laurence Rossignol à Marie-Georges Buffet, François Ruffin, Alexis Corbière, Samia Ghali, Sophie Joissains, etc. à oeuvrer pour la plus large diffusion d’une proposition de concertation citoyenne, vitale dans ce domaine.
Réaffirmant le caractère de « service public », inhérent à l’aménagement, l’exploitation et le développement des aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly et Paris-Le Bourget – 9ème alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 -, les élu.e.s en appellent à un référendum d’initiative partagée (RIP) pour stopper les dérives de la privatisation telle que la souhaite le gouvernement Macron.
Conformément à l’article l’article 11 de la constitution, un lien ouvert et conseillé à tou.te.s, invite à soutenir cette initiative : www.referendum.interieur.gouv.fr/soutien/etape-1. Pour la version papier : www.formulaires.modernisation.gouv.fr/gf/cerfa_15264.do
Pour Daniel Schneidermann : « Le challenge reste encore énorme mais néanmoins crucial, le RIP a dépassé les 900 000 signatures. Pour qu’un référendum soit organisé sur la privatisation d’ADP, 4 717 396 signatures doivent être réunies d’ici mars 2020 ».
ADP, une situation florissante
Avec un chiffre d’affaire de 4,47 milliards d’euros et un bénéfice net de 610 Millions d’euros, tous deux en forte hausse depuis 5 ans, le groupe ADP, seconde valeur boursière de l’Etat après EDF a versé des dividendes estimées à 174 millions d’euros en 2018. Ces dividendes sont de plus, proportionnels au résultat net qui a doublé en cinq ans.
Numéro un mondial dans la gestion aéroportuaire avec un trafic qui a progressé de 7,6 % en 2018 soit 281,4 millions de passagers, l’entreprise assure outre les plus gros aéroports français, l’exploitation d’un réseau d’aéroports via sa filiale internationale en gestion de 24 sites dans 13 pays, totalisant en 2018, 176 millions de passagers.
A Paris, les aéroports abritent des centres commerciaux qui ont rapporté en 2018, 1 milliard d’euros.
ADP est également le premier propriétaire foncier d’Ile-de-France avec 6 686 hectares dont 411 sont disponibles et plus d’un million de mètres carrés de bâtiments, hangars, hôtels, bureaux, etc. ADP fait enfin dans la téléphonie avec sa filiale Hub One.
Une histoire de bijoux de famille, bradés
En décidant de vendre ces joyaux publics au printemps dernier, le gouvernement Macron a choisi d’accentuer une privatisation amorcée il y a plusieurs années. Celle-ci avait débuté par la transformation de l’établissement public ADP en société anonyme en 2005, avant son entrée en bourse en 2006.
Actionnaire alors à plus de 67% , l’Etat a cédé depuis plusieurs actions et ne détient plus que 50,6%du capital. Le reste se répartit en 8% au Royal Shipol Group, 8% à Vinci, 5,1% au Crédit Agricole, 21,9% à des investisseurs institutionnels, 4,3% à des individuels et 1,6% à des salariés.
En martelant la privatisation à tous prix, le gouvernement Macron tente des arguments controversés. Tout comme il l’avait fait pour la Française des jeux, il justifie ici d’alimenter un « fonds pour l’innovation de rupture », notamment dans le cadre de la loi Pacte dont l’objectif serait de « donner aux entreprises les moyens d’innover et de grandir ».
Pourtant le chiffre avancé de 10 milliards d’euros ne correspond pas, sachant que seuls les dividendes des obligations placées de l’état, peuvent éventuellement être réinvestis, ce qui représente 250 Millions d’euros.
De même, alors qu’ADP rapporte un juteux bénéfice égalant les deux-tiers de la réduction de la dette publique de 0,5 points, le gouvernement s’entête à prôner cette dernière. Un non-sens total alors qu’ADP rapporte bien plus à l’état, comme le soulève le sénateur de Haute-Garonne Alain Chatillon (Parti radical).
Bien plus grave, cette cession serait limitée à 70 ans. Nos confrères de Médiapart qui ont enquêté*, analysent à ce sujet : « Le gouvernement a estimé que les actionnaires minoritaires actuels perdaient une partie de la valeur de leur investissement, puisque ADP n’allait plus être une société dont la durée de vie était illimitée, mais bornée dans le temps, la concession étant limitée à 70 ans. Selon l’analyse juridique soutenue par le gouvernement, cela revient à une sorte d’expropriation ou de nationalisation. Il convient donc d’indemniser les actionnaires existants pour cette perte ». Une situation inédite dont le monde qui entraînerait le gouvernement à s’acquitter de la somme de « 500 millions à 1 miliard d’euros » au titre d’indemnités de vente selon Médiapart.
Les dérives de la privatisation
Opaque et très contesté, cette vente quasi-actée si le mouvement citoyen ne s’exprime, ne prend pas non plus acte des échecs cuisant des privatisations récentes, comme ceux de l’aéroport de Toulouse.
En effet, en 2015 l’état décidait de vendre 49,9% de Toulouse-Blagnac à une holding (Casil Europe), fondée par le groupe d’Etat chinois Shandong High Speed Group et un fonds d’investissement hongkongais en prévoyant de céder ensuite les 10,01 % restants.
En 2016, la loi Macron permettait parallèlement la vente de 60% du capital de l’Etat des aéroports de Nice et de Lyon.
Mais à Toulouse, un an après la vente, et alors que les collectivités territoriales, détentrices de 40% du capital, s’y opposaient fermement, l’actionnaire chinois tentait un hold-up sur une partie des réserves financières.
En novembre 2018, la cour des comptes statuait enfin, estimant, dans son rapport, que Casil Europe « manquait d’expérience en matière de gestion aéroportuaire » et agissait dans le cadre d’une « stratégie d’influence de la puissance chinoise » plutôt que dans celui d’un réel projet industriel.
En janvier 2019, la holding Casil décide de mettre en vente sa participation de 49,9 % pour 500 millions d’euros, soit une plus-value de 80 % en l’espace de quatre ans. La cour administrative d’appel de Paris a annulé la vente par l’Etat de sa participation à Casil, en raison d’irrégularité. La décision revenant au tribunal de commerce de Paris.
Malgré l’annulation en cours, le 30 décembre dernier, Casil revendait ses parts à Eiffage, réalisant une plue-value de 200 millions d’Euros.
A l’heure ou en Allemagne, Espagne ou encore en Italie, aucun aéroport n’est détenu uniquement par des acteurs privés et ou au sein de l’Union européenne, où la France, comme le Portugal, la Slovénie, la Hongrie et la Roumanie, fait figure d’exception avec plus de 40 % d’aéroports détenus par des acteurs privés, la rencontre-débat avec Daniel Schneidermann apportera un éclairage sur ce sujet.
H.B.
*Article Médiapart : www.mediapart.fr/journal/france/180219/aeroports-de-paris-la-privatisation-de-tous-les-soupcons?page_article=2
A l’initiative du « Collectif aixois Référendum ADP » dont fait partie la Ligue des Droits de l’Homme, des Amis du Monde Diplomatique (AMD Aix-en-Provence) et des Déconnomistes la rencontre-débat avec Daniel Schneidermann, aura lieu le 4 février 2020 à 17h30 à la librairie Goulard (37 cours Mirabeau à Aix-en-Provence). Cette séance aura lieu autour de son dernier ouvrage « Le pouvoir de dire Stop » aux éditions Les Arènes, 2019, réalisé par le site Les-Crises.Fr.