Walter Momper était maire de Berlin (ouest) au moment de la chute du mur. Membre du Parti social-démocrate (SPD), Momper est désigné président de la Chambre des députés. Il est reconduit en , mais décide de se retirer de la vie politique à l’issue de son mandat, en . A partir de 1989 il a également occupé le poste de « bourgmestre régnant » de Berlin-Ouest au moment de l’ouverture du mur puis pendant le processus de la réunification de la ville, ce qui fait également de lui le premier maire de la capitale allemande réunifiée, fonction qu’il occupera jusqu’en 1991. C’est lui qui a eu à gérer les immenses mouvements de foules nés de ce grand événement historique et la photo de l’« homme à l’écharpe rouge » aux côtés du chancelier Helmut Kohl et du chef du gouvernement de la RDA Hans Modrow, à la porte de Brandebourg, a fait le tour du monde. Retour sur un entretien réalisé en décembre 2010 à l’issue d’une conférence organisée par la Maison de Heidelberg.

La réunification est souvent assimilée à l’image de la chute du mur. L’événement ne prend-t-il pas le pas sur sa gestion politique ?

Certainement, cela marque l’importance de la dimension symbolique en politique, mais la chute du mur comporte aussi une dimension politique très importante. N’est ce pas une absurdité de l’histoire que d’emmurer une population?

Etiez-vous en relation avec l’opposition en RDA dans les mois qui ont précédé le 9 novembre ?

Pas personnellement, mais j’étais en relation avec des membres de mon parti qui avaient ouvert le dialogue avec les représentants porteurs des conceptions sociales démocrates en RDA. L’objet des discussions portaient sur le programme des réformes. Nos collègues de l’Est manquaient un peu d’expérience. Ils n’avaient pas de vision globale en matière d’économie.

Y avait-il à l’Ouest une vision qui fasse consensus sur la réunification au sein de la classe politique allemande ?

Le débat concernait l’évolution des réformes mais l’option de la réunification n’était pas sérieusement envisagée chez les politiques. En ce sens on peut dire que le peuple a véritablement pris le pouvoir. En RFA, l’opinion publique était partagée avec un clivage assez net entre les jeunes qui avaient du mal à chambouler leur vision des deux Allemagnes et les anciens qui avaient connu le pays avant la construction du mur. Finalement la pression du réel est venue de l’Est. Je connais la théorie qui avance que la réunification a été poussée par la volonté de grands groupes industriels. Cela ne s’est pas passé ainsi ; Kohl était très prudent. Le Chancelier a avancé à pas de velours. Et l’industrie, qui se battait pour conquérir des marchés bien plus vastes, était assez peu intéressée par celui de la RDA qui comptait 17 millions d’habitants.

Quel regard portez-vous sur la gestion politique de Kohl ?

Le chancelier avait les donnés économiques du coût de la réunification. Mais c’était un vieux renard. Il s’est gardé de dire que l’unité devait se payer. Il a annoncé qu’il n’augmenterait pas les impôts. C’est ainsi qu’il a pu gagner les élections.

Vingt ans après la réunification, il reste toujours des pierres d’achoppement à surmonter. Où voyez-vous les principaux défis ?

Il faut poursuivre les efforts pour faire de l’Etat Est une économie performante. Le taux de chômage y est toujours supérieur de 10 à 15% par rapport à l’Ouest.* Il faut investir et restructurer le tissu des PME. L’autre défi concerne la dimension mentale. Depuis la réunification, la réalité de l’Etat providence n’existe plus. C’est important de partager la même base pour faire évoluer la société démocratique.

A vos yeux, quelles sont les valeurs apportées par la population de RDA ?

Ils nous ont apporté un peu de leur histoire en montrant comment résister à une dictature absolue. Comment on peut rester honnête. Cela à travers une révolution pacifique qui est parvenue à transcender le système et qui fait désormais partie de l’histoire Allemande.

Recueilli par Jean-Marie Dinh

 

* En Allemagne de l’Est, le nombre de chômeurs et le taux de chômage ont augmenté de façon relativement constante. Entre 1991 et 2004, il est passé de 1 million à 1,6 million. Le taux de chômage, lui, a doublé de 10,2 à 20,1 %. De 2005 à 2018, le chômage a sensiblement diminué en Allemagne de l’Ouest et de l’Est. En Allemagne de l’Ouest, le nombre de chômeurs a diminué de 1,49 million. Il est passé à 1 758 627 (-45,8 %), soit un peu plus d’un million à 581 455 (-64,0 %). En Allemagne de l’Ouest, le taux de chômage a atteint 4,8 % en 2018, son plus bas niveau depuis 1981. A l’Est, le taux de chômage a chuté pendant 13 années consécutives. En 2018, il était de 6,9 %, soit le plus bas depuis la réunification.

Sources :Agence fédérale pour l’emploi (BA)

 

Trente ans après la chute du mur de Berlin . Par Stephff.

 

Voir aussi : Europe: Le président allemand réclame le “respect” de la part des États-Unis

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Après des études de lettres modernes, l’auteur a commencé ses activités professionnelles dans un institut de sondage parisien et s’est tourné rapidement vers la presse écrite : journaliste au Nouveau Méridional il a collaboré avec plusieurs journaux dont le quotidien La Marseillaise. Il a dirigé l’édition de différentes revues et a collaboré à l’écriture de réalisations audiovisuelles. Ancien Directeur de La Maison de l’Asie à Montpellier et très attentif à l’écoute du monde, il a participé à de nombreux programmes interculturels et pédagogiques notamment à Pékin. Il est l’auteur d’un dossier sur la cité impériale de Hué pour l’UNESCO ainsi que d’une étude sur l’enseignement supérieur au Vietnam. Il travaille actuellement au lancement du média citoyen interrégional altermidi.