Le Parlement européen a adopté le 19 septembre une résolution sur « l’importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe ». Il s’inquiète à juste titre de la montée des haines identitaires en Europe, mais s’arrange avec l’histoire en affirmant que l’origine de la Seconde Guerre mondiale serait… le pacte germano-soviétique. Nous publions un texte de l’europarlementaire italien Massimiliano Smeriglio (élu comme indépendant sur la liste du Parti démocrate) qui explique pourquoi il n’a pas voté ce texte, contrairement à la majorité de ses collègues.
« Je n’ai pas voté pour le texte qui rend équivalents le nazisme et le communisme.
Je n’ai pas voté en sa faveur parce qu’il s’agit d’un texte confus et contradictoire.
Je ne l’ai pas voté parce que l’histoire n’a pas à être contrainte dans une construction parlementaire dont le seul but est de la tirer à soi de tous côtés pour aboutir ensuite à un étrange œcuménisme où tout devient semblable.
Je n’ai pas voté ce texte parce qu’il n’est pas vrai que la Seconde Guerre mondiale est née avec le pacte Molotov-Ribbentropp, ses causes sous-jacentes devant éventuellement être recherchées dans les conditions de la paix punitive de Versailles à la fin de la Première Guerre mondiale.
Par ailleurs, ces causes doivent aussi être recherchées dans la complicité silencieuse avec laquelle l’Etat libéral a permis le développement du fascisme et du national-socialisme contre le mouvement ouvrier.
Je n’ai pas voté pour ce texte parce que, dans un tel document, on ne peut pas ne pas traiter sérieusement de la Shoah, c’est-à-dire la volonté d’exterminer des membres de la religion juive, les Roms, les Sinti, les homosexuels et les opposants politiques.
Je ne l’ai pas voté parce que les démocraties occidentales, nos démocraties, celles qui sont nées en 1945, doivent remercier aussi bien les Anglo-Américains que les formations résistantes et l’Armée rouge pour leur victoire finale.
Telle est la vérité historique.
Je n’ai jamais été prosoviétique, je viens de la culture libertaire, je me suis réjoui de la chute du Mur, j’ai manifesté contre Tiananmen, je me suis battu contre le socialisme réel et ses horreurs, mais tout cela n’a rien à voir avec le jugement politique et historique sur le début et la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Et cette rigueur, nous la devons à nous-mêmes pour pouvoir marcher debout et nous la devons aux millions de victimes qui se sont battus pour arrêter et vaincre Hitler et Mussolini.
Et puis, nous sommes en Italie, et pour nous, le nazifascisme, cela a été Marzabotto, via Tasso, les Fosses Ardéatines. Tandis que les socialistes, les communistes, avec d’autres, ont rédigé la Constitution républicaine et ont construit notre démocratie jour après jour.
Cela compte aussi. »
Le texte adopté par le Parlement européen a été porté par de grands groupes : le Groupe du Parti populaire européen (PPE), Renew Europe (RE) auquel appartient La République En Marche, l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen (S&D) qui regroupe les socialistes, le groupe Conservateurs et réformistes européens (CRE) et les groupe (Verts/ALE).
Résolution du Parlement européen adopté le 19 septembre 2019 à Strasbourg (pour : 535 – contre : 66 – abstentions : 52)
Le texte est disponible ici : Importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe