La partie économique de « l’accord ultime » de Donald Trump, promis de longue date et censé régler le conflit israélo-palestinien, a été dévoilée samedi. Le plan, évalué à 50 milliards de dollars, a instantanément été rejeté par les Palestiniens.
« Je pense vraiment que quelque chose va se passer, c’est mon rêve d’y parvenir avant la fin de mon premier mandat », avait déclaré en septembre 2018 le président américain Donald Trump au sujet de son plan de paix censé régler le conflit israélo-palestinien, qu’il a baptisé « l’accord ultime ».
Alors qu’il était jusqu’ici confidentiel, et l’objet de nombreuses spéculations, une partie de ce plan promis de longue date, son volet économique, a été dévoilé samedi sur le site Internet de la Maison Blanche. Il sera présenté officiellement la semaine prochaine à Bahreïn par son concepteur, le gendre et conseiller du chef de l’État américain, Jared Kushner.
Les détails de ce volet, qui fait miroiter aux Palestiniens les retombées économiques d’un accord de paix, sont révélés dans un document intitulé « La paix pour la prospérité ». Il est précisé qu’il vise à fournir au peuple palestinien « les moyens de bâtir une société palestinienne prospère et dynamique. Il consiste en trois initiatives destinées à soutenir les piliers de la société : l’économie, le peuple et le gouvernement. »
Toutefois, aucune mention d’un éventuel volet politique, qui selon des responsables sera dévoilé à l’automne, après les législatives israéliennes, n’y figure. Pas plus qu’il n’est question dans le texte de la création d’un État palestinien, pourtant exigence première de l’Autorité palestinienne présidée par Mahmoud Abbas.
Transformer la Cisjordanie et Gaza « de manière fondamentale »
Concrètement, selon le document, l’administration américaine prévoit dans le cadre de son initiative d’attirer des investissements internationaux colossaux de plus de 50 milliards de dollars en une décennie. Signe de la méfiance des Américains envers les responsables palestiniens, il est cependant précisé que les fonds levés seront gérés par une banque de développement internationale, afin d’assurer une meilleure gouvernance et d’éviter la corruption.
L’objectif affiché est de doubler le PIB des Palestiniens en transformant leur économie et en créant plus d’un million d’emplois, et d’augmenter leur espérance de vie de 74 à 80 ans. Ce plan « représente l’effort international le plus ambitieux et le plus complet pour le peuple palestinien jusqu’ici », insiste le document. Il « peut transformer la Cisjordanie et Gaza de manière fondamentale et ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire palestinienne, un chapitre défini non par les épreuves et les pertes, mais par la liberté et la dignité », peut-on y lire.
Développement, éducation, santé, transports, infrastructures, qualité de vie, tourisme… La transformation promise par Washington prévoit des investissements massifs dans tous les secteurs : production d’électricité, fourniture d’eau potable, traitement des eaux usées, construction de terminaux de marchandises ou encore de routes pour réduire les délais et les coûts du commerce transfrontalier.
Pour appuyer ces investissements, ce plan entend également « soutenir les mesures visant à améliorer la coopération palestinienne avec l’Égypte, Israël et la Jordanie, dans le but de réduire les barrières réglementaires à la circulation des marchandises et des personnes ».
« Pendant trop longtemps, le peuple palestinien a été piégé dans les structures inefficaces du passé », a de son côté affirmé Jared Kushner. Le plan de paix « est un cadre pour un avenir plus radieux, plus prospère pour le peuple palestinien et la région, et un aperçu de ce qui est possible quand la paix est là ». Ce dernier propose notamment que plus de la moitié des 50 milliards de dollars d’investissements espérés soient dépensés dans les Territoires palestiniens, et le reste dans la région – en Égypte, au Liban et en Jordanie. Il espère que les riches pétromonarchies du Golfe, alliées de Washington, ou des investisseurs privés assureront le financement du plan.
Les Palestiniens réclament une solution politique
Sans surprise, les Palestiniens, déjà extrêmement suspicieux à l’égard de Jared Kushner, un ami de la famille du Premier ministre israélien, et surtout à l’égard du président Trump, depuis qu’il a reconnu Jérusalem comme capitale de l’État hébreu en 2017, ont aussitôt rejeté en bloc l’initiative américaine.
L’Autorité palestinienne, qui a décidé de boycotter la conférence de Manama où sera présenté le plan Kushner, accuse Washington de chercher à acheter les Palestiniens et à les priver d’un État indépendant.
« La situation économique ne doit pas être discutée avant qu’il y ait une discussion de la situation politique, et tant qu’il n’y a pas de discussion de la situation politique, nous ne parlerons d’aucune situation économique », a martelé samedi le président palestinien Mahmoud Abbas dans un communiqué. En raison des nombreuses prises de position pro-israéliennes de la Maison Blanche, depuis l’élection de Donald Trump, l’Autorité palestinienne dénie aux Américains tout rôle de médiateur dans le processus de paix, qui est au point mort.
Selon Hanane Achraoui, négociatrice palestinienne et membre du comité exécutif de l’OLP, l’administration Trump va « totalement dans la mauvaise direction ». Et d’ajouter : « Ils ont la capacité de mettre fin à l’occupation, ce qui est l’exigence fondamentale pour la prospérité. Il ne peut y avoir de prospérité sous un régime d’occupation. »
De son côté, le Hamas, mouvement islamiste rival de l’Autorité palestinienne classé comme terroriste par les États-Unis, a également rejeté l’initiative américaine. « Nous rejetons la conférence de Manama et l’entreprise qui consiste à faire de la cause palestinienne une cause économique et non plus politique », a déclaré le chef du mouvement, Ismaïl Haniyeh, lors d’une conférence de presse dans la bande de Gaza.
Alors que l’économie de Gaza est paralysée par le blocus israélien, et que la Cisjordanie doit faire face à une politique de colonisation soutenue par le gouvernement de Benjamin Netanyahu, la Banque mondiale a récemment décrit une « situation économique intenable » dans les Territoires palestiniens. Elle a notamment évoqué une « dégradation abrupte » dans la bande de Gaza, plombée par un chômage de 52 %, et d’un ralentissement en Cisjordanie.
Marc DAOU avec AFP et Reuters
Source. France 24 23/06/2019