L’effondrement de plusieurs immeubles populaires du quartier de Noailles à Marseille, qui a fait plusieurs morts, révèle un habitat insalubre laissé à l’abandon. Il y a 80 ans, Daladier enterrait le Front populaire et plaçait la ville sous la tutelle de l’Etat.
Après l’effondrement de deux immeubles, puis d’une partie d’un troisième, mitoyen, rue d’Aubagne dans le quartier de Noailles à Marseille le 5 novembre, des habitants ont tôt fait de rappeler les signalements effectués depuis plusieurs mois. Insalubrité, défaut d’entretien, indignité des conditions de logement dans le parc public, inanité de la politique de la ville alors qu’un des bâtiments effondrés appartenait à l’office public Marseille Habitat… En 2016, le site Marsactu avait publié une série d’articles sur l’habitat indigne de ce coin du 1er arrondissement, en plein centre-ville de Marseille, à deux pas du vieux port et à peine plus du Mucem flambant neuf.
Au sujet du 63, rue d’Aubagne – premier des immeubles à s’être effondré lundi 5 novembre et propriété de Marseille Habitat- Benoît Gilles de Marsactu écrivait ceci il y a deux ans :
Au 63 rue d’Aubagne et au 13 rue de l’Arc, des oriflammes sales jadis bleus flottent au vent. La société d’économie mixte de la Ville, Marseille Habitat, y annonçait fièrement que ces immeubles allaient faire l’objet de rénovation dans le cadre d’un plan d’éradication d’habitat indigne (EHI). Dans le premier, des travaux de consolidation ont été entrepris mais semblent arrêtés. Un salon de coiffure sans nom s’est installé au rez-de-chaussée. Le coiffeur, gêné, se refuse à tout commentaire en l’absence du patron, injoignable. Il ne veut pas dire non plus si l’immeuble est actuellement occupé. Une forte odeur de moisi ne rassure pas le visiteur sur l’état du bâti.
Ennemi numéro 1 de l’habitat… « la pluie » ?
A l’époque, l’immeuble de quatre étages était explicitement identifié par le plan d’éradication de l’habitat indigne à l’échelle de la ville. Mais la rénovation semblait patienter dans les cartons de la mairie, en attente d’une validation politique. Deux ans et demi plus tard, c’est tout un pan de la rue qui est tombé comme un château de cartes tandis que le maire Jean-Claude Gaudin (LR) envisageait que l’accident qui a d’ores et déjà fait plusieurs morts, pouvait être causé par “la pluie”.
Le pâté de maison qui s’est effondré rue d’Aubagne n’est pourtant pas une exception et, après la catastrophe du 5 novembre, Mathilde Vinceneux, journaliste de France Bleu Provence, rappelait ceci
Le quartier de Noailles est depuis 2001 au cœur d’une opération de restauration déclarée d’utilité publique. Ce programme, dit PRI (« périmètre de restauration immobilière »), concerne 152 immeubles soumis à des obligations de travaux. Plus de 15 ans plus tard, en 2017, 39% des immeubles concernés n’ont connu aucun travaux. En 2002, le maire de la ville a aussi signé avec l’Etat un plan d’éradication de l’habitat indigne. En tout à Marseille, 6 000 copropriétés sont jugées « fragiles » dont une grande partie dans le centre ancien et les quartiers Nord selon le rapport Nicol de mai 2015, du nom d’un inspecteur général honoraires de l’administration du développement durable.
Cependant, lorsque la cage d’escalier du 65, rue d’Aubagne s’était pour partie affaissée il y a quinze jours, aucun arrêté de péril n’avait été pris, épinglent des collectifs de riverains. Alors qu’un document consacré à Noailles (qu’on trouve sur Marsactu) avait justement été remis aux élus de la métropole Marseillaise en janvier 2018, montrant explicitement que 48% des immeubles de ce quartier étaient « considérés comme du bâti indécent ou dégradé » et seulement « 11% identifiés comme en bon état structurel et d’entretien”.
Source : France Culture 06/11/2018