Nous publions la contribution d’Odile Maurin, Conseillère municipale et métropolitaine de Toulouse, qui évoque la condition des élu.e.s en situation de handicap. Elle a notamment reçu le soutien de L’Observatoire du validisme en politique1. Voir le communiqué ci-dessous.
Une violation démocratique aux multiples dimensions
L’interruption du Conseil municipal de Toulouse du 26 septembre 2025 pendant une vingtaine de minutes révèle une triple problématique majeure qui dépasse largement l’anecdote politique locale.
Une violation fondamentale du droit d’expression démocratique
Jean-Luc Moudenc limite abusivement les temps de parole de l’opposition municipale à 2 minutes 30 alors que la jurisprudence établit un minimum de 6 minutes par délibération. Il organise le minimum légal de conseils municipaux (4 par an), imposant un rythme infernal pour faire passer le maximum de délibérations en un minimum de temps. Ce conseil fonctionne, non comme un lieu de débat démocratique, mais comme une simple chambre d’enregistrement, sans respect du droit à débat.
Une discrimination validiste institutionnalisée
Depuis plus de 5 ans, le maire me refuse systématiquement les aménagements raisonnables nécessaires à ma participation, m’obligeant à consacrer 80 % de mes indemnités d’élue au financement des moyens de compensation de mes handicaps. Cette inégalité de traitement flagrante avec les élus valides me prive même d’un tiers temps pour m’exprimer, pourtant accordé dans les milieux étudiant et professionnel. Au-delà de mon exemple, mon objectif est de parler de la condition des élus handicapés.
Un parallèle historique saisissant
Comme les suffragettes qui réclamaient le droit de vote étaient jadis qualifiées d’hystériques, moi, femme handicapée qui revendique mes droits politiques, je me retrouve traitée de la même manière. Ce mécanisme d’oppression suit le même schéma : disqualifier par la pathologisation celles qui dérangent l’ordre établi.
L’incident du 26 septembre : violences validistes et sexistes
Le 26 septembre, je revenais au conseil après 6 mois d’arrêt maladie pour burn-out autistique. Après une pause technique de 20 minutes, j’ai découvert que trois délibérations sur lesquelles je comptais intervenir étaient déjà passées. Jean-Luc Moudenc ayant encore refusé de me laisser m’exprimer, j’ai décidé de m’approcher de la tribune.
Le maire a demandé aux huissiers de me faire sortir et devant mon refus de céder, a suspendu la séance. J’ai déclaré : « Le conseil ne se poursuivra que quand j’aurai la parole. » Ma détermination à faire respecter le droit, renforcée par mon autisme, m’empêchait de reculer face à cette injustice. Finalement, grâce à ma persévérance, j’ai obtenu de pouvoir faire mes quatre interventions.
Une question politique, pas médicale
« Ce ne sont pas mes incapacités qui m’empêchent de participer. Ce sont les barrières que la société dresse vis-à-vis de ma participation. » Il est contradictoire de vanter le droit à la différence tout en demandant à la personne autiste de se normaliser, sans les moyens de compensation nécessaire, ou se taire.
Un combat pour l’égalité
Ma prise de position n’était pas un « coup de sang » comme l’a écrit un journaliste sans m’interroger. C’était l’aboutissement de cinq années d’épuisement et de discrimination liée à l’absence de moyens. La véritable violence est dans le système qui contraint à de telles extrémités pour faire respecter l’égalité des droits. Je ne laisserai plus passer ces pressions politiques établies, normalisées, qui viennent dégrader la santé mentale et physique de tous, mais encore plus des personnes autistes. Si j’étais salariée, ce que j’ai subi aurait conduit mon employeur à une condamnation devant les prud’hommes.
Grâce à cette action, le maire a compris que je mettrai tout en œuvre pour que le droit soit enfin respecté pour moi et pour les autres. La violence politique doit cesser d’abimer les corps et les esprits impunément. C’est un premier pas vers l’égalité réelle.
Odile Maurin, Conseillère municipale et métropolitaine de Toulouse (opposition) – PEPS 31 – le 29 septembre 2025
Communiqué
Pour des conseils municipaux représentatifs de la diversité de la population, stop au validisme en politique !
L’Observatoire du validisme en politique apporte son soutien à Odile Maurin, élue d’opposition au Conseil municipal de Toulouse, suite à l’incident ayant provoqué une interruption de séance lors du Conseil du 26 septembre 2025.
Cet épisode est l’aboutissement insupportable de plus de cinq années de mandat au cours desquelles cette élue ayant un handicap moteur et un trouble du spectre autistique a été en butte à un refus de prise en charge de ses dépenses de compensation de ses handicaps, notamment l’aide humaine pour pouvoir « prendre part » aux commissions et conseils, de la part de la municipalité.
Cette situation est symptomatique de ce que nous dénonçons : les violences validistes induites par l’absence de financement des besoins en compensation des élu.e.s handicapé.e.s et les nombreuses barrières physiques et organisationnelles auxquelles nous devons faire face. S’ensuit une présence insuffisante d’élu.e.s handicapé.e.s à tous les échelons démocratiques, depuis les conseils municipaux au Parlement. 0,02 % d’élu.e.s handicapé.e.s !
Le monde politique doit évoluer dans son fonctionnement, montrer l’exemple de la non- discrimination et d’une représentation fidèle à la composition et aux préoccupations de la société française, en écartant les auteurs et les autrices de violences validistes de ses rangs, en se formant aux luttes anti-validistes et en soutenant l’accessibilité et les moyens de compensation de tous les handicaps, que ce soit pendant les campagnes ou pendant les
mandats.
La proposition de loi en cours d’examen au Parlement sur le statut de l’élu.e doit refléter cet engagement. Nous appelons sénateurs et sénatrices à voter les évolutions législatives proposées par l’Assemblée, en s’appuyant sur nos expertises, pour permettre une meilleure prise en compte de la nécessité de financer la compensation des élu.e.s handicapé.e.s. Il faudra toutefois aller plus loin, au sein des partis comme en dehors, pour une participation réellement inclusive des citoyennes et citoyens à la vie politique et démocratique.