Dialoguer avec le monde : Les solistes de l’Orchestre de Montpellier invités au Festival de Bailu Chengdu. Le sommet Chine-Union Européenne qui a marqué cet été 50 ans de relations diplomatiques n’a pas été dépourvu de tensions en raison du soutien apporté par la Chine à Poutine, et du déficit commercial qui, pour les Européens, a doublé en un an. Mais cet anniversaire se fête actuellement en musique au festival de Bailu, dans le Sichuan, pas loin de Pengzhou, et à 90 kms de Chengdu, ville jumelée avec Montpellier.


 

Prêts à partager un répertoire sino-français

 

Le 25 septembre, pour l’ouverture de la 13e édition de la « Saison artistique de musique classique sino-française », dix solistes de l’Orchestre National de Montpellier Occitanie ont été invités à venir à Bailu se joindre aux musiciens de l’Orchestre Symphonique de l’Opéra National de Chine et de l’Orchestre Symphonique de Chengdu. Il est vrai que l’an dernier on fêtait déjà les 60 ans de relations entre la France et la Chine, le jumelage de Montpellier et Chengdu était à l’honneur, et une délégation menée par le maire Michaël Delafosse avait fait un séjour d’une dizaine de jours (voir altermidi des 18 octobre 2024 et 23 novembre 2024).

Ils sont venus de Montpellier se joindre aux célèbres orchestres chinois. Des têtes de pupitres dans les cordes — Alexandre Kapchiev, Alice Rousseau, Éric Rouget — et des graves solides avec la basse de Tom Gélineaud et le cello [violoncelle] de Louis Duquesnoy. Mais aussi des bois de haut vol comme Daniel Thiery, hautbois vétéran de l’orchestre depuis 82, et le formidable Andrea Fallico à la clarinette. Le basson profite des superbes nuances de Rodolphe Bernard, et les cuivres sont de la fête avec le corniste Eloy Schneegans, et au trombone l’exceptionnel Thomas Callaux.

 

 

La musique fait voyager. Ils sont dix prêts à s’envoler… Vous les reconnaissez sans tenue de concert ? Crédit Photo OONMO

 

 

Tous étaient placés sous la baguette du jeune maestro italien Marco Crispo, chef assistant au Danemark, mais aussi au Festival de Radio France et à l’Orchestre de Montpellier, dans La Bohême. Il a déjà remplacé George Jackson dans La Création de Haydn, et prépare Révisez vos classiques lyriques pour le 17 octobre, avec le chœur de l’opéra et la soprano Sheva Tehoval.

10/10, pour les trois formations !

 

Ce concert d’ouverture du Festival a été un magnifique spectacle dans le cadre légendaire du Séminaire de l’Annonciation ! Détruit en 2008 par un terrible séisme, ce prodigieux établissement construit par des missionnaires catholiques est en cours de restauration, et a donc pu ouvrir sa scène pour un programme consacré à Bizet, Saint-Saëns, Berlioz, Mozart, Verdi, ainsi qu’au lyrique chinois contemporain. Avec notamment la violoniste Stéphanie-Marie Degand éblouissante dans Tzigane de Ravel. Une création chinoise d’Irish Melody de Rebecca Clarke est en cours.

 

 

Formidable ouverture avec la violoniste Stéphanie-Marie Degand et le maestro Marco Crispo. Crédit Photo SM Degand

 

 

De nombreux artistes étaient invités par le président du festival, le pianiste Pierre Réach, professeur Honoris Causa à Shanghaï, et enseignant à l’EN Alfred Cortot (sans oublier plus de 20 ans d’enseignement en Catalogne !), qui, amoureux de la région, dirige ces rencontres depuis 2016.

En fait Bailu est « ville française » depuis longtemps en raison de ses liens anciens et difficiles avec l’église catholique, le Sichuan ayant eu à gérer ses relations religieuses dès le XVIIe siècle. Chose étonnante, les villages montagnards alentour ont des immeubles d’une architecture totalement européenne, des « Petit Paris de l’Est »…

 

 

Bailu, festival international, et petit village « européen » niché dans les montagnes du Sichuan. Crédit Photo Bailu

 

 

« Dialoguer avec le monde par la musique, promouvoir les échanges culturels internationaux et stimuler la prospérité de la consommation culturelle et touristique », c’est le projet de cette édition de concerts, conférences et rencontres jusqu’au 6 octobre. Le festival se prolonge aussi jusqu’à Noël, car il va voyager en Chine, en Belgique et en France — à Paris et à Nice. Vivement sa venue à Montpellier !

Michèle Fizaine

 

 

Bienvenue aux collégiens de Chengdu !

L’échange est aussi pédagogique. Mardi, la Ville de Montpellier a fait visiter sa mairie ainsi que le centre historique à 23 élèves et 3 accompagnateurs venus de la « Foreign Language School » de Chengdu et le maire Michaël Delafosse s’est fait un bonheur de leur servir de guide – en ex enseignant motivé !

 

Découvrir Montpellier : une aventure pour les collégiens de Chengdu, en visite guidée, menée par le maire Michaël Delafosse. Crédit Photo Ville Montpellier

 

L’an dernier ces échanges avaient déjà été mis en lumière : Chengdu a son école « Montpellier » (3700 élèves !), Montpellier a son école « Chengdu », et l’Institut Confucius fonctionne depuis 2013. mais il faut se souvenir que les primaires « Sun Yat Sen » à Figuerolles et « Benoîte Groult » à Euromédecine sont ouvertes à l’apprentissage du chinois, tout comme les collèges « Rabelais » à Malbosc et « Fontcarrade ». Ce dernier, qui a toujours été disponible pour des projets d’échanges et de création – musique gypsie, concours d’éloquence… – propose l’enseignement de 3h de mandarin, 3h de littérature et civilisation, et 2h de maths. Pour les scolaires l’aventure peut continuer au Lycée Jules Guesde, et sur son site EPLEI (Etablissement Public Local d’Enseignement International), depuis plus de dix ans. En 2024 il y avait 16 inscrits en seconde, 17 en première, 27 en terminale !

C’est un nouveau cursus très attractif. Une convention de partenariat a été signée récemment au mois de mars pour sceller l’action conjointe de la Ville et de l’Education nationale, pour préciser les objectifs de ces classes internationales, bien sûr l’ouverture linguistique et culturelle mais aussi la mixité scolaire et sociale. Il s’agit donc de « faciliter l’insertion d’élèves étrangers dans le système scolaire français et leur éventuel retour dans leur système d’origine », mais aussi de « créer, grâce à la présence d’élèves étrangers, un cadre propice à l’apprentissage par les élèves français d’une langue vivante étrangère à un haut niveau ». Le but est bien sûr de«  favoriser la transmission des patrimoines culturels des pays concernés », sans oublier « d’être un facteur d’attractivité pour le territoire ». Le lien est fort, 12 collégiens chinois sont déjà venus à Montpellier au mois de mai. Le prochain voyage sera de Montpellier à Chengdu…

 

 

Photo 1. Pour les musiciens de Montpellier, de Chengdu et de l’Opéra National de Chine, Bailu offre un cadre exceptionnel pour le concert d’ouverture. Crédit Photo Bailu

 

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J’ai enseigné pendant 44 ans, agrégée de Lettres Classiques, privilégiant la pédagogie du projet et l’évaluation formative. Je poursuis toujours ma démarche dans des ateliers d’alphabétisation (FLE). C’est mon sujet de thèse « Victor Hugo et L’Evénement : journalisme et littérature » (1994) qui m’a conduite à écrire dans La Marseillaise dès 1985 (tous sujets), puis à Midi Libre de 1993 à 2023 (Culture). J’ai aussi publié dans des actes de colloques, participé à l’édition des œuvres complètes de Victor Hugo en 1985 pour le tome « Politique » (Bouquins, Robert Laffont), ensuite dans des revues régionales, et pour une série de France 2 en 2017. Après des études classiques de piano et de chant, j’ai fait partie d’ensembles de musique baroque et médiévale, formée aux musiques trad occitanes et catalanes, au hautbois languedocien, au répertoire de joutes, au rap sétois. Mes passions et convictions me dirigent donc vers le domaine culturel et les questions sociales.