Depuis près de 75 jours le Nord de Gaza est soumis à la famine par impossibilité de l’entrée de l’aide humanitaire, à des massacres, les bombardements intenses empêchent les ambulances et les équipes de la défense civile d’atteindre les sites, laissant les voix des personnes piégées sous les décombres s’éteindre progressivement jusqu’à disparaître complètement.
Dans le camp de Jabalia, les forces israéliennes ont déployé des robots explosifs dans les rues, les faisant exploser et détruisant les maisons autour de la place Khalifa, au cœur du camp. Cette tactique de combat brutale souligne le mépris de l’occupation pour les vies civiles et les droits de l’homme fondamentaux.
Dans une vidéo du 10 Décembre, un médecin suisse entré récemment à Gaza avec une mission PalMed (Palestine médicale) à l’hôpital Al Arabi témoigne d’entendre toute la journée des bombardements dans le Nord, 150 aujourd’hui. Il précise que 3 km au nord une frontière a été établie et près de 40 OOO personnes de l’autre côté sont en train d’agoniser, ils gisent dans la rue dans d’atroces souffrances, les hôpitaux n’étant plus fonctionnels.
Au 437e jour de bombardements incessants, d’urgence humanitaire, de famine, de déplacements, de morts et blessés civils en quantité insupportable, notre correspondant Abu Amir nous envoie ce texte qui dit tout ! Et résume la déshumanisation comme pilier du génocide :
« À Gaza, cette petite bande de terre densément peuplée est devenue une scène perpétuelle de souffrance humaine. Les efforts des familles pour rechercher leurs proches sous les décombres des bâtiments détruits ressemblent à une lutte impossible. En l’absence d’équipements nécessaires pour casser et soulever le béton lourd, trouver des victimes devient une tâche presque vaine. Malgré les efforts inlassables des bulldozers et des équipes locales pour dégager les décombres, leurs capacités restent limitées et insuffisantes pour découvrir les corps de personnes innocentes enterrées sous les bâtiments détruits par les frappes aériennes israéliennes.
Souffrance sans fin sous les bombardements et le siège
Depuis plus de 436 jours, les habitants de Gaza vivent dans un état constant de bombardements, de faim et de déplacement. Cette guerre, qui porte les caractéristiques d’un génocide, n’est pas simplement une série de frappes aériennes ; c’est une opération systématique visant à maintenir Gaza dans un état de misère perpétuelle. La scène la plus poignante est celle où une maison est bombardée et où l’on entend les cris des enfants coincés sous les décombres, tandis que leurs familles se tiennent impuissantes, incapables de les secourir. Ces cris s’estompent peu à peu jusqu’à devenir silencieux, laissant leurs familles dans un désespoir et une angoisse inimaginables.
Les écoles et les hôpitaux comme cibles directes
Les frappes aériennes israéliennes ne font pas de distinction entre les civils et les installations humanitaires. Les écoles et les hôpitaux sont devenus des cibles militaires sous prétexte de « légitime défense ». Ces atrocités ne sont pas de simples accidents, mais font partie d’une politique systématique motivée par un état d’esprit dénué de toute considération humanitaire, qui traite les habitants de Gaza comme des moins qu’humains.
De la victime au bourreau
Cette perspective suprématiste n’est pas un développement récent mais le prolongement d’une longue histoire de déformation systématique de l’image des Palestiniens.
Tout comme les soldats allemands pendant la Seconde Guerre mondiale se considéraient comme menant une guerre « morale » contre des « barbares », les soldats israéliens considèrent les Palestiniens comme une population sous-humaine indigne de vivre. Les récits bibliques auxquels font souvent référence les discours politiques et religieux israéliens alimentent cette perception. Par exemple, l’ancien ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a qualifié les habitants de Gaza d’« animaux humains » pour justifier les politiques de massacres et le siège qui prive les civils d’eau, de nourriture et d’électricité.
La déshumanisation comme pilier du génocide
La déshumanisation des victimes est l’une des dix étapes du génocide, comme le souligne Genocide Watch — association dont l’objectif est de prévenir et mettre fin aux génocides au niveau international. Cette phase commence souvent par des discours de haine et la mise en évidence des différences entre les groupes humains. Les déclarations politiques telles que celles du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a comparé les Palestiniens aux « Amalécites1 » dans les récits bibliques prônant le génocide, sont de puissants outils de mobilisation pour la guerre et le renforcement des politiques génocidaires.
Construire une identité nationale sur les ruines des autres
Cette rhétorique n’est pas seulement utilisée pour justifier la violence, mais aussi pour construire une nouvelle identité nationale fondée sur l’exclusion de l’autre. Dans la mentalité sioniste, les Palestiniens sont dépeints comme des barbares et des créatures sous-humaines indignes de vivre, ce qui donne aux soldats le droit de les tuer sans aucune hésitation morale. Ainsi, les Juifs victimes d’hier se sont transformés en oppresseurs d’aujourd’hui, commettant les mêmes crimes contre les Palestiniens qu’ils ont subis sous le régime nazi.
Silence mondial et responsabilité partagée
Malgré les scènes horribles qui se répètent quotidiennement, le silence mondial persiste comme si le monde avait décidé de rester neutre face aux crimes génocidaires commis à Gaza. La responsabilité de ces atrocités ne repose pas uniquement sur les auteurs directs, mais aussi sur ceux qui restent là et regardent en silence.
Une fin tragique sans solutions
Aujourd’hui Gaza n’est pas seulement le témoin de la souffrance humaine qui continue, mais sert également de rappel de l’échec du monde à mettre un terme aux crimes génocidaires. Chaque cri sous les décombres et chaque larme versée sur le corps d’un enfant martyrise l’humanité, laissant une tache indélébile sur sa conscience. »
Qu’est devenue l’humanité ?
Brigitte Challande
Notes:
- Confédération de tribus nomades dans le désert du Sinaï. On connaît les Amalécites par la Bible comme ennemis permanents d’Israël. Les deux groupes entrèrent en conflit lors du séjour des Hébreux dans le nord du Sinaï, probablement pour le contrôle de l’oasis de Cadès (Exode, xvii). On possède des récits ou de simples rappels des campagnes menées contre eux au temps de Saül, qui les combattit systématiquement (I Sam., xv), et de David, auquel ils infligèrent (I Sam., xxx) d’aussi nombreuses razzias que celles que lui-même leur avait fait subir (I Sam., xxvii, 8). L’histoire ne les mentionne plus par la suite, ce qui peut s’expliquer par une double raison : par leur extrême affaiblissement à l’issue des guerres de Saül et de David et par l’occupation du secteur oriental de la partie nord du désert sinaïtique par des amis d’Israël. Un oracle de Balaam (tantôt devin étranger, tantôt prophète exécutant les décrets divins et bénissant Israël) proclame la disparition définitive de toute postérité d’Amalec (nom collectif). Encyclopædia Universalis