« Vous êtes tous des menteurs » C’est le cri qui résume un état collectif de déception, d’amertume, de colère et de douleur, exprimé par la population de Gaza le 11 Novembre. Une ironie de l’Histoire ?
« Le silence international exprime non seulement une trahison envers le peuple palestinien, mais représente aussi une blessure profonde dans la conscience de toute l’humanité, et il subsiste l’espoir que le monde se tiendra un jour aux côtés de la vérité et de la justice, pour mettre fin à la tragédie d’un peuple entier confronté au génocide et au déplacement sur ses terres. »1
Ces propos écrits inlassablement jour après jour par nos ami.e.s gazaouis qui continuent d’organiser la vie quotidienne dans les camps de Déplacé.e.s soulignent à quel point plus personne à Gaza ne croit aux slogans brillants ou aux déclarations politiques des gouvernements et des organisations internationales. Ils les considèrent comme des promesses creuses qui s’évaporent à chaque nouveau bombardement et à chaque explosion qui détruit l’espoir. Ils voient dans le silence du monde une condamnation silencieuse, qui les laisse seul.e.s face à des calamités implacables et sans pitié. Le dicton qui prévaut à Gaza est « Vous êtes tous des menteurs », exprimant un état collectif de déception et de manque de confiance dans toutes les parties, exprimant une colère dirigée contre tous ceux qui regardent leurs souffrances sans agir, comme si cette ancienne ville était destinée à des souffrances sans fin.
La situation de la bande de Gaza aujourd’hui c’est au nord : une situation qui ne cesse de s’aggraver où la poursuite des bombardements violents et continus d’Israël sur les zones résidentielles, et l’arrêt du passage de l’aide humanitaire provoquent une tragédie humanitaire pour des milliers de gazaoui.e.s qui ne veulent pas mais ne peuvent même plus quitter leurs ruines. Des dizaines de martyrs et de blessés chaque jour, au milieu d’un siège étouffant qui isole complètement le nord du reste de Gaza.
Au sud une destruction indescriptible et totale de la ville de Rafah, les maisons, les installations publiques et les infrastructures mis à terre par des bulldozers dont les vidéos témoignent :
« Ces attaques israéliennes contre la ville de Rafah et d’autres villes de la bande de Gaza montrent la volonté de démolir complètement la structure sociétale palestinienne, car elles vont au-delà du simple ciblage des bâtiments et cherchent à détruire le moral et la capacité de résistance du peuple palestinien. Avec chaque démolition, la douleur des familles se renouvelle et leur espoir de vivre dans la dignité et la sécurité est volé, de sorte que les souvenirs des maisons, des arbres et des terres agricoles restent témoins de l’injustice de l’occupation. »
Au vu de ce génocide qui persiste, dure et s’aggrave sans que la protestation mondiale n’enfle il est sût que le résultat des élections américaines n’a pas donné beaucoup d’espoir à la population de Gaza. En ce qui concerne la Palestine les républicains comme des démocrates ne sont avec des différences de méthode que les deux faces d’une même médaille sur toutes leurs actions.
« Clairs pour Trump ou ambigües pour Biden en fin de compte, les démocrates et les républicains partagent une approche commune à l’égard d’Israël. Alors que les démocrates utilisent une approche diplomatique plus polie, les républicains sont plus directs dans la promotion des intérêts d’Israël dans la région. »
Chaque jour soulève une nouvelle difficulté
Dans le centre de Gaza à Khan Younis, Deir al Balah, Nuseirat et Al Mawasi les équipes continuent à travailler dans les camps de Déplacé.e.s et chaque jour soulève une nouvelle difficulté à laquelle il faut répondre, trouver une solution si minime soit elle. Ces dernières semaines la population s’est heurtée aux profiteurs de guerre ; les commerçants qui ne cessent d’augmenter le prix des produits de base dont ils ont le monopole ainsi que les bureaux de change, seul lieu pour recevoir de l’argent liquide, dont le taux est maintenant à 27 %. Les familles palestiniennes ont décrit les commerçants comme « faisant du commerce avec le sang du peuple ».
« Pour la première fois depuis le début de la guerre, un mouvement populaire audacieux a émergé contre les marchands monopolisateurs, les habitants du centre de la bande de Gaza ayant osé se rendre dans les entrepôts et les magasins de certains de ces marchands et pris ce qu’ils ne pouvaient plus acheter en raison des prix élevés. »
Après la fermeture des marchés dans les régions de Deir al-Balah et Khan Yunis par les citoyens qui se sont soulevés contre la cupidité des marchands, les citoyens ferment maintenant le marché de Nusseirat pour confirmer leur intention d’affronter les marchands, de les combattre et de les tenir responsables de leurs prix élevés, de leur monopolisation des marchandises et de leur exploitation de la guerre. Ce mouvement de blocage des marchés et de protestation s’est étendu dans les rares marchés encore en activité dans le centre de la bande de Gaza.
Maintenant le nouveau défi pour les équipes c’est l’arrivée du froid et d’un hiver rigoureux dans les camps totalement inadaptés à une vie quotidienne pour des milliers de déplacé.e.s. Que ce soit le long de la plage avec les fortes tempêtes ou plus à l’intérieur la détérioration des conditions météorologiques, l’augmentation des déplacements forcés et le manque d’aide humanitaire,forcent les déplacé.e.s à rester dans leurs fragiles tentes, luttant pour survivre.
Mais le travail continue très régulièrement dans les camps de Déplacé.e.s et aborde des questions essentielles dans la scolarisation des enfants par exemple.
Investir dans l’éducation
« Le temps que les enfants passent dans ces centres éducatifs — environ cinq heures par jour — représente une période de récupération pour les parents, car ils se sentent rassurés de voir leurs enfants loin de la rue et de ses dangers. L’éducation ici ne se résume pas à l’acquisition de connaissances, mais plutôt à une éducation complète qui soutient les enfants psychologiquement et socialement et les aide à former leur personnalité dans un environnement loin des effets de la violence qui prévaut à l’extérieur des camps. »
Les centres éducatifs mis en place à Deir al-Balah et Khan Yunis avec le soutien de l’UJFP représentent un modèle de réussite en matière d’investissement dans l’éducation pour former des générations capables de contribuer à la construction d’un avenir meilleur pour le peuple palestinien. Ces centres contribuent à protéger les enfants de l’exposition à la violence et aux déviations comportementales, car l’accent est mis avec les enfants sur le développement de leur conscience communautaire en lien avec leur environnement.
Le travail dans les ateliers pour les femmes et les hommes élargit son centre de préoccupation et aborde des questions nouvelles. L’une des séances a porté sur la promotion de l’intégration des personnes handicapées dans la société.
« Les participants ont été initiés à différents types de handicaps, tels que les handicaps moteurs, auditifs, visuels et mentaux, et les défis auxquels sont confrontées les personnes handicapées ont été abordés. Ils ont été divisés en petits groupes et des questions stimulantes ont été posées sur la manière de rendre les camps plus inclusifs, ce qui améliore l’interaction et encourage la présentation d’idées et de solutions pratiques, telles que l’amélioration de l’accès aux installations et la création d’environnements inclusifs qui permettent aux personnes handicapées de vivre dans la dignité. »
La situation au 401e jour de la guerre reste avec les massacres qui se poursuivent une détérioration humanitaire sans précédent.
Aujourd’hui 11 Novembre 2024 l’appel des gazaoui.e.s est le suivant :
« Sauver Gaza aujourd’hui est une responsabilité humanitaire et morale qui incombe à la communauté internationale, et le temps est venu d’intervenir d’urgence avant que Gaza ne se transforme en charnier à cause de la guerre et du siège. »
Brigitte Challande
1 Propos d’Abu Amir, notre correspondant à Gaza, représentant de l’ UJFP.
Les chroniques quotidiennes « Gaza Urgence Déplacées » sont publiées tous les jours sur le site https://ismfrance.org/