Après les vives réactions issus du monde culturel et politique à la missive du ministère de la culture annonçant que la France suspendait la délivrance de visas en provenance du Burkina Faso, du Mali et du Niger, ainsi que la mise en œuvre dans ces pays des actions de coopération culturelle, le gouvernement rétropédale tout en maintenant la suspension de visas des artistes.
Dans la première version transmise par les DRAC, bien que le vocable paraissait plus proche du ministère de l’Intérieur que de celui de la Culture et de la Communication, l’injonction ministérielle ne faisait pas dans le détail :
« Tous les projets de coopération qui sont menés par vos établissements ou vos services avec des institutions ou des ressortissants de ces trois pays doivent être suspendus, sans délai, et sans aucune exception », précisait le message. « Tous les soutiens financiers doivent également être suspendus, y compris via des structures françaises, comme des associations par exemple. De la même manière, aucune invitation de tout ressortissant de ces pays ne doit être lancée », poursuivait le message à l’origine de la levée de boucliers.
« La France n’a aucune intention de rompre ses liens culturels avec le Burkina Faso, le Mali et le Niger, trois pays du Sahel désormais aux mains de militaires putschistes, mais ne pourra pas délivrer de visas aux artistes de ces pays dans l’immédiat », a rectifié vendredi la ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak.
« La France a toujours été une nation ouverte et une terre d’accueil pour les artistes, donc ce n’est pas un changement de pied. C’est une adaptation à un contexte sécuritaire extrêmement dégradé qui cible particulièrement les bâtiments français et les équipes françaises dans ces trois pays », a-t-elle expliqué au micro de RTL.
Ces propos visent à rassurer les promoteurs de spectacles et de concerts français, nombre d’entre eux ayant reçu cette semaine les instructions radicales du gouvernement. Jeudi, le Syndicat français des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) a pointé du doigt une interdiction de coopération inédite et demandé une rencontre immédiate avec la ministre de la Culture. Plusieurs personnalités politiques à gauche se sont offusquées, comme l’ancienne ministre de la Culture de François Hollande, Aurélie Filippetti, qui a dénoncé une décision « scandaleuse et aberrante » qui « porte vraiment atteinte à l’image de notre pays ».
Interrogé à ce sujet lors d’un déplacement en Bourgogne, Emmanuel Macron a rejeté la responsabilité de cette situation sur les putschistes. « Oui, nous avons stoppé les actions au Sahel mais pas chez nous, c’est bien le distinguo que je fais et c’est la confusion qu’il y a eue. Parce qu’au Burkina, au Mali et au Niger, vous avez des putschistes qui aujourd’hui nous attaquent, attaquent la culture chez eux et ne nous permettent plus de le faire », a dit le président de la République. « Aujourd’hui, vous avez au Mali, au Niger, au Burkina, des ennemis de leur peuple, des ennemis de la liberté d’expression, des ennemis de la culture. C’est un fait », a-t-il ajouté en retournant le propos.
Le petit pas en arrière du gouvernement n’est pas de nature à pacifier les relations de la France avec les pays d’Afrique subsaharienne. Il laisse beaucoup d’angles morts que questionne sur Twitter Jacques Attali : « Rectification : la France refuse de délivrer un visa non pas seulement aux artistes mais à tous les citoyens de ces pays, “pour des raisons de sécurité”. Veut-on dire que ces gens, artistes ou autres, remettent en cause la sécurité de la France ? »
Avec Reuters
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