Après les interrogatoires du rédacteur en chef du site d’investigation Vajne Istorii à la demande de l’ex-épouse d’Igor Setchine, directeur de l’entreprise de pétrole Rosneft gérée par l’État, les perquisitions dans les locaux d’un magazine étudiant sont un nouveau coup bas pour la liberté de la presse en Russie, dénonce Amnesty International.
Le 9 avril, l’appartement de Roman Anine, rédacteur en chef de Vajne Istorii, un site d’investigation, a été perquisitionné. Il a été interrogé durant sept heures pendant la nuit dans le cadre d’une affaire au titre de l’article 137(2) du Code pénal1. Roman Anine a ensuite été convoqué pour un autre interrogatoire le 13 avril. L’affaire a été ouverte à la demande de l’ex-épouse d’Igor Setchine, directeur de l’entreprise de pétrole Rosneft gérée par l’État, qui, d’après un article que Roman Anine a écrit, aurait des liens avec un yacht dont la valeur est estimée à 100 millions de dollars.
Le 14 avril au matin, des agents des forces de sécurité ont mené des perquisitions au bureau du magazine étudiant DOXA, dans les appartements de quatre membres du personnel du magazine et chez les parents de deux de ses journalistes. D’après leurs avocats, ces perquisitions étaient liées à un message vidéo de membres du personnel de DOXA publié le 23 janvier, à l’approche de manifestations contre l’emprisonnement d’Alexeï Navalny. Dans la vidéo, les journalistes appelaient les autorités à cesser d’intimider les étudiant·e·s prenant part aux manifestations. Ils encourageaient également les jeunes à défendre leur droit à la liberté de réunion pacifique, à rejoindre des groupes de défense des droits humains et à s’organiser avec d’autres étudiant·e·s.
Réagissant à une vague de descentes et de perquisitions dans les bureaux du magazine étudiant russe DOXA et les appartements de ses employés, Natalia Zviaguina, directrice du bureau d’Amnesty International à Moscou, a déclaré :
« Aujourd’hui, les autorités ont porté un nouveau coup bas renforçant leur emprise sur les médias perçus comme étant déloyaux envers le Kremlin. Alors qu’elles étouffaient déjà progressivement ces médias avec des sanctions économiques ou en imposant une autocensure à leurs propriétaires, elles ont maintenant lancé une attaque ouverte contre les journalistes et d’autres professionnels des médias. Réduire au silence les personnes assez courageuses pour s’exprimer, y compris les étudiant·e·s, anéantit l’avenir de la liberté de la presse en Russie. »
Le rédacteur en chef de DOXA, Armen Aramian, et trois journalistes du magazine, Alla Goutnikova, Vladimir Metelkine et Natalia Tychkevitch, ont ensuite été inculpés d’« implication de mineurs dans des actes mettant en danger leur vie » (article 151.2 du Code pénal). Cette infraction est passible d’une peine maximale de trois ans d’emprisonnement. Le tribunal a requis leur assignation à résidence et leur a interdit d’utiliser Internet et de communiquer avec quiconque en dehors des membres de leur famille et leurs avocats.
Pour l’ONG Amnesty International « Les intentions des autorités russes sont claires. Les enquêtes sur la corruption ne seront pas tolérées, la mobilisation des jeunes pour participer activement et pacifiquement à la société entraînera des poursuites, et les journalistes et les organes médiatiques qui reçoivent des financements étrangers seront ostracisés et qualifiés “d’agents de l’étranger”.
Les attaques visées contre les journalistes de DOXA et Roman Anine sont clairement motivées par des considérations politiques et sont un sombre rappel de la plus vaste répression de la liberté d’expression en Russie. »
Voir aussi : Clôture du journal étudiant DOXA : les yeux ouverts d’Alla Gutnikova