Il y a bientôt dix ans à la Comédie du Livre de Montpellier l’éditeur Charles Kermarec m’interpellait pour signaler l’existence du livre d’Irène Frachon Médiator 150 mg Combien de morts ?. A l’époque le livre risquait de finir au pilon. Ce jour là, le sous titre du livre Combien de morts ? fit l’objet d’un procès en référé à Brest, intenté par les laboratoires Serviers qui estimaient cette mention « accusatoire grave, inexacte et dénigrante ». Le jugement fut rendu, en faveur du laboratoire, mais annulé en janvier 2011 par la cour d’appel de Rennes .
Si le procès du Médiator s’ouvre aujourd’hui c’est grâce à l’engagement sans faille d’Irène Frachon un médecin pneumologue qui a passé dix ans de sa vie à se battre. La lanceuse d’alerte à l’origine de la révélation de l’un des plus grands scandales sanitaires français, dit aujourd’hui vouloir faire reconnaître un acte de « pharmaco-délinquance ».
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Guerre mortelle aux kilos superflus
Habituellement les éditeurs interpellent les chroniqueurs pour qu’ils parlent des livres qui vont sortir. Samedi à la Comédie du Livre de Montpellier, la démarche de Charles Kermarec, fondateur de la librairie brestoise Dialogues devenu éditeur, était tout autre. Il venait d’apprendre que les labos Servier, premiers laboratoires pharmaceutiques français indépendants, avaient déposé une plainte en référé * contre sa maison d’édition au motif de préjudice grave et éminent.
En cause, la sortie du livre de la pneumologue Irène Frachon et son titre sans équivoque : Médiator 150 mg Combien de morts ? qui doit paraître jeudi prochain. « Le labo ne peut pas faire valoir un préjudice commercial puisque le Médiator a été retiré du marché français en novembre dernier explique l’éditeur. Certains consommateurs pourraient les attaquer en justice mais cela relève de l’exercice d’un droit garanti par notre constitution. Ils n’ont pas connaissance du contenu et attaque juste sur la couverture. Ils veulent que le livre passe au pilon. »
Le Médiator est un coupe faim commercialisé en France depuis plus de trente ans. Le 25 novembre dernier, lorsque l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé – Afssaps – annonce la suspension de l’autorisation de mise sur le marché il est alors consommé quotidiennement par près de 300 000 Français.
Cette décision fait suite à la révélation d’une toxicité grave directement liée au médicament : une atteinte des valves du cœur, aux conséquences parfois mortelles. Ce médicament était vendu comme un adjuvant du régime adapté chez les diabétiques avec surcharge pondérale. La revue indépendante Prescrire, souligne les effets indésirables du médicament « Troubles neuropsychiatriques, dépendances, hypertensions artérielles pulmonaires, et précise : sous benfluorex : des patients restent exposés à des effets indésirables injustifiés.«
Le livre menacé d’Irène Frachon nous éclaire sur certaines décisions de santé publique et souhaite contribuer « au débat public constitutif de l’exercice de la démocratie. » mais verra-t-il le jour…
Jean-Marie Dinh
Le procès à lieu à 14h30 à Brest.
Source. L’Hérault du jour 31 mai 2010
Voir aussi : Affaire Mediator. Un procès exceptionnel s’ouvre enfin,