Dénonçant la flagornerie des médias français, l’hebdomadaire britannique conservateur est sans appel : Macron a perdu le scrutin européen et se retrouve plus vulnérable que jamais.
C’est le dessinateur humoristique Morten Morland [illustrateur norvégien travaillant régulièrement pour The Times et The Spectator] qui a été le premier à établir un parallèle entre Emmanuel Macron et le personnage du conte des Nouveaux habits de l’empereur. Son dessin est une allégorie incisive, et pas seulement sur la vanité de Macron. Car la morale de l’histoire n’est pas seulement que l’empereur est un vaniteux imbécile, mais que tous ceux qui prétendent le contraire sont des imbéciles, eux aussi.
Les résultats des élections européennes en France sont on ne peut plus clairs. 22,41 %* des votants ont accordé leur suffrage à Macron. La liste soutenue par Marine Le Pen, que l’on pensait définitivement éliminée il n’y a pas si longtemps, a fait un score de 23,9 %. Les Verts, la droite traditionnelle, diverses formations de gauche et une flopée de doux dingues se sont partagé le reste. Au total, ce sont près de 78 % des électeurs qui ont voté contre Macron.
La flagornerie et la lâcheté de nombreux médias français et des propres courtisans de Macron sont bien connues, mais les contorsions auxquelles ils se sont livrés pour défendre le président sont vraiment exceptionnelles. De nombreux journalistes britanniques et américains crédules participent à cette supercherie.
“Les médias ont ignoré la débâcle”
Il est toutefois difficile de proclamer que Macron restera le sauveur de l’Europe, d’autant qu’il a contribué à renforcer le populisme qu’il était censé combattre. Une nouvelle stratégie est donc en train d’émerger : il suffit d’ignorer la débâcle de Macron.
La chaîne BFMTV a annoncé dimanche [26 mai] que les élections s’étaient soldées par une lourde défaite pour la droite. Un bandeau sur la déroute de cette dernière a été diffusé en permanence à partir de 20 heures – moment où les bureaux de vote ferment et où les premiers résultats tombent –, si bien que les téléspectateurs ont pu se demander si la chaîne ne cherchait pas à noyer le poisson.
Cette volonté d’ignorer la défaite du président s’est rapidement propagée à d’autres médias parisiens proches de l’élite. On nous assurait que Macron allait rester un faiseur de rois en Europe. Que les Verts n’avaient pas réalisé un très bon score. Que la bande de Le Pen était juste arrivée première mais n’avait pas remporté de meilleurs résultats qu’au scrutin précédent, si bien qu’en fait elle avait échoué.
Un piteux dirigeant
Tout cela est parfaitement ridicule. Le président a perdu les élections. En dépit des centaines d’heures d’antenne qui lui ont été accordées pendant le grand débat national, de la promotion assurée par l’ensemble du gouvernement, du soutien vigoureux apporté par BFMTV – la chaîne connue en France comme la télévision de Macron –, le président n’a pas su transformer l’essai.
C’est seulement dans les médias français que sa défaite sur tous les fronts est passée inaperçue. Le pays est dans un état d’urgence économique et social depuis des mois. Les banques françaises sont parties à Dublin, à Amsterdam et à Francfort. Notre-Dame est détruite, et le président en a profité pour annoncer l’ouverture d’un concours international afin d’en faire un monument à sa gloire.
Macron a irrité les Américains, les Allemands, les Britanniques, les Italiens, les Polonais, les Hongrois et les Tchèques. De même que les Chinois et les Russes. Mais il a surtout exaspéré les Français. Le niveau du chômage n’a pratiquement pas bougé. Les entreprises françaises exportent leurs capitaux et délocalisent leur production. Aucune baisse du nombre de fonctionnaires n’a été enregistrée (ils sont encore plus de 5 millions à vivre aux frais du contribuable). Les niveaux français des impôts et des charges sociales restent les plus élevés d’Europe. Macron n’est peut-être nu que métaphoriquement (dans la vie, il est plutôt habillé comme un croque-mort), mais, politiquement, il est plus nu et vulnérable que jamais.
L’histoire de son ascension a commencé par un séisme politique et, à présent, on attend sa chute, qui devrait être spectaculaire. Dans ce récit digne d’un roman de Stendhal, les élections européennes ont été l’occasion de faire le bilan. Macron est un piteux dirigeant et les résultats lamentables qu’il a obtenus à ce scrutin montrent qu’il n’a rien appris.
Jonathan Miller
The Specactor
Le Courrier International