Les associations ont connu meilleure fortune. Les financements publics qui leur sont destinés sont à la fois en baisse et plus instables, alors que les besoins sociaux auxquels elles répondent, dans le secteur sanitaire et social, la formation, la culture, le sport ou l’éducation populaire, ne cessent d’augmenter.
Ces difficultés ne sont pas nouvelles, mais tendent à s’aggraver. Patrick Doutreligne, président de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss), constate ainsi un « effet domino » : les moindres subventions de l’Etat se conjuguent avec les effets induits par la baisse de ses dotations aux collectivités territoriales, qui financent elles aussi le monde associatif. Ajoutons à cela la réduction brutale du nombre de contrats aidés décidée l’an passé et on comprendra que le secteur traverse de réelles difficultés.
Baisse des financements
En pratique, sont d’abord concernées les associations employeuses, soit 163 000 structures sur le 1,3 million d’associations dénombrées en France, rappelle Frédérique Pfrunder, déléguée générale du Mouvement associatif. Ces structures emploient des salariés pour assurer leurs missions, tout en bénéficiant très souvent de l’apport de bénévoles qui s’investissent dans leur projet, comme l’illustrent la Croix-Rouge, Solidarités nouvelles pour le logement ou encore La Cimade pour l’accueil des réfugiés.
Côté financement, moins de la moitié des ressources provient désormais de fonds publics, le reste étant constitué de la vente de services et, marginalement, du mécénat et des adhésions. Cette répartition varie cependant fortement. Certaines associations sont intégralement financées sur fonds publics en raison des missions de service public qu’elles assurent (aide sociale à l’enfance, par exemple).
D’autres vivent de financements issus de la protection sociale (tarifs des établissements médico-sociaux). D’autres, enfin, tirent essentiellement leurs ressources de la vente de biens et services (associations sportives, culturelles, tourisme social…), ce qui ne leur interdit pas de recevoir des subventions quand elles offrent, par exemple, leurs services à des publics non solvables.
Dans ce contexte, les associations qui disposent d’importantes ressources privées s’en tirent mieux. Bob Wancier, trésorier des Restos du cœur, financés à près de 60 % par des structures ou personnes privées, se réjouit ainsi « de ne pas être en situation de dépendance ».
Pour autant, les dons et le mécénat privé sont, eux aussi, orientés à la baisse, constate Françoise Bernon, déléguée générale du Labo de l’économie sociale et solidaire (ESS), en raison notamment de la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune et de son remplacement par l’impôt sur la fortune immobilière, à l’assiette plus étroite1.
Mise en concurrence
La baisse des contrats aidés, pour sa part, a surtout touché les plus petites structures, conduisant certaines d’entre elles à mettre la clef sous la porte. Les parcours emploi compétences (PEC), qui s’y substituent, paraissent « peu adaptés aux problèmes et aux moyens des associations », constate Frédérique Pfrunder. Si le fait d’offrir un vrai parcours de formation est louable, cette obligation va de pair avec une baisse de la part du coût salarial prise en charge par la collectivité, réduite à 50 %. Du coup, nombre d’associations renoncent à se porter candidates. Résultat : les 100 000 postes prévus en 2019 (contre 200 000 en 2018) ne seront pas forcément tous pourvus.
Autre problème : le recours croissant aux appels d’offres par les pouvoirs publics à la place de subventions directes. Une évolution qui met « les acteurs en concurrence les uns avec les autres », constate Françoise Bernon. Surtout, avec le recours aux appels d’offres, « ce sont de plus en plus souvent les pouvoirs publics qui décident des missions des associations », les réduisant ainsi au rôle de simples sous-traitants. Or, l’intérêt de faire appel aux associations réside d’abord dans leur connaissance du terrain, dans leur capacité à identifier les besoins sociaux et à innover dans la manière d’y répondre.
Toutes ces difficultés frappent au premier chef le secteur social, mais aussi la culture ou le sport. Dans l’aide à domicile, les associations se retrouvent toujours davantage en concurrence avec le privé marchand, « avec le risque que les services ne soient accessibles qu’aux personnes solvables », constate Patrick Doutreligne. De fait, beaucoup de structures ont déposé le bilan. Une évolution que confirme Hugues Vidor, président de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes), qui observe que la baisse des financements publics se répercute sur les aides sociales versées par les départements et la Caisse d’allocations familiales (et notamment l’allocation personnalisée d’autonomie).
Se positionner comme des entrepreneurs
« L’esprit du temps est de demander à chacun d’être des entrepreneurs et non des assistés », rappelle Françoise Bernon, qui constate que les entreprises du secteur privé lucratif bénéficient, quant à elles, de larges aides fiscales. « Les pouvoirs publics partent du présupposé qu’il est rentable de soutenir une structure capitalistique, alors que l’ESS est toujours vue comme un coût », poursuit-elle.
De fait, s’il existe des dispositifs de soutien aux associations, les sommes en jeu se chiffrent en millions, là où d’autres aides publiques se chiffrent en milliards. Ainsi, 8 millions d’euros seulement sont alloués à la formation des bénévoles. Quant au dispositif local d’accompagnement (DLA), porté par l’Etat et la Caisse des dépôts (CDC), qui aide les petites associations à se professionnaliser, il ne mobilisera que 10 millions d’euros en 2019.
De quoi accompagner 4 000 structures, ce qui reste, là encore, « en dessous des besoins », selon Frédérique Pfrunder. Et ce n’est pas le maigre budget du Haut-Commissariat à l’économie sociale et solidaire et à l’innovation sociale (20 millions d’euros dans le projet de budget 2019) qui changera la donne.
- 1 Une baisse d’impôt de 75 % des sommes versées dans la limite de 50 000 euros incitait en effet les personnes assujetties à l’ISF à faire des dons aux associations d’utilité publique. Cela représentait 273 millions d’euros en 2017. Avec la réduction de son assiette en 2018, les ressources des associations sont fragilisées.
- 2. Voir « La France associative en mouvement », Recherches & solidarité, septembre 2018.
Source : Alternatives Economiques 26/10/2018
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